Tereos : vers la fin des hostilités ?
Le 20 décembre, le juge des référés du TGI de Saint-Quentin a suspendu la décision de Tereos d’exclure trois coopérateurs, qui critiquaient sa stratégie.
«On va de nouveau pouvoir croire au Père Noël. Si on n’avait pas eu gain de cause, on aurait fait appel. Heureusement, ce n’est plus d’actualité», dit Xavier Laude, l’un des trois coopérateurs exclus par Tereos, en août dernier. Un Père Noël qui est en fait le juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Quentin. Et pour cause. Le 20 décembre dernier, celui-ci a rendu son ordonnance, suite au référé déposé par les trois exclus, le 8 novembre 2018. Et l’ordonnance est des plus claires : le juge des référés demande que soit suspendue l’exclusion des trois coopérateurs. Par ailleurs, le juge a assorti sa décision d’une condamnation. Tereos devra verser des amendes, dont le montant total s’élève à 15 000 e aux trois plaignants.
Pour Me Thibaut Guillemin, l’ordonnance est on ne peut plus claire. «Mes clients sont réintégrés», dit-il. Avant d’ajouter : «Le juge des référés motive sa décision par le fait que Tereos doit convoquer une assemblée générale, conformément à ce qui a été demandé. Il faut que mes clients puissent participer à cette assemblée générale pour être en mesure de défendre leur point de vue et, le cas échéant, être élus.»
En fait, il s’agit d’une suspension de la décision du conseil de surveillance. Traduction : les exclus ne sont pas réintégrés définitivement. Mais, «on va continuer à se battre pour obtenir une assemblée générale de la coopérative», déclare Gilles Bollé, un des autres coopérateurs exclus. Leurs objectifs ? Pouvoir participer à cette assemblée, révoquer le conseil de surveillance et procéder à son renouvellement par les urnes.
Tereos fait appel
A peine la décision connue, la coopérative a fait savoir qu’elle allait faire appel de cette ordonnance en référé qui, selon elle, «ne porte pas sur le fond, et donc sur le bien-fondé des décisions d’exclusion», dixit un communiqué du même jour. Pas sur le fond, en effet car, ainsi que le rappelle le porte-parole de Tereos, «la loi est des plus claires sur le rôle d’un juge des référés. Celui-ci ne peut être saisi qu’en cas d’urgence. Donc, son rôle ne consiste pas à trancher sur le fond de l’affaire. Autrement dit, il ne peut pas s’exprimer sur la décision du conseil de surveillance d’avoir exclu ces trois coopérateurs». Voilà pour le rappel à la loi.
Les services juridiques de Tereos feront appel sur l’existence ou pas du cas d’urgence retenu par le juge des référés, soit la nécessité impérieuse de convoquer une assemblée générale de la coopérative pour résoudre le conflit et permettre aux plaignants, en suspendant leur exclusion, de pouvoir y participer. «Pour nous, cette urgence n’est pas caractérisée. En effet, le juge des référés s’est appuyé sur l’imminence de la convocation de cette assemblée, suite à la pétition que les plaignants ont lancée, qui peut ouvrir la voie à une assemblée générale anticipée, selon les statuts de la coopérative», explique le porte-parole.
Retour aux urnes ?
Mais, tant que la liste des signataires de la pétition - qui aurait recueilli plus de 2 500 signatures selon l’Association de défense des coopérateurs de Tereos (ADCT), dont font partie les plaignants - n’est pas validée par Tereos, rien n’impose la tenue de l’assemblée générale. Si les plaignants accusent Tereos de jouer la montre pour la validation de cette liste, la coopérative, elle, met en avant le fait qu’elle ne l’a toujours pas reçue. Et ajoute qu’elle a réclamé cette liste par courrier avec accusé de réception à deux reprises, sans aucun retour, puis qu’elle a réitéré de nouveau sa demande par l’intermédiaire d’un huissier.
Elle précise, par ailleurs, que dans le cadre du dossier de référé, elle a eu accès à deux constats d’huissiers
réalisés à la demande des plaignants. Or, le second constat, notamment, a établi que sur un échantillon de 600 signatures, seules 212 ont été confirmées. Les autres n’ont pas répondu. Et «a priori, certaines adresses sont fausses. Sans compter que sur les 212, les huissiers ne peuvent avoir la possibilité de confirmer que ce sont des signatures émanant des adhérents de Tereos», ajoute le porte-parole de la coopérative. Rien d’étonnant à cela, puisque la liste des adhérents n’est détenue que par la coopérative.
Une fois la liste remise et validée, que peut-il se passer ? «Si on nous la dépose, on s’engage à la vérifier. S’il est avéré que 20 % des adhérents l’ont bel et bien signée, nous appliquerons nos statuts. Autrement dit, nous aurons alors deux mois pour convoquer une assemblée générale extraordinaire. Dans le cas contraire, cela n’a pas lieu d’être», indique-t-il. Et de souligner tout de même que si le seuil des 20 % est atteint, cela signifie aussi que 80 % des coopérateurs de Tereos n’ont pas signé ladite pétition.
Dernier rebondissement
Tereos annonce, le 28 décembre, que la pétition fera finalement l’objet «d’un contrôle contradictoire dans ses locaux, en présence de l’ADCT et d’huissiers», à partir du 7 janvier. En raison du délai imparti pour faire appel, soit dix jours après la notification de la décision du TGI, Tereos a enclenché la procédure judiciaire, décision prise le 21 décembre, lors du conseil de surveillance. Le groupe coopératif s’est cependant engagé à mettre fin à cette procédure si la pétition est validée et respecte les statuts de la coopérative.
«L’assemblée générale découlant de la pétition, s’il s’avérait qu’elle est valide, n’interviendrait alors pas avant mars 2019», indique également. Quoi qu’il advienne, personne ne sortira indemne de cette crise, pas plus d’ailleurs que la filière.
Réaction de la CGB
Le syndicat betteravier, en association avec la FNSEA, avait plaidé, dès début décembre, auprès de Tereos pour que celle-ci accepte la proposition du Haut conseil de la coopération agricole. La proposition ? Que la gouvernance de Tereos et l’ADCT trouvent un tiers de confiance pour vérifier que les signatures de la pétition soient bien celles d’adhérents de Tereos. Ce sera donc chose faite en janvier.
Le 20 décembre, la CGB se fendait, par ailleurs, d’un communiqué. «Si la CGB regrette que la voie légale prévale sur le dialogue et la conciliation, elle se satisfait que par cette décision, le juge ait reconnu que ces agriculteurs soient fondés à être réintégrés dans leurs droits de planteur-coopérateur. Nous appelions de nos vœux que la coopérative ne choisisse pas cette voie et, depuis la décision du 9 août, que la décision d’exclusion soit reconsidérée.» Une fois cela précisé, «la CGB regrette qu’en faisant appel Tereos ne saisisse pas l’occasion de réintégrer ces planteurs et d’initier une conciliation propice à une sortie rapide de cette crise par le haut».