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Phytos : opération réduction

Un semoir fait maison pour passer à l’agriculture de conservation des sols, réduire l’usage de produits phytosanitaires et tester cette pratique sur les grandes cultures. C’est le projet d’Emmanuel Leveugle, qui a présenté son prototype lundi 25 octobre à Flesquières (59).

Emmanuel Leveugle, son conseiller chambre — par ailleurs double actif — Aristide Ribaucour, et les deux étudiants en machinisme de l’Institut Saint-Éloi, Symphorien et Baptiste, face au sénateur du Nord Frédéric Marchand.
© LDG

Sur la question de la réduction des produits phytosanitaires, le monde agricole se bouge. C’était un peu le message envoyé par Emmanuel Leveugle, lundi 25 octobre depuis sa ferme à Flesquières (59), dans le Cambrésis. Lancé depuis un an dans la construction d’un semoir maison pour passer à l’agriculture de conservation des sols (ACS) à moindres frais, l’agriculteur à la fois bio et conventionnel avait convié des collègues, des journalistes et le sénateur du Nord Frédéric Marchand pour présenter son nouveau bébé.

Source de solutions
«Les agriculteurs sont tout à fait conscients des attentes en matière de réduction des produits phytosanitaires, et mettent tout en place pour y répondre. L’agriculture est source de solutions, sur ce sujet comme sur d’autres, notamment les énergies renouvelables : photovoltaïque, éolien, méthanisation...», salue Laurent Verhaeghe, président de la FDSEA 59, en préambule.
Et d’en profiter pour une petite digression : «Avec le Varenne de l’eau, on montre que l’agriculture réfléchit à la meilleure façon de contrer le changement climatique. Cela passera notamment par une réflexion sur la meilleure manière de stocker l’eau pour pouvoir l’utiliser quand nous en aurons besoin, sans puiser dans les nappes phréatiques. Allons-nous être assez intelligents pour mettre en place cela ?»

Améliorer son sol
«Mon père s’est installé après la guerre dans la ferme familiale avec des chevaux, introduit Emmanuel Leveugle en désignant les mangeoires qui longent le mur. Dès la fin des années 80, nous avons essayé d’améliorer notre sol : seigle, moutarde, Cipan, SIE... J’ai ensuite fait le choix du colza, qui capte l’azote, protège le sol et lui apporte de la biomasse.» Le maître des lieux, septième génération d’agriculteurs dans la ferme familiale.

Des essais ont été mis en place afin de tester l’efficacité des plantes compagnes dans les cultures de colza et de betteraves.

Fabrication maison
Depuis plusieurs années, l’agriculteur du Cambrésis est en TCS (techniques de culture simplifiées), sorte de pallier avant l’ACS. Mais il ne suffit pas de la vouloir, l’ACS c’est aussi un budget : entre 50 000 et 100 000 € pour un semoir permettant de semer plusieurs espèces en même temps. Une pratique passionnante, mais qui est aussi synonyme de prise de risque financier pour les producteurs.
Alors, poussé par son ami Hervé Gustin, professeur de machinisme à l’Institut Saint-Éloi de Bapaume, Emmanuel Leveugle se lance, fin 2019, dans des plans maison. Des dizaines d’heures de soudure plus tard (effectuées notamment par deux élèves du lycée agricole) pour customiser un semoir allemand à double trémie, le résultat est là : un semoir à dents polyvalent, capable de semer deux espèces dans deux lignes de semis lors du même passage. Montant total de l’investissement : 10 000 €. Les plans, actuellement en finalisation avec la chambre d’agriculture, seront prochainement partagés sur internet.

Des essais en colza et betteraves
Emmanuel Leveugle a donc fait ses semis avec son nouveau jouet, baptisé «le 75’s» en rai-son de l’écartement maximum qu’il permet entre les lignes de semis, sur toutes ses parcelles. Suivi par Aristide Ribaucour, technicien de la chambre spécialisé en ACS, il a mis des essais en place.
Dans son colza, il a semé du fenugrec, une plante odorante, pour tester son efficacité à repousser les altises. Sur une dernière parcelle d’essai, tournesol, phacélie, moutarde d’Abyssinie, trèfle d’Alexandrie et fenugrec donc ont pris la place pour détourner les ravageurs avant les semis de betteraves, en mars-avril prochain.

Les trois piliers de l’ACS

L’agriculture de conservation des sols (ACS) est un système agricole qui vise à protéger les terres arables. Il repose sur trois piliers : la couverture permanente des sols pour prévenir les adventices, favoriser le stockage d’azote et préserver les réserves hydriques ; le travail minimal du sol pour limiter son érosion et protéger la matière organique qu’il contient et la diversification et ainsi que la rotation des cultures pour créer des interactions vertueuses entre les différents végétaux, limiter l’apparition de maladies, de parasites et d’espèces végétales indésirables. Elle est notamment censé régénérer les terres dégradées et favoriser le stockage de carbone dans le sol.
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