Piloter son méthaniseur au quotidien
Retours d’expériences de deux exploitants sur le pilotage d’un méthaniseur au quotidien.
Yan Meilink et Maxime le Jeanne, tous deux agriculteurs, sont venus témoigner de leur expérience au sujet du pilotage quotidien de leur méthaniseur, lors d’une conférence organisée au Salon aux champs, Salon national des Cuma, à Lisieux (Calvados). Le Gaec Meilink à Croisilles, dans le Calvados, a mis en place une unité de 250 kW électriques visant à produire de l’énergie renouvelable à partir d’effluents, de tontes de pelouses et de déchets d’industries agro-alimentaires. L’énergie thermique produite par l’unité est valorisée au niveau d’un séchoir qui sert principalement à la déshydratation multiproduits (fourrages pour les bovins, digestat solide séparé, plaquettes de bois). L’installation a été mise en route en septembre 2012.
Le Gaec Le Jeanne à Moussonvilliers, dans l’Orne a, quant à lui, démarré son unité de méthanisation en 2011 avec 130 kW électriques, avant de doubler son installation. Lisier, fumier, tonte de pelouses et déchets de céréales sont apportés dans l’unité. Pour le premier, l’important était de trouver une activité de diversification sur la ferme. Pour le second, un moyen de réduire son odeur.
Alimentation du méthaniseur
Yan Meilink estime à pratiquement un temps plein le temps nécessaire à la gestion de cette activité annexe. Pour Maxime Le Jeanne, l’activité de méthanisation lui prend un trois quarts temps. Au quotidien, les éleveurs alimentent le méthaniseur, surveillent les données concernant le niveau de la fosse, l’épaisseur du digestat, la température et le niveau de la bâche. «Dans le temps de travail, il faut également prendre en compte la vidange mensuelle et l’entretien du moteur, mais aussi les problèmes de dysfonctionnement, de panne ou de casse. Le taux de matière sèche (MS) représente, par exemple, un point de vigilance journalier. Il est essentiel pour la fluidité du digestat. Plus le taux de MS est important, plus on consomme d’électricité pour agiter le digestat et plus le risque d’abîmer le moteur augmente. D’autre part, si le taux de MS est élevé, on chauffe moins, ce qui impacte le revenu», souligne Maxime Le Jeanne.
La ration quotidienne apportée aux bactéries du méthaniseur est primordiale. «Comme les vaches laitières, il faut les nourrir pour produire ! Assurer la qualité de l’approvisionnement et gérer les stocks sont donc essentiels. On ne peut pas se permettre de travailler à flux tendus. L’approvisionnement fait la quantité de gaz, et donc le revenu», observe Yan Meilink.
Autre point de vigilance : le brassage par rapport à la consommation de l’électricité. Un fumier pailleux entraîne davantage de bourrage. Par ailleurs, lors de l’introduction de rations d’origine extérieure à l’exploitation, attention à la présence de corps étrangers susceptibles de provoquer de la casse.
Gestion du stress
Lors du choix du méthaniseur, il faut être vigilant quant à la robustesse et à la fiabilité du moteur. «C’est le même stress que pour un robot de traite.» «Les premières années ont été prenantes moralement.» «Il aurait été difficile de porter seul le projet», consentent les éleveurs. Avant d’ajouter : «Il faut apprendre à gérer ça. Le méthaniseur représente une astreinte quotidienne et un nouveau métier à apprendre.»
Aujourd’hui, les deux exploitants sont satisfaits de leur installation. «Cela représente un revenu stable et complémentaire qui, de surcroît, est indépendant de la Pac, de la météo et de la ferme», souligne Maxime Le Jeanne. Une meilleure valorisation agronomique du digestat représente également un point fort pour les deux agriculteurs.
Attention au contrat
Une étude commandée par l’Ademe en 2015 a mis en avant sept domaines de risques pour les projets de méthanisation (gouvernance, communication, gisement, installation, exploitation, valorisation des productions du méthaniseur et économie générale du projet). «En 2017, un focus a été réalisé sur les contrats. Certes, ce n’est pas une partie de plaisir, mais il est essentiel de les demander et de les lire. Un contrat se négocie !», insiste Luc Boucher, consultant en gestion des risques agricoles. «Trois grands éléments sont à regarder dans un contrat de méthanisation : le partage des rôles (qui fait quoi ?), l’organisation du chantier (les règles de droit s’appliquent) et les engagements de performances. Pour ce dernier point, il est important de regarder ce que cela implique en termes de manque à gagner.»
Sur le site de l’Ademe, une étude et un guide d’aide à la lecture d’un contrat disponibles.