Tereos : la stratégie du groupe reste, le président sort
Le 26 juin, l’assemblée générale a élu un nouveau conseil
de surveillance. C’était au tour de son président le lendemain.
L’affaire est dans le sac, serait-on tenté de dire. Le groupe sucrier, miné depuis deux ans par un bras de fer entre une partie de ses coopérateurs et la direction, à laquelle ils reprochent sa stratégie financière et son mode de gouvernance, a rebattu les cartes en sa faveur, lors de l’assemblée générale, qui s’est tenue à Saint-Quentin, le 26 juin dernier. Ses élections partielles - qui conduisaient au renouvellement d’un tiers des membres du conseil de surveillance, élus par les délégués de région - ont, semble-t-il, sifflé la fin de la partie.
Les 181 conseillers de région, représentant les 12 000 membres de la coopérative, ont voté pour un conseil de surveillance favorable aux deux tiers à la politique menée par le groupe. «La majorité des membres élus, soit dix-sept sur vingt-quatre, soutient la stratégie décidé par le précédent conseil et mise en œuvre par le directoire», se félicitait Tereos, le jour même. Sans donner de plus amples informations. Aucun détail du vote n’a donc été dévoilé, ni les noms.
Parmi les questions à l’ordre du jour figurait, entre autres, la réintégration des trois «frondeurs», Gilles Bollé, Gérard Clay et Xavier Laude. Exclus en 2018 par le conseil de surveillance, excédé par leurs méthodes et leurs dénonciations répétées, ils avaient dû être réintégrés sur décision du juge des référés en décembre 2018. Mais, suite à la plainte déposée par les frondeurs contre Tereos pour «actes de terrorisme et complicité d’actes de terrorisme» en mars 2019, le groupe sucrier avait demandé aux frondeurs réélus en décembre de démissionner. Fin de non-recevoir de ces derniers.
Réintégration des frondeurs et éviction de François Leroux
Le sujet est donc revenu sur la table, lors de l’assemblée. Même si le vote n’a pas été un raz de marée, l’assemblée s’est prononcée à plus de 50 % pour leur maintien parmi les coopérateurs. Deux explications peuvent éclairer ce choix. La première, c’est que l’exclusion prononcée contre les fraudeurs n’a sans doute pas séduit tout le monde, y compris ceux qui ne partagent pas les idées des «frondeurs», et d’autant que ce levier est rarement activé au sein d’une coopérative. Autrement dit, cela ne se fait pas d’ordinaire. Leur exclusion avait d’ailleurs soulevé une levée de boucliers et de réactions, notamment de la part du syndicat betteravier, qui avait engagé un bras de fer avec le groupe sucrier, mais en vain.
La seconde explication est qu’à l’heure où le groupe, endetté, doit faire face, comme l’ensemble du secteur, à un effondrement du cours du sucre, resserrer les rangs et montrer un front uni et apaisé est plus que temps. Et ce, d’autant, que la gouvernance fait partie des critères retenus par les agences de notation Ficht et Standard & Poors dans la note qu’elles attribuent, déjà revue à la baisse en raison de son endettement (2,5 milliards au 31 mars 2919, ndlr). Signe de la bonne volonté de Tereos de travailler en intelligence avec ceux qui l’ont critiquée hier ou stratégie de façade ? Le temps le dira.
Un travail qui sera toutefois «facilité» pour la coopérative, puisque seul Xavier Laude a été élu au conseil de surveillance et récupère donc son siège. Gérard Clay, qui menait les opposants, a été, lui, battu, et Gilles Bollé, le troisième frondeur, n’avait pas fait acte de candidature. Ce qui n’empêchait pas ce dernier d’estimer qu’aucun vainqueur n’était sorti des urnes. «On ne prend pas la majorité, mais les autres ne l’ont pas non plus», commentait-il à l’issue du vote.
Les chiffres disent le contraire, puisque la liste «dissidente» ne se compose que de sept membres au sein du conseil de surveillance (dont six n’ayant jamais siégé au conseil, ndlr). Une fois cela dit, parmi les dix-sept membres élus favorables à la politique menée par le groupe, un certain nombre de nouveaux font leur entrée et pourraient se montrer plus critiques que leurs prédécesseurs ou soulever des questions sur la stratégie.
Dernier acte, et coup de théâtre, le président sortant du conseil de surveillance, François Leroux, a été battu, se trouvant ainsi écarté de la course finale à la présidence. En première ligne pour gérer la crise de gouvernance qui secoue le groupe sucrier depuis deux ans, aurait-il été jugé trop clivant ou pas assez rassembleur, et fait l’objet d’un lâchage en règle ? Classique dans les jeux politiques d’éradiquer du paysage ceux qui ont été au cœur de la mêlée quand on insiste sur la volonté d’avancer et de travailler ensemble, ce qui implique de sortir du jeu certains membres de l’équipe antérieure pour faire table rase du passé. En langage biblique, cela s’appelle le bouc émissaire. Quoi qu’il en soit, contrairement à ses habitudes, la coopérative décidait d’accélérer la «mécanique» et de réunir son conseil de surveillance, dès le lendemain du vote de l’assemblée générale, à Moussy-le-Vieux.
A la tête du conseil de surveillance
En précipitant de la sorte cette élection, difficile dans ces conditions d’organiser ses troupes et de choisir un de ses membres pour la bataille de la présidence. Y a-t-il eu plusieurs candidatures ? Là encore, le secret est de rigueur. A peine le vote réalisé, Tereos se fendait d’un communiqué pour annoncer que le conseil de surveillance avait élu Jean-Charles Lefebvre, précédemment vice-président, comme président du conseil de surveillance. Agriculteur à Noyales, dans l’Aisne, Jean-Charles Lefebvre produit exclusivement de la betterave. Quant au numéro 2, soit le vice-président, c’est désormais Brice Bijot, membre du conseil depuis la création de la coopération unique. Agriculteur à Marigny, dans la Marne, il produit de la betterave et de la luzerne. Tous deux sont issus de régions de production favorables à la direction sortante du conseil de surveillance.
Ces résultats confirment la représentation des équilibres au sein du conseil de surveillance, et donc dans quel camp se situe désormais cet organe de gouvernance. Et pour cause, puisque le conseil de surveillance est chargé de valider les grands arbitrages financiers et la stratégie du groupe, proposés par le directoire. A l’issue du vote, un communiqué de Tereos indiquait que «le conseil de surveillance souhaite souligner sa volonté commune de travailler ensemble dans l’intérêt des 12 000 associés et des 25 000 salariés». Travailler ensemble, c’est aussi ce que désirent les membres du conseil issus de la liste dissidente, «mais pas dans n’importe quelles conditions. On demande avant tout de travailler sur de bonnes bases, ce qui signifie travailler entre agriculteurs», précise Xavier Laude. Mission impossible ?