Foncier : concentration des terres et des exploitations
A l’occasion de sa conférence de presse annuelle, le 23 mai, la FNSafer a présenté le bilan des marchés fonciers ruraux en 2018.
de 2020 en raison de l’âge moyen élevé des exploitants agricoles.
Le 23 mai dernier, la FNSafer a présenté les marchés fonciers ruraux de 2018. Une forte activité a été observée sur ces marchés avec 312 000 transactions (+ 4 % par rapport à 2017) pour 31 milliards d’euros (+ 7,9 %) et 658 000 hectares vendus (+ 5,5 % en glissement annuel). L’augmentation des départs à la retraite explique l’afflux de foncier, un afflux qui devrait prendre de l’ampleur à partir de 2020 en raison de l’âge moyen élevé des exploitants agricoles. Toutefois, la FNSafer note des grandes disparités entre les filières.
Le marché des terres et prés, par exemple, a été très dynamique, avec une hausse de 5,3 % des transactions, à 90 810, pour un montant de 4,9 milliards d’euros (+ 5,4 % en glissement) annuel, celui des vignes, en revanche, a diminué puisque les transactions ont reculé de 7,5 % en un an. Le marché de l’urbanisation a aussi été très actif. Ainsi, en 2018, 55 000 hectares ont été artificialisés et 32 000 hectares agricoles ont été vendus pour être rendus constructibles, soit 10 % de plus que l’année précédente.
Cette même année, 55 000 hectares ont été artificialisés. Pour Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, les politiques publiques peinent ainsi à freiner la consommation de terres agricoles qui s’artificialisent de plus en plus rapidement, menaçant ainsi les activités agricoles. Tous les cinq ans, la France perd l’équivalent d’un département de surface agricole utile. Autre menace pointée par la FNSafer : les sociétés qui exploitent deux tiers de la surface agricole utile. Le marché des parts sociales, un marché de 1,1 milliard d’euros, soit l’équivalent de 7 % du marché du foncier rural, est donc amené à évoluer. La majorité de ces cessions de parts sont partielles. Cela permet de ne pas être soumis au droit de préemption des Safer.
Renforcer la transparence
Si l’organisation ne souhaite pas dénigrer ces achats, qui peuvent permettre des cessions d’exploitations progressives, elle regrette qu’ils puissent permettre de donner accès aux contrôles d’une société sans être soumis à la préemption, et donc de contourner la réglementation, un contournement facilité par les formes sociétaires. Face à ces nouveaux modes d’accès au foncier, la régulation peine, notamment en raison de l’opacité des opérations. Pour la FNSafer, cette «concentration» du foncier dans des entreprises agricoles de grandes échelles a des conséquences négatives sur l’avenir des agriculteurs et des territoires, qui perdent des moyens et de l’activité.
En effet, elle rend plus opaque le marché des terres et compromet le renouvellement des générations, avec une concurrence déloyale qui se met en place. De ce fait, les jeunes éprouvent des difficultés à être concurrentiels pour la reprise de terre face à des entreprises qui ont d’importants capitaux. De plus, Emmanuel Hyest explique qu’elle entraîne une financiarisation de l’agriculture en permettant l’essor de grosses unités de production gérées par des holdings et entraînant ainsi la baisse du nombre de chefs d’exploitation et le développement du salariat, «souvent précaire». «Il est urgent de rénover la régulation», insiste donc le président de la FNSafer.
Pour protéger le foncier agricole, préserver sa fonction, que son utilisation soit contrôlée et que le nombre d’agriculteurs cesse de chuter, l’organisation propose ainsi cinq mesures à intégrer dans la future loi foncière. Elle souhaite placer le foncier sous la protection de la nation, de rénover la régulation au service d’une dynamique des territoires, d’encourager, par des mesures incitatives, notamment fiscale, l’orientation du foncier vers des projets adaptés aux enjeux des territoires et, enfin, de formaliser la transparence et l’efficience du fonctionnement de la Safer.
Un modèle agricole en jeu
Le marché des parts sociales, non régulé par les Safer, continue de croître : en 2018, il atteint 20 % de la valeur du marché foncier agricole et 7 % des transactions. La moitié des acquisitions sont faites par des «non agriculteurs». Le travail à façon intégral prend de l’ampleur : 12 % des exploitations en grandes cultures sont «intégralement exploitées par des sociétés de prestation de service». Si «aucun nouvel outil de régulation n’est instauré», c’est «le modèle français de l’agriculture familiale qui est en jeu», alors «qu’un quart des chefs d’exploitation a plus de soixante ans», alerte la FNSafer.