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Les agriculteurs bio sont d’importants employeurs

Plus de mille fermes bio, générant près de six-mille emplois directs : l’agriculture biologique est consommatrice de main-d’œuvre. La pleine période de désherbage actuelle représente d’ailleurs un pic d’embauche.

Pour réduire la pénibilité du travail, certains producteurs investissent dans un bed weeder, qui permet de désherber en position allongée.
Pour réduire la pénibilité du travail, certains producteurs investissent dans un bed weeder, qui permet de désherber en position allongée.
© Groupement d’employeurs des saisonniers des champs



Le moindre chardon est arraché manuellement : chaque année, à partir du mois de mai, le désherbage est une étape clé des cultures bio de plein champ. «Cette période est le pic de recrutement dans les exploitations bio, qui peuvent embaucher entre dix et vingt saisonniers», assure Simon Hallez, co-directeur de Bio en Hauts-de-France.
Le bio est d’ailleurs de plus en plus pourvoyeur d’emplois dans la région. «Avec une croissance à deux chiffres ces dernières années (+ 15 % entre 2017 et 2018), les Hauts-de-France font partie des régions où la progression des producteurs engagés en bio est la plus importante. Aujourd’hui, la région comptabilise plus de mille fermes bio, générant près de six-mille emplois directs, soit plus de 6 % de l’emploi agricole régional», annonce Bio en Hauts-de-France. Selon l’Agence bio, les fermes biologiques emploient en moyenne 2,41 UTA (Unité de travail annuel), contre de 1,52 UTA en conventionnel. «En région, on dénombre 1 emploi direct pour 8,2 ha en bio, contre 1 emploi direct pour 22 ha pour le reste de l’agriculture régionale», précise l’association régionale.
Élevage, arboriculture fruitière, maraîchage, légumes de plein champ… Même si 59 % des exploitants embauchent en CDI, le besoin en main-d’œuvre est principalement saisonnier, entre mars et octobre, avec un pic de besoins entre mai et juillet. «Il s’agit surtout de postes d’ouvriers polyvalents : désherbage, récolte, paillage…», précise Simon Hallez. Et chaque année, la crainte est la même : «réussira-t-on à recruter ?». Cette saison, malgré le contexte particulier lié à la crise sanitaire du Covid-19, les forts besoins semblent être comblés.

Donner du sens à la tâche
«La chance que nous avons, en bio, c’est que l’attractivité est plus forte qu’en conventionnel», analyse Simon Hallez. Les producteurs arrivent ainsi à mobiliser des salariés du coin en grande partie. Chloé, salariée depuis un an du groupement d’employeurs de saisonniers du champ (Bioteam), à Gouzeaucourt (59), en témoigne : «Mieux appréhender ce qu’est l’agriculture biologique, ses valeurs, permet de donner plus de sens au travail. Le fait de travailler dans cinq structures bio est un avantage, car cela permet de monter rapidement en compétence et en polyvalence.»
Les exploitants sont sensibles à la réduction de la pénibilité, indispensable à l’attractivité. «Pour le désherbage, par exemple, ils investissent dans des bed weeders (lit de désherbage, ndlr), un chariot automoteur qui permet de travailler en position allongée ou assise au-dessus de la culture, à l’abri du soleil ou de la pluie. En cas de fortes chaleurs, les horaires sont aménagés pour travailler lorsqu’il fait plus frais.»
Les salariés peuvent aussi bénéficier de formations sur-mesure : Brevet professionnel responsable d’exploitation agricole (BPREA), certificat de spécialisation ou licence professionnelle. Bio en Hauts-de-France anime plus de trois-cents heures de formations initiales par an sur l’agriculture biologique. «Les exploitants peuvent également bénéficier de formations de management», ajoute Simon Hallez.

Bouche-à-oreille et structures spécifiques
Pour recruter, il semble que le bouche-à-oreille fonctionne. «Mais pour aider au mieux les employeurs, nous mettons en place des solutions d’accompagnement au recrutement, comme le groupement d’employeurs (GE), qui met à disposition des salariés agricoles qualifiés dans le cadre d’un besoin en complément de main-d’œuvre. L’intérêt est de pérenniser les emplois grâce à la complémentarité des besoins des producteurs.» Il existe aussi le groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ), qui fonctionne sur le même principe qu’un GE, mais avec des personnes n’ayant pas nécessairement de bagage agricole et souhaitant se former, ainsi que la plateforme «Mobilisation emploi» de Pôle emploi, initiée dans le contexte Covid-19 sur laquelle les producteurs bio peuvent déposer leurs offres d’emploi.
Le principal frein à lever est celui de la mobilité. «La main-d’œuvre est en général très locale, mais beaucoup n’ont pas le permis, ou pas de voiture. Il y a des choses à inventer pour pallier à cela, notamment avec les collectivités locales.» D’autant que «l’agriculture bio va poursuivre sa croissance, et que l’emploi qu’elle génère sera lui aussi de plus en plus conséquent.»



