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La filière lait européenne et ses incertitudes

Des stocks à des niveaux normaux, voire bas, une consommation dynamique, un prix à la production au-dessus de la moyenne quinquennale : le secteur laitier européen affiche des voyants au vert. Le Brexit et la Covid-19 restent les deux ombres au tableau.

Les stocks privés de poudre de lait écrémé ont diminué depuis le milieu de l’année 2020 et sont désormais  à un «niveau bas» de 150 000 tonnes.
Les stocks privés de poudre de lait écrémé ont diminué depuis le milieu de l’année 2020 et sont désormais à un «niveau bas» de 150 000 tonnes.
© Pixabay

«Le marché laitier a résisté à la pandémie de Covid-19, mais il y a encore beaucoup d’incertitudes», conclut l’Observatoire européen du lait dans son dernier rapport du 11 décembre. Parmi les indicateurs bien orientés dans l’Union européenne, les stocks de produits laitiers affichent des niveaux normaux. Les stocks privés de poudre de lait écrémé ont diminué depuis le milieu de l’année 2020 et sont désormais à un «niveau bas» de 150 000 tonnes.
Fin septembre 2020, les stocks de beurre se situaient à un niveau normal pour cette période de l’année (200 000 t). «La hausse des exportations vers les pays tiers et des ventes au détail a soutenu l’équilibre du marché», expliquent les experts. Les stocks de fromages (400 000 tonnes) sont également à un niveau normal par rapport à la même période l’année précédente. À l’échelon des fermes, le prix moyen du lait payé aux producteurs européens s’élève à 35 cents/kg en octobre 2020, «le plus haut niveau depuis février». S’il est légèrement inférieur au même mois l’année dernière, il est supérieur de 3,2 % à la moyenne des cinq dernières années. Et pour novembre, «les estimations des États membres montrent des prix du lait plutôt stables».

Une demande dynamique
Côté exportations, l’Union européenne réalise de belles performances. Ses expéditions de beurre vers l’Ukraine ont grimpé de 1 012 % et celles de fromage de 130 % depuis le début de l’année. Les exportations en équivalent lait vers la Chine sont également en progression, de 14 %. Globalement, le commerce mondial des produits laitiers a été plus soutenu que prévu au troisième trimestre, porté notamment par une offre abondante – la production des sept principaux exportateurs a augmenté de 2 % sur les neuf premiers mois de l’année. Mais ce dynamisme «a principalement été au bénéfice des États-Unis, avec les exportations européennes légèrement en baisse», note Eucolait qui représente les intérêts des exportateurs, importateurs et grossistes européens de produits laitiers. Si en raison des confinements, la consommation domestique de produits laitiers a augmenté, en particulier pour le beurre, la crème, les fromages mais aussi pour le lait de consommation, «dans l’UE, les ménages restent relativement pessimistes et ont tendance à privilégier l’épargne à la consommation. Le niveau de confiance des consommateurs est faible», note l’observatoire. De plus, «la deuxième série de fermetures totales ou partielles a mis la pression sur les secteurs de l’hôtellerie, restauration et café», étaye-t-il. Ajoutez à cela un Brexit sans accord, et l’équilibre du marché laitier dans l’UE et dans le monde pourrait bien être perturbé.

 

 

Compétitivité : la filière laitière française toujours numéro 1 mondial

«La France conserve la première place du podium général», conclut FranceAgriMer dans sa nouvelle veille internationale de compétitivité sur les produits au lait de vache publiée le 3 décembre. "Parmi ses atouts : un fort rayonnement à l’international grâce à une industrie laitière bien développée à l’étranger et un marché mature avec une diversité et une bonne qualité des produits laitiers commercialisés. Ses faiblesses ? Une production en baisse régulière, des épisodes de sécheresse ainsi que des pressions sociales et environnementales fortes. La Nouvelle-Zélande continue de progresser et rafle la deuxième place au Pays-Bas désormais sur la deuxième marche du podium. L’île s’affirme grâce à son haut niveau d’exportation, favorisé par une nouvelle dépréciation du dollar néo-zélandais en 2019», explique FranceAgriMer. Grâce à son système herbager et sa position géographique, la filière néozélandaise est très compétitive notamment sur les poudres grasses et vers les destinations asiatiques. Le secteur laitier pèse pour plus de 50 % dans les exportations agroalimentaires du pays. En revanche, ses exploitations de grande taille sont confrontées à un fort taux d’endettement et des difficultés de transmission. Les Pays-Bas sont également un grand pays exportateur dont les volumes expédiés ne cessent de progresser depuis 2015. Cependant, il fait face à des contraintes environnementales de plus en plus fortes l’obligeant à revoir son système d’élevage et à diminuer sa production depuis 2017.

 

En Russie, les ratés du développement de la production laitière

À l’image du porc, la production laitière russe se développe, mais pas aussi vite que ne le souhaiterait le gouvernement de Vladimir Poutine, car ce secteur exige plus de capitaux et de technicité que d’autres. Certes l’embargo a accéléré le développement de la production laitière dite commerciale et sa transformation. Mais, la croissance actuelle du secteur laitier est surtout liée à l’amélioration de la productivité plutôt qu’à l’augmentation du cheptel. En effet, le nombre de vaches continue de diminuer. Selon l’office statistique russe, Rossttat, le troupeau laitier compterait 6,6 millions de têtes en 2020, soit une perte de 500 000 unités depuis 2018 et la moitié de ce qu’il était en 2000. En revanche, le rendement laitier a doublé sur la période pour atteindre 4 700 kg par vache. Dans les grands élevages, il est nettement supérieur à 5 500 kg contre 3 500 kg dans les petits élevages de survie. Les grands élevages réduisent aussi leur cheptel et compensent par l’augmentation des rendements individuels grâce à une génétique plus performante.

Volonté d’indépendance
La Russie a investi des milliards dans le développement et la professionnalisation du secteur agricole. L’année 2016 a vu, par exemple, les aides et crédits doubler pour le secteur laitier. Cette année-là, la Russie a importé 35 000 génisses et vaches, venant à 94 % de l’Ouest. Le développement s’est aussi fait par l’implantation de grandes entreprises étrangères comme, par exemple, Ekovina, sous holding allemande, (numéro un du lait russe) ou TH, un groupe vietnamien qui exploite 50 000 ha dans la région de Moscou avec un élevage 45 000 vaches. Ces grands élevages sont actuellement environ 8 000, et élèvent un peu moins de la moitié des vaches, l’autre moitié se trouve dans environ un million de petits élevages, catégorie dans laquelle le nombre de vaches diminue rapidement, surtout à travers les cessations complètes. Certes, la Russie voulait se rendre indépendante des importations laitières pour 2020, ce qui n’est pas totalement réussi. Elle continue d’importer des fromages dont le volume devrait atteindre 290 000 tonnes en 2020 contre 460 000 tonnes en 2013, mais aussi du beurre pour plus de 100 000 tonnes ainsi que du lait liquide pour 200 000 tonnes. L’essentiel provient de Biélorussie qui pratique aussi des réexportations. Même si le développement de la production laitière connaît quelques ratés, il y aura moins de place pour les exportations européennes, le jour où l’embargo sera levé.

 

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