Stéphane Ducrotoy : «Depuis que je suis maire, on m’adore ou me déteste»
Notre série à la rencontre des maires agriculteurs, à l’approche des municipales, se poursuit à Vignacourt. Stéphane Ducrotoy investit toute son énergie dans cette commune. Au risque de déplaire à certains.
Ce qui le motive : les «beaux projets» qu’il défend corps et âme.
Traire, prendre une douche expresse, filer à la mairie, puis sauter à nouveau dans les bottes et prendre le volant du télescopique… Cette course contre la montre est le quotidien de Stéphane Ducrotoy depuis qu’il a été élu maire de Vignacourt, en 2001. Il faut dire qu’on ne peut pas gérer une commune de deux-mille-cinq-cents habitants et de trente-trois salariés à la légère. Surtout lorsqu’on est aussi à la tête d’une exploitation de 160 ha et d’une cinquantaine de vaches laitières. «Je suis devenu maire par hasard, raconte-t-il. Après un mandat d’adjoint de 1995 à 2001, je me suis représenté sur la liste du maire sortant. À l’époque, les électeurs pouvaient panacher même dans une ville de plus de mille habitants. Le maire n’a pas été réélu, et on m’a poussé à prendre la place.»
Les premières années ont été difficiles. Il a fallu concilier la vie de jeune élu avec la ferme et la famille, ainsi que se former aux nouvelles fonctions. «Gérer un budget n’était pas un problème. Les agriculteurs savent ne pas dépenser l’argent qu’ils n’ont pas. Mais il a fallu prendre connaissance des nombreux dossiers, gérer du personnel, apprendre à dire non…» Cette dernière compétence a d’ailleurs changé sa vie. «Avant, les gens m’aimaient un peu, ou pas trop. Aujourd’hui, ils m’adorent ou me détestent. Il n’y a plus de juste milieu dans leurs sentiments !» Pour lui, la haine va bien souvent au-delà du titre de maire. «Elle déborde sur la vie personnelle. La moindre chose est critiquée. Encaisser cela est indispensable pour être maire.»
Des projets palpitants
Les dires n’empêchent cependant pas l’édile d’exercer ses fonctions avec passion. Sa fierté : les «beaux projets» qu’il a su mener à bien. Les Ateliers de Vignacourt, une entreprise de construction de cabines palettisables et de cloisons en kit qui pourvoit une vingtaine d’emplois, ont ainsi évité la délocalisation dans le cadre d’un projet d’expansion. «Nous avons tout fait pour leur trouver un terrain et les garder chez nous.» Depuis une douzaine d’années, un supermarché Aldi participe au dynamisme du centre-bourg et de la quarantaine d’artisans et commerçants de Vignacourt. «Je suis monté à Paris pour défendre le projet en commission, à l’époque. Avec mes mots à moi, j’ai su convaincre.» Autre exemple : l’ancienne ferme des Thuillier, un couple d’agriculteurs qui a réalisé des clichés des soldats alliés pendant la Première Guerre mondiale, a été rénové en centre d’interprétation, inauguré en juillet 2018. Cet investissement lui a valu une invitation en Australie. «Moi qui n’avait jamais pris l’avion, j’ai été servi !», plaisante-t-il.
La philosophie de Stéphane Ducrotoy, pour tirer la commune vers le haut : savoir saisir les opportunités. «La porte ne s’ouvre qu’une fois», assure-t-il. Ainsi, en un mois de temps, un local a été transformé en cabinet médical pour deux jeunes médecins qui voulaient s’installer. «Nous avons deux maisons médicales, avec quatre médecins, des infirmiers, kinésithérapeutes, dentiste, psychologue, podologue… On ne manque de rien à Vignacourt. Le marché de l’immobilier est d’ailleurs très actif.»
Pas de vie rurale sans caquètements
Ces ambitions communales sont néanmoins chronophages, et empiètent sur l’exploitation. «Il m’est déjà arrivé de me rendre en réunion alors qu’il me reste vingt vaches dans l’air d’attente. Je termine la traite plus tard, car la mairie prime», avoue-t-il. Ce sont certainement ces contraintes qui ont découragé la douzaine d’agriculteurs vignacouriers à s’investir dans la vie politique de la ville. «J’ai réussi à motiver l’un d’entre eux à s’inscrire sur la liste. Je comprends le point de vue de ceux qui veulent se consacrer pleinement à leur exploitation. Mais il faut absolument que le monde agricole soit représenté dans les campagnes pour défendre nos intérêts.» Impossible, pour Stéphane Ducrotoy, d’imaginer sa vie sans les caquètements des poules ni les beuglements des vaches. «Certains habitants ne les supportent pourtant pas, se désole-t-il. Ceux-là sont aussi les premiers à doubler un tracteur en klaxonnant. La dernière actualité sur les zones de non traitement sont une preuve supplémentaire que l’agressivité des citoyens envers les agriculteurs monte.»
Le temps passé et les représailles sont parfois lourds à gérer. Mais les bienfaits qu’apportent les fonctions d’élu à Stéphane Ducrotoy prennent le dessus. «Seul dans mon tracteur, au milieu de la plaine, je trouve le temps long», rit-il. Les rencontres qu’il fait, en tant que maire et vice-président de la Communauté de communes Nièvre et Somme, l’entraînent «dans une spirale de l’ascension». «Dans la vie, il y a des périodes où rien ne fonctionne, et c’est un cercle vicieux. J’ai connu cela. Mais il faut faire preuve d’audace, aller de l’avant et ne jamais rien regretter. On connaît alors une période faste où tout passe. Ce sont les rencontres que j’ai faites en tant qu’élu qui m’ont permis cela.» Cette période faste durera encore, il l’espère. Car Stéphane Ducrotoy compte bien s’investir dans d’autres projets pour améliorer la vie dans sa commune.
Des projets en veux-tu, en voilà
Stéphane Ducrotoy se représente pour un cinquième mandat de maire à Vignacourt. Il a encore des idées plein la tête pour améliorer la vie dans sa commune. Entre autres :
- Aménagement de gîtes et d’un salon de thé au centre d’interprétation
- Réhabilitation de l’ancienne gare et de l’ancienne école des filles en maison des associations
- Transformation du gymnase en une salle de réception conviviale
- Construction d’un hangar isolé pour la pratique sportive
- Aménagement de nouveaux parkings
- Construction d’hébergements pour personnes âgées
- Poursuivre la préservation des quarante commerces et artisans…