Prix des betteraves : Tereos s'explique
Avec un deuxième acompte de 6,5 €/t versé aux producteurs par Tereos, les betteraves sont payées 19 €/t à ce jour. Face à l’incompréhension et au mécontentement des planteurs, François Leroux, président du conseil de surveillance, s’explique.
Par qui et quand le montant de cet acompte a été fixé ?
La décision a été prise par le conseil de surveillance avant l’envoi de la circulaire, le 29 mars dernier. Pour rappel, nous avons versé 12,50 € par tonne lors d’un premier acompte fin décembre sur l’ensemble des contrats. Fin mars, le second acompte a été fixé à 6,50 € par tonne sur les betteraves livrées, soit un total, pour l’heure, de 19 € par tonne. Pour ceux qui ont livré peu de betteraves, c’est très faible, notamment pour les planteurs du sud.
A ces 19 € par tonne s’ajoute l’ensemble des primes et des indemnités diverses. A l’issue de l’assemblée générale plénière de juin, approuvant les résultats de l’exercice, les planteurs percevront un intérêt aux parts, ainsi que des dividendes. Ensuite, le conseil de surveillance déterminera au cours de l’été les modalités de paiement (montant définitif et calendrier de paiement) du complément de rémunération garanti permettant d’atteindre les 25 € de rémunération globale moyenne.
Il a été écrit qu’on devait tout payer le 31 mars. Non. On a toujours dit que le paiement court sur toute la campagne, qui s’étale jusqu’au 30 septembre, et les dividendes versés sont décidés lors de l’assemblée générale, comme chaque année. Quoi qu’il en soit, celui qui a eu 19 € par tonne, et 1 € de plus pour les planteurs moyens, s’il demande une avance sur trésorerie de 2 €, au maximum, ce sont 2 € qui lui manquent en trésorerie pour atteindre les 25 € par tonne. Dans le contexte actuel, je sais que c’est énorme. Je suis moi-même planteur de betteraves.
Le montant de l’acompte a toutefois fait l’effet d’une bombe parmi les planteurs, qui regrettent d’avoir été prévenus au dernier moment. Pourquoi ce retard dans l’information ?
Cette communication est tardive et nous le regrettons sincèrement. Je précise toutefois que ce courrier arrive habituellement au même moment que le règlement. Il est mal passé, car certains planteurs pensaient percevoir 25 € tout de suite. Il n’en reste pas moins que la communication a été tardive, mais il y a plusieurs raisons à cela. D’une part, nous avons dû décider de choses pas faciles à mettre en place. D’autre part, suite à la plainte contre X pour «acte de terrorisme» et «complicité», accusant Tereos d’avoir aidé à la préparation d’acte terroriste par le groupe Daech, nous avons dû faire front, préparer notre défense et répondre à tous les appels de nos clients du monde entier, des banques et des coopérateurs, inquiets à ce sujet. Cela n’explique pas tout du retard pris dans la communication auprès de nos planteurs, mais cela en fait partie, car nous avons été freinés dans notre travail sur les quinze derniers jours. Ensuite, mettre en place une avance sur trésorerie implique de vérifier certaines choses sur le plan juridique, ce qui prend aussi du temps. Tereos, ce n’est pas une banque.
Quelles sont les raisons qui ont poussé le conseil de surveillance à fixer à ce niveau le deuxième acompte ?
Le contexte des marchés, que ce soit le sucre en France, en Europe et à l’international, l’éthanol ou l’alcool, est au plus bas. A cela s’est ajoutée une mauvaise récolte de betteraves. La rentabilité de Tereos ne dépend pas que des prix de vente, mais aussi des volumes de production. Quand vous fermez une sucrerie un mois avant, comme cela a été le cas dans certaines de nos usines du sud, ce sont des marges opérationnelles en moins. Tout cela a eu forcément un impact non négligeable.
Vous dites garantir, au final, une rémunération globale moyenne de la betterave à 25 € par tonne. Que comprend cette rémunération et qu’est-ce qui vous permet de la garantir ?
