Quentin Tondellier cultive des légumes de couleurs et d’antan
Associé de son père sur l’exploitation familiale, à Gapennes, Quentin Tondellier s’est lancé dans le maraîchage, mais pas n’importe lequel.
et le désherbage. Cela évite aussi de piétiner les cultures.
Les terres dédiées au maraîchage sont nues en ce début d’année. Tous les légumes d’hiver ont été ramassés. La plupart ont été vendus, d’autres sont conservés dans des réfrigérateurs en attendant preneurs. Divisées en douze carrés de 325 m2 chacun, pour faciliter la rotation des cultures et le désherbage, ces terres-là, juste à côté de la ferme familiale, à Gapennes, voient pousser des carottes jaunes, oranges et blanches, des betteraves rouges et jaunes, des poireaux, des navets, des pommes de terre bleues et des panais. Pour la récolte prochaine, il y aura aussi des rutabagas, des choux verts et rouges, et de l’ail.
Des légumes, Quentin Tondellier ne connaissait rien. Mais l’agriculture, «c’est quelque chose qui m’a toujours botté. De toute façon, je suis né dedans. Je ne me voyais pas faire autre chose», confie l’agriculteur de vingt-six ans. Après un bac agricole, Quentin fait un certificat de spécialisation en lait. Rien d’étonnant : l’exploitation familiale fait des vaches laitières. Son certificat en poche, il devient salarié dans une exploitation laitière, l’activité de la ferme familiale de 70 ha ne permet pas de dégager un revenu pour lui. Il enchaîne ensuite avec un certificat de spécialisation en machinisme, ce qui lui ouvrira les portes d’une Cuma, en attendant de pouvoir revenir à Gapennes.
1er septembre 2016 : cette date restera gravée à tout jamais dans sa mémoire. C’est celle de son retour, dans la ferme où il a grandi. Avec l’arrêt des vaches laitières dans l’exploitation, l’année précédente, père et fils réfléchissent à la manière dont ils vont pouvoir diversifier leurs activités agricoles. Leur choix s’arrête très vite sur le maraîchage. D’une part, parce qu’il y a une demande de produits locaux, particulièrement de légumes. D’autre part, parce que «le maraîchage demande peu d’investissements au départ», ajoute Quentin. Banco pour le maraîchage de légumes d’hiver, ce qui évite aussi d’investir dans des serres. Mais, pour se distinguer des autres, il faut trouver un chemin différent, pensent alors le père et le fils. Ce chemin sera celui de la production de légumes de couleurs et de légumes d’antan.
De la couleur dans les champs et les assiettes
Prudence oblige, ils commencent par deux hectares, dont un pour des pommes de terre bleues, et l’autre pour des carottes jaunes, oranges et blanches, des betteraves rouges et jaunes, des poireaux, des navets, des oignons, des échalotes et des panais. Le tout en agriculture raisonnée.
La récolte 2016 est vendue dans son intégralité grâce au bouche-à-oreille et à la vente des produits chez des restaurateurs à Amiens et en Baie de Somme. Rassurés par leur succès, Quentin et son père réitèrent l’expérience. Nouvel essai concluant. Les restaurateurs qui prenaient 30 à 40 kg de légumes par semaine en 2016 en achètent autour de 100 kg en 2017. «Si cela continue ainsi, on n’arrivera pas à faire la jonction entre la récolte 2017 et la prochaine en 2018», relève Quentin.
Outre le sucés des légumes de toutes les couleurs - hormis la betterave rouge qui s’est très peu vendue en 2017 -, celui des légumes d’antan les surprend. «Nous avons commencé tout petit avec des panais, sur une surface de 600 m2. J’ai choisi le panais par simple curiosité. Les 300 tonnes que nous avons produites se sont vendues en un rien de temps. Comme cela a plu, nous allons développer cette production. Du coup, pour la récolte 2018, nous allons consacrer 900 m2 à ce légume ancien. D’ores et déjà, je crains de ne pas en avoir assez pour répondre à la demande», pense Quentin. L’engouement pour ce légume d’antan, particulièrement auprès des restaurateurs, concerne aussi désormais les particuliers. La production de rutabagas, lancée cette année 2018, devrait suivre le même chemin, d’autant que les restaurateurs sont en demande de ce légume d’antan. Le marché est à prendre.
Une affaire qui tourne
Si la vente aux restaurateurs représente 90 % de leur vente contre 10 % aux particuliers, Quentin ne lâche pas son idée, celle de développer la vente directe à la ferme. Un magasin sera d’ailleurs ouvert cet été sur l’exploitation. Un investissement sera aussi fait pour l’achat d’une arracheuse. Mais chaque chose en son temps. «On a préféré attendre de voir si cela marchait avant de se lancer dans les investissements. D’ailleurs, je n’avais même pas fait une étude de marché, pas plus qu’on ne s’était fixé d’objectif par rapport au chiffre d’affaires», reconnaît Quentin. Les premiers résultats sont, dans tous les cas, prometteurs. En 2016, le chiffre d’affaires par mois était autour de 1 000 €. En 2017, il a atteint les 2 000 €. De quoi rassurer le jeune agriculteur et son père sur le choix de leur diversification. Ce qui ne les empêche pas de rester en alerte sur les évolutions des goûts des clients. Ainsi, exit désormais la betterave rouge, qui ne se vend plus. Exit aussi la carotte violette, qui n’a pas plus marché parce qu’elle déteint sur les autres légumes quand on la cuisine. Un désastre pour les restaurateurs.
Dans tous les cas, la nouvelle année s’annonce sous de bons augures. Et d’autant pour Quentin, qui verra son installation effective dans le courant de celle-ci. Ce qui ne l’empêche pas de s’investir dans les JA pour aider les autres jeunes comme lui à s’installer.
L’exploitation
- 70 ha, dont 35 ha de blé, 11 ha de betteraves, 12 ha de lin, 7 ha de colza, 2 ha de maraîchage, 2,5 ha de prairies
- Pour le maraîchage : 12 carrés de 325 m2 chacun. En 2017, quatre carrés de carottes oranges, un carré de carottes jaunes, deux carrés de betteraves rouges, trois carrés de poireaux et un carré de navet. Un hectare est consacré aux pommes de terre bleues cultivées, elles, en plaine.