Européennes : les attentes des agriculteurs de la Somme
Quelle Pac pour demain ? Dans la profusion des listes en lice pour les élections européennes, les programmes proposés sont-ils à la hauteur des attentes des agriculteurs ? Le point avec Françoise Crété, présidente de la Chambre d’agriculture de la Somme.
Quelles sont vos attentes par rapport à la future Pac ?
Quand on fait le bilan, on se rend compte que nous sommes allés au bout du bout de la politique des prix bas des produits agricoles. A tel point qu’un agriculteur a aujourd’hui du mal à renouveler son matériel sans passer par la banque et n’est pas en capacité de se projeter dans l’avenir en raison d’une trésorerie insuffisante. C’est donc qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans la Politique agricole commune.
Aussi nous attendons de la future Pac qu’elle prenne plus en compte le premier maillon de l’agriculture, autrement dit l’agriculteur, afin d’assurer le renouvellement des générations et pouvoir répondre aux attentes sociétales. Cette prise en compte des agriculteurs dans la Pac doit passer par une meilleure rémunération, soit un juste prix de leurs productions. La loi Egalim, à défaut d’avoir apporté une solution, a du moins mis le doigt là où ça fait mal, soit la répartition de la valeur entre les agriculteurs, les transformateurs et la grande distribution. Des Etats généraux de l’alimentation à l’échelle européenne serait une bonne chose pour travailler plus profondément cette question et apporter des réponses sur les prix payés aux agriculteurs.
Les autres paramètres que la Pac devraient inclure concernent le volet fiscal et le volet social dans l’agriculture pour harmoniser les coûts, les modes de production et arriver à mettre fin aux distorsions de concurrence entre les pays européens.
Nous attendons aussi de l’Europe qu’elle soit plus claire dans sa stratégie. Que veut-elle en priorité ? Une politique qui prenne en compte les enjeux alimentaires ou uniquement les enjeux environnementaux ? On ne le sait pas. La situation doit être clarifiée sur ce point afin qu’on nous rémunère en conséquence.
Vous évoquez les enjeux environnementaux. Est-ce que les aides doivent être conditionnées aux enjeux écologiques et sous quelle forme ?
Ce qui est certain, c’est qu’il faut des aides qui aient des résultats. Autrement dit, plutôt que d’avoir des aides conditionnées à des postures idéologiques, celles-ci doivent donner les moyens d’aller jusqu’au bout des expérimentations nouvelles, quitte à réajuster ensuite selon les résultats.
Dans tous les cas, les aides liées aux enjeux environnementaux doivent être cohérentes avec la réalité des territoires et les projets innovants. Ce qui ne va pas dans le système actuel, c’est que l’on nous demande des normes plus importantes que les autres alors qu’on nous paie le même prix que les autres, sans compter les interdictions absurdes.
En matière d’accords commerciaux, l’agriculture doit-elle sortir des accords de libre-échange ?
On nage en pleine contradiction sur ce sujet. Là encore, on se retrouve confrontés à des produits venant d’ailleurs qui n’ont pas les mêmes contraintes de production, ni les mêmes coûts. A notre avis, l’agriculture devrait rester dans les accords de libre-échange, mais il faut y intégrer des taxes qui pénalisent les pays en fonction des modes de production, des interdictions, des normes sociales, fiscales et sanitaires. Ce sera le seul moyen pour que les agriculteurs soient rémunérés au juste prix.
Au final, ce que l’on attend de l’Europe, c’est, comme disait Xavier Beulin, plus d’Europe et mieux d’Europe. Il faut remettre de la cohérence, tant à l’échelle économique que sociale et environnementale en matière agricole. L’Union européenne doit être plus ambitieuse pour l’agriculture.