La rémunération globale moyenne comprend tous les versements, soit le prix de la betterave, les indemnités, les dividendes, les intérêts aux parts sociales et, le cas échéant, les ristournes, le tout divisé par le nombre de tonnes de betteraves livrées à Tereos. Nous nous sommes engagés à payer au moins 25 € par tonne chaque année pendant les années de transition, suite à la fin des quotas. Pour mémoire, je rappelle que, pour la campagne 2017-2018, la rémunération globale moyenne versée aux coopérateurs Tereos a été largement supérieure à 25 € par tonne, grâce à une distribution exceptionnelle de résultat. Dans tous les cas, nous avons toujours dit que nous paierions la betterave au moins 25 € par tonne, on le fera. Si on l’a dit, c’est qu’on peut le faire, et cela grâce aux bénéfices tirés de la diversification de nos activités, qui représente les deux tiers du groupe (sucre, éthanol, électricité, amidon et produits sucrants, sucre de canne).
Face aux difficultés de trésorerie que peuvent rencontrer les planteurs, vous proposez une avance sur trésorerie avec un taux d’intérêt à 0,3 %. N’est-ce pas choquant que ce soit les planteurs qui paient les intérêts sur leur capital ?
Nous avons décidé d’ouvrir un compte de 2 e par tonne de betteraves engagées de parts sociales aux planteurs qui le souhaitent, assorti d’un taux d’intérêt des comptes courants de 0,3 % par mois. C’est le taux habituel que nous avons toujours pratiqué, y compris pour les comptes débiteurs, ce que font aussi les coopératives céréalières. Nous mettons un taux d’intérêt parce que c’est un compte débiteur. Nous ne sommes pas une banque. Nous ne pouvons pas prêter avec un taux gratuit ou très faible. Certains vont le demander, d’autres pas. C’est donc une question d’équité.
Vous dites que vous allez verser des dividendes. Comment un groupe qui ne fait pas de bénéfices peut-il verser des dividendes ?
Les comptes définitifs de Tereos ne sont pas sortis. Nous sommes en période de clôture de ces comptes. Je ne peux donc pas m’exprimer, aujourd’hui, sur les comptes et anticiper les résultats. Une fois cela dit, si les banques nous ont apporté des financements à hauteur de 250 millions d’euros, c’est qu’elles ont confiance dans les éléments qu’elles ont sur la coopérative.
Au vu de tous ces événements et de ce contexte plus que tendu, cela induira-t-il un changement dans l’ordre du jour de l’assemblée générale de juin ?
Non. La partie juridique de l’ordre du jour est fixée. Il y a encore des choses à préciser sur le cœur de cet ordre du jour, mais ce n’est que dans trois mois. L’ordre du jour n’est donc pas encore arrêté.
La possibilité d’une ouverture du capital, que vous avez déjà évoquée, est-elle maintenue au vu du contexte ?
On avance sur le sujet. C’est un projet de long terme. Nous ne sommes qu’au début de sa construction. Mais il est vrai que nous n’avons pas plus avancé sur le sujet, notamment en raison de tout ce qui passe.
Tereos porte plainte pour dénonciation calomnieuse
Après l’effondrement des cours du sucre et la crise de gouvernance que traverse Tereos, le groupe est aujourd’hui confronté à une plainte déposée contre lui par huit betteraviers, dont l’identité n’a pas été révélée, auprès de la section antiterroriste du parquet de Paris pour acte de terrorisme, en utilisant des faits déjà connus depuis 2016, et qui n’ont donné lieu à aucune poursuite.
«Face à des accusations aussi indignes et mensongères, la réaction de Tereos a été immédiate : le jour même, Tereos a saisi la justice d’une plainte en dénonciation calomnieuse, délit sanctionné de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Il faut être très clair : le sucre et le sorbitol sont des produits de consommation courante, qui ne sont soumis à aucune restriction spécifique à l’export par l’Union européenne. Toutes les exportations de Tereos sont licites et aucune mesure d’embargo, ni aucune législation internationale n’ont été enfreintes», précise François Leroux, le président du conseil de surveillance.
Reste que les effets collatéraux sont déjà perceptibles. «Depuis ce jour, notre groupe fait face à une véritable déferlante. Pas un jour ne se passe sans que tous les partenaires de Tereos du monde entier, clients, partenaires financiers, syndicats et coopérateurs n’appellent pour avoir des explications. Les conséquences seront irrémédiables car certains clients, pour des raisons confessionnelles, religieuses ou émotionnelles, ne reviendront plus chez nous. Mais le pire, ce sont les clients qui n’appellent pas. Cela, on risque de les perdre définitivement», commente-t-il. La réputation mondiale du groupe est d’ores et déjà entachée alors que la justice n’a pas encore tranché et que celui-ci est loin d’être le seul industriel à avoir été touché par ces détournements de produits. Question : y a-t-il des liens entre la crise de gouvernance que traverse le groupe et cette plainte ? La suite devrait le dire.