Gestion de l’eau
L’irrigation dans le viseur de la Cour des comptes européenne
Dans un travail portant sur l’adaptation de l’UE aux phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents, la Cour des comptes européenne pointe certaines incohérences de la stratégie européenne notamment en matière agricole. Les investissements dans l’irrigation sont particulièrement critiqués.
Dans un travail portant sur l’adaptation de l’UE aux phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents, la Cour des comptes européenne pointe certaines incohérences de la stratégie européenne notamment en matière agricole. Les investissements dans l’irrigation sont particulièrement critiqués.
«Compte tenu de l’allongement et de la fréquence accrue des périodes de sécheresse qui menacent l’UE, ainsi que de la pression exercée sur les masses d’eau, l’irrigation ne constitue pas une réponse durable aux besoins d’adaptation de l’agriculture», estime la Cour des comptes européenne dans un rapport sur l’adaptation au changement climatique dans l’UE publié le 16 octobre. Globalement, la Cour considère que les actions ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées et que, bien souvent, les solutions à court terme sont plus prisées que celles à long terme. Promouvoir une utilisation rationnelle de l’eau en finançant la modernisation des équipements, par exemple, ne se traduit pas obligatoirement par une diminution globale de la consommation, car l’augmentation des superficies irriguées et l’allongement des périodes de sécheresse nécessitent des ressources supplémentaires, notent les auditeurs. Ils prennent l’exemple d’un projet de production de kiwis en Nouvelle-Aquitaine qui a bénéficié d’un financement de 110 064 € au titre du programme de développement rural pour la construction d’un réservoir rempli en hiver par pompage d’une rivière déjà fortement sollicitée pour l’irrigation.
Incohérences
Les incohérences de certaines stratégies sont également mises en lumière : «Le plan de la Nouvelle-Aquitaine a pour objectif de diminuer de 30 % la consommation d’eau pour l’agriculture, mais uniquement en période d’étiage. Et rien n’est prévu pour inciter à réduire la consommation d’eau le reste de l’année.» Autre exemple : le plan national d’adaptation autrichien préconise de réduire la consommation d’eau dans l’industrie et l’agriculture en recourant à des technologies plus efficaces, mais prévoit aussi un doublement des superficies à irriguer d’ici à 2050. Pour la Cour des comptes, d’autres solutions auraient pu être davantage mises en avant, notamment le recours à des pratiques plus favorables aux sols et à des modes de culture plus résilients face à la rareté de l’eau et à la sécheresse. Autre critique adressée à la politique agricole : les paiements directs de la Pac peuvent conduire au maintien d’exploitations non viables dans les nouvelles conditions climatiques.
Qualité de l’eau : un rapport européen déplore le manque de progrès depuis 2010
En 2021, seulement 37 % des eaux de surfaces en Europe affichaient «un bon ou très bon état écologique», alerte l’Agence européenne de l’environnement (AEE) dans son rapport sur la santé de l’eau diffusé le 15 octobre. Ce taux démontre qu’il y a eu «peu d’amélioration depuis 2010» malgré l’objectif de la directive-cadre sur l’eau (DCE) d’atteindre une bonne qualité des eaux en 2015. «L’état de certaines plantes aquatiques s’est amélioré, mais cela se traduit rarement par l’atteinte d’un bon état écologique général», explique le rapport.
Pour Leena Ylä-Mononen, directrice de l’AEE, la santé des eaux européennes n’est tout simplement «pas bonne». «Nos eaux sont confrontées à une série de défis sans précédent qui menacent la sécurité de l’eau en Europe», déclare-t-elle dans un communiqué. Dans le détail, sont en bonne santé chimique seulement 29 % des eaux de surface. Ces dernières sont «largement affectées» par la pollution au mercure issue de la combustion de charbon et les retardateurs de flamme bromée. Concernant les nappes phréatiques, qui alimentent en eau potable les deux tiers de l’Union européenne, 77 % sont en bonne santé chimique. «Les principaux polluants à l’origine de l’échec sont les nitrates et les pesticides», précise le rapport.
Pour l’AEE, «l’agriculture européenne doit recourir davantage à des pratiques biologiques et agroécologiques plus durables, accompagnées d’incitations et d’un changement de nos habitudes alimentaires et nutritionnelles». Ces résultats proviennent de l’analyse de plus de 120 000 masses d’eau de surface et 3,8 millions de km2 de masses d’eau souterraine dans l’UE et en Norvège.