L’arc séduit de plus en plus de chasseurs samariens
Ils étaient cinq à l’origine de l’Association des chasseurs samariens, en mars 2015. Ils sont désormais 102 adhérents. La discipline semble toucher le cœur des passionnés de nature.
«Chasser à l’arc, c’est être en communion avec la nature. On ne tire que si on est sûr que la flèche va tuer, par respect de l’animal.» Voilà quelques années que David Duflos a laissé son fusil au placard. Pourtant, l’homme est un «chasseur depuis toujours et le sera toujours». Mais l’adrénaline du coup de feu s’est envolée au fur et à mesure des années de pratique. «Chaque saison, je réduisais le calibre. Et puis, en 2014, je me suis mis à l’arc et j’ai découvert une autre façon de chasser. Silencieuse, beaucoup plus subtile, qui nécessite une vraie connaissance de son milieu. J’ai totalement adhéré.»
David Duflos chasse d’abord dans l’Aisne, puis il ambitionne de développer la pratique dans son département de la Somme. «Nous étions cinq à la création de CAS80 (Association des chasseurs à l’arc samariens), le 26 mars 2015. Aujourd’hui, nous avons 102 adhérents.» Parmi eux, beaucoup d’anciens chasseurs qui ne prenaient plus leur permis, «car ils ne trouvaient plus de plaisir avec leur fusil. On fait vivre l’économie locale». Et de nombreuses femmes. «Peut-être parce qu’elles cherchent à être proches de la nature, et que les armes à feu les rebutent.»
Connaître le gibier par cœur
Pour promouvoir la chasse à l’arc, les bénévoles s’activent dans les manifestations : Salon de la chasse à Rambures, en mai, Salon des migrateurs à Cayeux-sur-Mer, en juillet, ou encore Terre en fête, à Croixrault, début septembre. «En général, notre stand attire beaucoup de monde, parce qu’il est très ludique. Même les enfants peuvent participer. Nous proposons des initiations avec des cibles 3D.»
L’occasion d’inculquer les valeurs indispensables à la chasse à l’arc. L’animal est tiré de très près : 15 mètres maximum pour le grand gibier, 20 à 25 mètres pour le petit. Car il s’agit de toucher la zone vitale, cœur ou poumons, pour tuer la bête quasi-instantanément. «Cela nécessite de connaître le gibier par cœur.» Se faire oublier. Ecouter. Et approcher le plus près possible. C’est seulement quand l’homme est à quelques mètres de l’animal qu’il peut bander son arc, encocher la flèche, armer, et tirer.
Pour parvenir à la performance d’atteindre la zone vitale de 18 cm de diamètre pour les cervidés et 15 cm pour les sangliers et chevreuils, l’entraînement est indispensable. «Cela fait partie de notre éthique. On ne tire pas un animal tant qu’on est pas performant sur cible.» CAS80 a donc mis en place deux parcours de 35 cibles, à Amiens sud et à Noyelles-sur-Mer et a le projet d’en créer un troisième à Cappy, et des sessions d’arc drap sont organisées. Les dix instructeurs/formateurs de l’association, dont David Duflos, animent des journées d’entraînement à l’intersaison. «Nous donnons des conseils techniques, nous réglons les arcs, nous conseillons quelle flèche, pour quel arc et quel homme…»
La performance est d’approcher l’animal
Et ils rappellent l’état d’esprit : «Si un sanglier passe trop vite, il faut savoir se maîtriser et ne pas tirer. Accepter la bredouille fait partie du jeu, parce qu’on prélève très peu finalement.» David Duflos compare cette activité à celle du photographe. «On peu attendre des heures au même endroit, pour se faire oublier de la nature. La performance, c’est d’arriver à être au plus près de l’animal. Pas de le mettre à terre.»
Cette maîtrise de soi, Nicolas Portois, administrateur à la Fédération des chasseurs de la Somme, l’admire. «Je chasse très peu à l’arc, mais je trouve que cette pratique enseigne une éthique remarquable. Quand l’un d’entre eux à réussi à prélever, tout le monde le félicite. Il n’y a pas d’esprit de concurrence ni de jalousie entre eux.» Si bien que les chasseurs à l’arc sont de plus en plus conviés dans des chasses mixtes. «On a parfois du mal à se faire accepter, mais une fois qu’on a mis un pied dans un groupe, on est tout de suite adoptés», assure David Duflos. Les chasseurs à l’arc peuvent alors être témoins de situations assez comiques. Postés à l’affût dans des arbres, assis sur un tree-stand, ils observent : «A plus de trois mètres de haut, le grand gibier ne nous voit pas. On apprend beaucoup sur leur comportement. Les chasseurs au fusil, au sol, disent qu’ils n’ont rien vu. Alors que nous, on voit le gibier qui se replace sans cesse derrière les chasseurs. Ils sont malins !»
Plus d’informations sur www.cas80.fr
Une pratique bien encadrée
Législation : la chasse à l’arc est soumise à la même législation que la chasse à tir. Le chasseur doit être titulaire d’un permis de chasse validé et d’une assurance. Il doit, en plus, participer à une JFO (Journée de formation obligatoire), organisée par les fédérations départementales des chasseurs.
Pratique récente : la chasse à l’arc est officielle depuis 1995. Sur chaque flèche est inscrit le numéro de permis de chasse de son propriétaire. Une obligation nationale.
Les flèches : à chaque type le flèche son utilisation. Les pointes Fields sont utilisées à l’entrainement ; les pointes lames, aussi tranchantes que des lames de rasoir, sont utilisées pour les tirs fléchants (vers le sol) uniquement ; les pointes flou-flou, dotées d’un empennage de 6 cm de diamètre qui permet de freiner très vite la flèche, servent à tirer le gibier volant.
L’adhésion à CAS80 : elle s’élève à 40 € l’année. L’adhésion permet de pouvoir participer aux journées d’entraînement organisées en intersaison (parcours de cibles 3D et arc trap) et de participer aux chasses collectives que l’association obtient, grâce à des accords avec des sociétés de chasse ou des particuliers.
Règle d’or : le tireur doit absolument respecter un angle de 30° entre sa cible et le voisin. Grâce au respect de cette règle, l’accident est très rare. Depuis 1995, le premier accident de chasse à l’arc, en France, aurait eu lieu la semaine dernière, en Dordogne : un homme aurait été blessé dans la cuisse par une flèche, après ricochet.
Le matériel : comptez entre 350 € pour les premières gammes d’arc traditionnel (équivalent du fusil de chasse) et jusqu’à 3 000 € pour un performant arc moderne, ou compound (équivalent de la carabine).
Chasser toute l’année : les chasseurs à l’arc bénéficient d’une autorisation exceptionnelle : toute l’année, ils ont le droit de tuer les ragondins et les rats musqués, avec l’autorisation du propriétaire du terrain. «Très intéressant pour les agriculteurs puisque ce sont des nuisibles», assure Nicolas Portois, de la Fédération de chasse de la Somme, lui-même agriculteur.