Fin des quotas : dissonances autour des négociations collectives du prix
A l’occasion de l’assemblée générale de la CGB, les planteurs français ont convergé d’une même voix pour exiger que le «maximum d’éléments de la recette» soit intégré dans l’accord interprofessionnel.
Comment les planteurs de betteraves vont pouvoir se projeter et faire les bons choix à l’occasion des semis de mars 2017, dont la production sera la première à ne pas connaître les quotas ? La fin d’un prix minimum instaure d’ores et déjà une incertitude palpable chez les exploitants quant à leur rémunération future. Sécuriser la recette du planteur est la priorité de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB), qui milite pour un accord interprofessionnel national, «fixant tous les éléments de la recette», insiste son président, Eric Lainé.
Côté fabricants de sucre, cet accord doit-être assoupli. «Nous sommes pour un accord interprofessionnel national qui laisse de la latitude à nos entreprises. Le paysage a changé, l’accord doit s’adapter», déclare Olivier de Bohan, président de Cristal Union. Même discours chez Tereos. En réponse, le président de la CGB a indiqué que «dans la quasi-totalité des principaux pays producteurs, le principe de fixation du prix (…) en fonction d’un partage entre planteurs et fabricants était clairement prédéfini dans les contrats et contrôlé a posteriori». Cette prédéfinition du partage n’irait, selon lui, en rien à l’encontre des initiatives commerciales des entreprises et pourrait donc continuer à fonctionner en France après 2017.
Actuellement, cette rémunération s’articule pour le sucre autour d’un rapport 44 % (planteur)/56 % (fabricant). Selon une source membre du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS), «deux lectures sont faites des textes communautaires. L’une dit que les négociations collectives des prix sont possibles et l’autre non». La Commission européenne souhaite que le Parlement et le Conseil des ministres précisent leur position sur ce point, pour ensuite définir un acte délégué prévu courant février 2016.
Mais, pour l’heure, la direction générale de l’Agriculture et celle de la Concurrence ne s’accordent pas. En outre, selon la Directrice générale de la Performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), Catherine Geslain-Lanéelle, les chances d’intégrer les formules de prix à l’échelle du territoire sont quasi nulles. «Il me paraît très improbable que cet acte délégué délivré par la Commission européenne vienne autoriser une négociation prix au niveau national», dit-elle.
Des perspectives de croissance concrètes
Le contexte mondial semble présenter des conditions exceptionnellement favorables. Ainsi, après cinq ans d’excédent sur le marché mondial, le sucre rentre dans un cycle déficitaire. Les prix repartent progressivement à la hausse depuis cet été, mais les stocks encore importants ralentissent leur progression. Avec la fin des quotas, des opportunités commerciales pourraient être saisies, notamment sur la possibilité d’attaquer des marchés historiquement captifs. «L’Europe pourra devenir un exportateur net avec un excédent anticipé en France et en Allemagne», souligne ainsi Serge Lhermitte, délégué ministériel aux entreprises agroalimentaires, au ministère de l’Agriculture.
Par ailleurs, le marché du bioéthanol sera grandissant. «L’adoption de 7 % de biocarburant d’ici 2030 représente 20 millions d’hectolitres. Il faudra donc augmenter de plus 40 % la production d’éthanol», se réjouit Eric Lainé. De plus, l’augmentation de la démographie, en particulier dans les pays en voie de développement, génère une croissance de la consommation mondiale de 2,5 millions de tonnes (Mt) à 3 Mt de sucre par an, avec, en prime, une transition des régimes alimentaires. A ce titre, en Chine, la consommation de sucre est de 11kg/an/personne, en France, elle est égale à 25 kg/an/personne).
Les objectifs de la réforme
La réforme de fin des quotas en 2017 insufflera un changement en profondeur du marché pour ses acteurs, planteurs et sucriers. Ce plan aura pour objectif de mettre fin aux contraintes commerciales en termes de production et d’exportation, et les distinctions entre débouchés alimentaires et non-alimentaires. Mais aussi, il signe la fin d’un prix minimum, la fin des droits historiques pour les planteurs, en maintenant néanmoins les droits de douane pour garantir la protection du marché intérieur. Un renforcement de la concurrence en Europe s’opèrera à tous les niveaux : entre les cultures, entre les différentes typologies de sucre, les fabricants, les usages (export, marché intérieur, alimentation etc.). «Plus de liberté impliquant dans un même temps plus de responsabilité, plus de risques et plus de volatilité», résume ainsi Serge Lhermitte. Des efforts devront se poursuivre en termes de compétitivité coût et hors coût avec l’allongement des campagnes, l’augmentation des rendements et les innovations, entre autres.