«Fidéliser les saisonniers n’est pas évident»

Eddy Goethals a converti une partie de son exploitation en bio il y a sept ans. En plus d’un salarié en CDI, il emploie des saisonniers pour la cueillette des légumes.

Repérer la bonne tige, entre 40 et 60 cm de long et 2 à 4 cm de diamètre, la tirer pour la détacher de la base, couper les extrémités, et la placer dans une caissette : ce mercredi matin, cinq personnes s’activent dans une parcelle de rhubarbe bio, à Croixrault (près de Poix-de-Picardie). Eddy Goethals, installé à Fricamps, a converti une partie de son exploitation en bio il y a sept ans et a diversifié son assolement avec 9,5 ha de légumes il y a trois ans. Cette production nécessite un besoin en main-d’œuvre plus ou moins important selon la saison.
«Christopher est embauché en CDI, explique l’exploitant. Il est surtout occupé aux travaux des champs (80 ha en tout, dont un peu plus de la moitié en bio), et à l’activité de vidange des fosses. Mais il donne aussi un coup de main pour les légumes.» Pour lui, la plus grosse période d’embauche débute vers le 15 août avec la récolte des choux. «On poursuit avec celle du céleri branche. Fin septembre, on attaque celle des potimarrons et des courges butternut. La récolte se poursuit jusqu’en octobre avec le céleri boule précoce.» Quelques embauches sont aussi nécessaires pour les plantations.
À chaque fois, le bouche à oreille fonctionne. «Les saisonniers sont surtout des locaux qui le connaissent et qui reviennent régulièrement. Je peux aussi compter sur l’aide familial avec mes filles et mon père, et quelques stagiaires viennent compléter les besoins.» Jusqu’ici, Eddy Goethals a toujours réussi à trouver suffisamment de bras. «Je sais que je peux compter sur le groupement d’employeurs au cas où.» Mais il avoue que fidéliser les saisonniers n’est pas toujours évident.

Travailler au grand air, mais…
Aujourd’hui, Stéphane, qui habite à quelques kilomètres, est employé saisonnier pour cette récolte de rhubarbe. Un bon élément, puisque le fils de maraîchers connaît le milieu, mais il ne restera pas pour les prochaines récoltes. «Ici, je travaille au grand air et c’est plaisant. Mais j’ai trouvé du travail en intérim dans la métallurgie. C’est moins pénible physiquement et, surtout, c’est mieux payé !» Un raisonnement qu’Eddy Goethals comprend parfaitement. «Notre lacune, c’est que nous n’employons pas à temps plein. En général, la récolte se fait le matin avant d’être transportée chez Fort et vert (grossiste spécialisé dans les fruits et légumes bio à Arras). Il faut compter une vingtaine d’heures par personne et par semaine. Le salaire, lui, est au Smic.»
Même si l’exploitation est bien mécanisée, avec des arracheuses pour les céleris ou des herses étrilles, entre autres, certaines taches restent laborieuses. Les choux, par exemple, se coupent au couteau. La commande est à assurer, qu’il gèle, qu’il pleuve ou qu’il fasse très chaud. «Le plus contraignant reste le désherbage. On n’est jamais heureux de faire de la binette, plaisante l’agriculteur. Mais c’est le seul moyen de venir à bout des ronds de chardons.» Ce travail laborieux est souvent confié à Christopher, l’employé permanent, qui fait la grimace rien qu’à évoquer le sujet.
Lui a suivi toute sa formation dans cette exploitation (stage, contrat d’apprentissage puis CDI). S’il a choisi de rester, c’est que son métier présente plus d’avantages que d’inconvénients : «Entre la plaine, les vidanges, les légumes et les sapins de Noël, les journées sont très variées. Seul le mois de février est plus calme.» Un employé entouré et épanoui dans son travail mettra plus de cœur à l’ouvrage. «Je travaille toujours avec mes salariés, assure Eddy. Quand ils ont mal au dos, ils ont besoin du chef pour se motiver», rit-il.

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