Energies
Quelle place pour le bois dans le mix énergétique du futur ?
Compte tenu de la ressource mobilisable, y compris en région Hauts-de-France, le bois a une carte à jouer dans la transition vers la production de chaleur décarbonée. Les conditions de la réussite ont été détaillées lors d’un colloque organisé début décembre à Arras (62) par Fibois, l’interprofession bois-forêt.
Compte tenu de la ressource mobilisable, y compris en région Hauts-de-France, le bois a une carte à jouer dans la transition vers la production de chaleur décarbonée. Les conditions de la réussite ont été détaillées lors d’un colloque organisé début décembre à Arras (62) par Fibois, l’interprofession bois-forêt.
La ressource est là, à portée de tronçonneuses, mais il faudra y consacrer quelques moyens pour en profiter. En substance, c’est le message porté par Fibois Hauts-de-France, l’interprofession régionale bois-forêt lors d’un colloque qui a réuni une trentaine de participants le 6 décembre, à Artois-Expo. Quand on pense «forêt», les Hauts-de-France ne sont pas forcément le territoire où l’on s’attend à croiser le plus d’arbres, et pourtant, on y trouve une surface sylvicole non négligeable, et en progression (+ 7,5 % entre 2017 et 2021). La région compte en effet 431 000 hectares de forêts, dont la majeure partie se trouve dans l’Aisne (140 000 ha) et l’Oise (129 000 ha). La surface restante se situe dans la Somme (56 000 ha), le Pas-de-Calais (54 000 ha) et le Nord (52 000 ha). Cette répartition inégale se retrouve également dans les utilisations avec une demande particulièrement marquée dans… le Nord-Pas-de-Calais. D’après l’Ademe, on consommerait quelque 1 582 000 tonnes de bois par an en bûches auxquelles s’ajoutent 1,2 million de tonnes de plaquettes.
Gestion et planification de la ressource
En ce qui concerne son exploitation, le Centre national de la propriété forestière des Hauts-de-France et de Normandie estime que la forêt des Hauts-de-France produit annuellement 2,9 millions de m3 de bois, dont seulement 1,9 million de m3 sont prélevés. Ce qui explique cette différence, «c’est que toute la ressource n’est pas accessible», note Guillaume Rielland, directeur adjoint du CNPF des Hauts-de-France et de Normandie. Dans les utilisations, on note «une forte augmentation du bois-énergie», lequel représente 52 % du marché du bois en 2022 contre 17 % en 2017. «En vingt ans, le bois-énergie s’est imposé comme le premier débouché du bois récolté dans la région. Il y a aussi des volumes récoltés pour le bois d’œuvre et l’industrie, mais la plus grosse part de ces volumes est destinée à la production de bûches.» Témoin de cette tendance, la production de bois de chauffage continue de se professionnaliser pendant que le nombre de particuliers récoltant pour eux-mêmes tend à diminuer. Du côté de l’Office national des forêts (ONF), son directeur régional pour le Nord et le Pas-de-Calais, Éric Marquette, confie lui aussi privilégier «la filière professionnelle».
Défendre la place du bois
Pour que la ressource soit mobilisée durablement et à sa juste valeur, les professionnels de la filière bois-forêt mettent en avant le besoin de documents de gestion des surfaces forestières ; un document pour lesquelles encore beaucoup de surfaces privées sont dépourvues. Pour Pierre Ducray, directeur de Nord Seine forêt aménagement approvisionnement (NSF2A), «dans les forêts privées, il y a encore des gisements à exploiter, mais il faut se mobiliser. L’un des enjeux, c’est de les connaître». Plus que la ressource en elle-même dont on constate la présence, «c’est la façon dont on la traite qui doit nous interroger (…) Ce qui manque à notre filière, c’est de la visibilité». À ceux qui seraient tentés de «garder» des bois sur pieds vieillissants, Pierre Ducray met en garde : «Certains propriétaires ont tendance à capitaliser mais c’est risqué», citant par exemple des risques au niveau sanitaire. Pour conserver une certaine valeur, la forêt a en effet besoin d’être renouvelée, «mais cela n’est pas toujours bien compris», abonde Éric Marquette (ONF) qui évoque la fronde citoyenne à laquelle il doit faire face dans certains massifs forestiers de la région. Autre obstacle, et pas des moindres, celui d’une réglementation environnementale stricte… ou plutôt l’interprétation qui en est faite, à en croire des professionnels confrontés à une police de l’environnement qui se montre parfois tatillonne.
Pour Guillaume Cousseau, directeur de la Coforaisne, il existe enfin certaines difficultés à investir dans le matériel nécessaire à l’exploitation forestière et à la mobilisation d’une main-d’œuvre qualifiée pour intervenir. Et ce dernier d’en appeler aux pouvoirs publics pour «aider la filière». Au moment où le projet de loi ENR (énergies renouvelables) est débattu à l’Assemblée Nationale, tous au sein de la filière bois-forêt régionale s’accordent à considérer que le bois comme énergie décarbonée a une carte à jouer : «On parle beaucoup de la place de l’électricité avec de nouvelles façons de la produire, y compris pour la chaleur, mais il n’y a pas que cela. Il faut prendre conscience du rôle que le bois peut avoir», estime Pierre Ducray. Et de conclure son propos en déclarant que «ce n’est pas seulement en multipliant les autres sources d’énergie que le bois que l’on arrivera à atteindre les objectifs de décarbonation».