Vingt-quatre mesures pour sauver l’élevage
Mercredi 22 juillet, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, et le Premier ministre, Manuel Valls ont présenté le plan de soutien à l’élevage français.
Stéphane Le Foll et Manuel Valls présentent le plan de soutien à l'élevage, en présence de Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur et de Martine Pinville, secrétaire d'Etat au Commerce.
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Actuagri
Si Manuel Valls dit avoir pris acte depuis plusieurs mois des difficultés traversées par les productions animales, les manifestations et blocages effectués ces derniers jours par les éleveurs sur le terrain ont sans doute accéléré la réflexion au sommet de l’Etat.
Suite au conseil des ministres, 24 mesures ont ainsi été présentées par le chef du gouvernement et son ministre de l’Agriculture en soutien à l’élevage français et «pour sortir d’une crise qui court depuis trop longtemps, quelle que soit la majorité au pouvoir», n’a pas manqué de souligner Manuel Valls.
Mesures d’urgence
Mesures d’urgence
La première partie du plan s’attèle aux mesures d’urgence, avec une première action sur le redressement des cours et des prix, en particulier pour faire respecter les engagements pris lors des table-ronde avec les filières bovine et porcine. Des dispositions sont prises également pour restructurer les dettes (bancaires, mais aussi les dettes auprès des fournisseurs, notamment d’alimentation animale). Par ailleurs, 50 millions d’euros sont dédiés aux allègements de charges, contre 8 millions d’euros initialement prévus, lors de la mise en place des cellules de crises départementales en février, et 50 millions d’euros sont débloqués pour les exonérations de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB).
Des reports sont en outre possibles pour les cotisations MSA (200 millions d’euros), pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés (150 millions d’euros), et un remboursement anticipé de TVA sera effectué pour un montant de 150 euros. Des mesures qui seront effectives dès le 31 juillet (date pour les retours terrain des cellules d’urgence départementales), jusqu’à la fin de l’année, a précisé Stéphane Le Foll.
Mesures structurelles
Mesures structurelles
Pour consolider le secteur à plus long terme, le plan prévoit de faciliter les investissements en matière de compétitivité et de durabilité, grâce à la mobilisation du Programme des investissements d’avenir et de BPI France, avec un dispositif de prêts garantis pouvant s’élever à 500 millions d’euros. La contractualisation, levier cité à plusieurs reprises par la profession, «fera l’objet d’une rencontre spécifique avec le ministre de l’Economie», a précisé le ministre de l’Agriculture.
L’exportation est également l’une des pistes de travail de l’Etat, qui débloque un soutien de 10 millions d’euros pour les actions de promotion. Certains marchés extérieurs sont plus particulièrement ciblés, a indiqué le Premier ministre, qui a cité la Grèce, la Turquie, le Liban et le Vietnam. La plateforme Viande France Export en cours de mise en place regroupera les treize opérateurs français en une seule société, ce qui facilitera la réponse aux appels d’offres. Pour favoriser les achats de viande française, le logo Viande de France, utilisé à 50 % pour le moment, sera davantage valorisé auprès du consommateur, et davantage contrôlé par la Dgccrf (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).
Un effort est aussi engagé sur la restauration collective et hors foyer : l’Etat donnera l’exemple en révisant ses approvisionnements en matière de viande d’origine française, et incitera les collectivités locales à en faire de même. Enfin, des mesures sont mises en œuvre pour diversifier les revenus des éleveurs via la transition énergétique : exonérations de fiscalité locale pour les installations de méthanisation agricole, adaptation des tarifs d’achat de l’électricité produite par ces installations, soutien au développement du photovoltaïque dans les élevages, baisse du coût d’accès au réseau des bâtiments isolés. En Allemagne, ces activités peuvent constituer jusqu’à 30 à 40 % du revenu des éleveurs.
Rapport : des objectifs à moitié atteints
Le médiateur des relations commerciales a remis son rapport sur le prix de la viande bovine et porcine le 21 juillet. En viande porcine, celui-ci souligne des objectifs quasiment atteints, puisque le cadran de Plérin clôturait dernièrement autour de 1,38 €/kg, un montant proche des 1,40 €/kg fixés avec la filière. «On devrait avoir des prix plus élevés en été», période de grillades et de barbecues, précisait le ministre de l’Agriculture.
Les inquiétudes sont néanmoins plus fortes en ce qui concerne les cours de la viande bovine. Suite à la table-ronde réunissant la filière le 17 juin, «les objectifs étaient normalement annoncés à 20 centimes (d’augmentation, ndlr)», a-t-il rappelé. Or, «on est arrivé à la moitié,soit environ 10 centimes». Le rapport fait aussi état d’une grande complexité, avec des acteurs qui jouent le jeu et d’autres non. D’autres sujets sont également mis en avant, comme les jeunes bovins.
Leviers de revalorisation
Pour faire remonter les prix et valoriser la viande française auprès des consommateurs, les éleveurs et le ministre prônent une mise en avant plus large du logo Viande de France, lancé en 2014, et encore peu connu. Autre levier pour donner de l’air aux producteurs, celui de l’exportation. «Une plateforme viande française export doit être mise en place», a dit Stéphane Le Foll.
En attendant, les blocages et opérations de vérification de l’étiquetage dans les grandes surfaces devraient se poursuivre.
La Fnsea en attend davantage
Si le président de la Fnsea, Xavier Beulin, considère que les mesures présentées constituent une réponse «de court terme à quelques exigences», «ce n’est pas ce qui nous redonnera fondamentalement des perspectives durables», a-t-il déclaré après l’annonce du plan.
Pour lui, le problème de fond de la compétitivité n’est pas réglé, avec des normes et des charges sociales plus importantes que dans les autres pays européens. Si ces conditions de production sont un gage de qualité pour la viande française, il faut selon lui payer cette qualité au juste prix, ce que les distributeurs se refusent à faire.
Répercuter cette hausse sur les prix de vente ne constitue qu’un impact à hauteur «de moins d’un centime sur la tranche de jambon, et de 2 à 3 centimes sur le steak haché». «Est-ce que ça met en péril le pouvoir d’achat des Français ?», demande-t-il.
Pour la Fnsea, les priorités restent donc la revalorisation effective des prix, la restructuration des dettes agricoles au-delà des prêts de consolidation et des reports de charge, «des dispositifs qui sont du recyclage», et la contractualisation.
Tant que ces trois points ne feront pas l’objet d’une amélioration notable, les actions de surveillance risquent bien de se poursuivre sur le terrain.
Pour la profession, d’autres rendez-vous seront à prendre pendant l’été pour «faire en sorte qu’en septembre-octobre, on soit en mesure d’annoncer des choses mesurables par les producteurs eux-mêmes», estime ainsi Xavier Beulin.