François Desprez : «Toutes les agricultures doivent trouver leur place au sein du Gnis»
Fin septembre, François Desprez, vice-président de la section betteraves et chicorée-industrielle, a été réélu à la présidence du Gnis pour un deuxième mandat de trois ans. Avec Pierre Pagès, le vice-président, ils ont annoncé le projet stratégique de l'interprofession des semences et plants.
Quel est l'objet de ce plant stratégique du Gnis ?
Notre plant stratégique trouve ses racines dans le plan de filière semences et plants issu des États généraux de l'alimentation, qui affirmait déjà la volonté du Gnis de s'inscrire dans une démarche de durabilité et d'ouverture, en se rapprochant notamment des clients, des consommateurs et des citoyens. Nous avons débuté notre réflexion par une phase de diagnostic. Cela impliquait de recevoir les critiques, qui peuvent s'avérer constructives. Ce diagnostic a permis de réaffirmer les cinq objectifs du Gnis : susciter et organiser des actions collectives, garantir la qualité des semences, assurer la pérennité économique des acteurs, prendre en compte les différences entre espèces, et prendre en compte les attentes sociétales.
La principale orientation de ce projet stratégique est l'ouverture. Pouvez-vous préciser ?
L'ouverture de notre interprofession est une dynamique engagée depuis 2018 par le plan de filière. Nous avons sollicité le ministère de l'Agriculture pour que le décret qui fonde le Gnis soit modifié, et que son conseil d'administration puisse accueillir les représentants de tous les utilisateurs de semences. Ainsi, des syndicats tels que les Jeunes agriculteurs, la Confédération paysanne ou la Coordination rurale peuvent nommer des représentants au conseil d'administration du Gnis. C'est d'ailleurs déjà le cas pour les JA. Nous devons aussi prendre contact avec les trieurs à façon et les réseaux de semences paysannes et fermières pour définir les modalités de leur participation. Toutes les agricultures, qu'elles soient conventionnelles, bio ou de conservation, utilisent des semences et plants, qu'il s'agisse de lignées, d'hybrides, de semences de ferme... Et toutes ces agricultures doivent trouver leur place au sein du Gnis. L'ouverture concerne aussi celle à la société, en étant davantage à l'écoute des enjeux sociétaux et en mettant en place des actions pour y répondre.
Quelles actions sont-elles mises en place pour répondre à ces enjeux sociétaux ?
Nous avons créé un comité des enjeux sociétaux, qui a déjà démarré ses travaux. Son président, Pierre-Benoît Joly, est aussi président du centre Inrae Occitanie-Toulouse (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, ndlr). Il s'agit d'une interface entre la société et l'interprofession des semences. Le comité doit nous alerter et nous éclairer sur les questionnements autour de nos métiers. Nous sommes parfois attaqués sur des sujets comme le traitement de semences ou le mode d'obtention. Nous devons pouvoir nous justifier. Nous attendons ainsi de ce comité qu'il nous permette de communiquer sur nos actions. En bref, il est un facilitateur de notre ouverture.
Le développement de l'agriculture bio fait également partie des attentes sociétales. À ce sujet, nous avons créé une commission transversale dédiée à l'agriculture biologique. Les besoins en semences et plants bio sont importants et nous nous devons d'y répondre.
Vous évoquez également l'accès à l'innovation. En quoi est-ce indispensable pour la filière ?
L'accès à l'innovation sera majeur dans la transition agro-écologique et les semences en font partie. La filière semences et plants française est une filière d'excellence, et nous devons maintenir les conditions qui nous permettent de l'être. Pour cela, nous avons également besoin d'un cadre juridique qui, parfois, tarde à se préciser. L'ouverture de l'interprofession doit aboutir au développement de discutions équilibrées, autour des sujets de la recherche et de l'innovation comme de la production de semences. Ces débats apaisés éclaireront, je l'espère, les pouvoirs publics en charge d'élaborer la réglementation.
Quelles sont les prochaines échéances ?
Les semaines qui viennent donneront lieu à des échanges des membres du conseil d'administration avec l'ensemble des parties prenantes représentant d'autres formes de semences pour les inviter, elles aussi, à rejoindre l'Interprofession. Il est de notre responsabilité collective de réussir cette évolution qui est certainement la plus importante et la plus structurante depuis la création de l'Interprofession en 1962. Les premières actions du plan seront de se donner les outils pour atteindre nos objectifs. Nous allons mettre en place trois commissions : la communication, essentielle pour expliquer ce que l'on est, l'innovation, et une troisième commission sur la répartition des moyens. Pour entrer dans les détails, rendez-vous le 27 janvier 2021, date à laquelle nous présenterons publiquement ce projet stratégique, finalisé pour les cinq années à venir.
Biographie
François Desprez, ingénieur agronome de formation, est le président de Maison Florimond Desprez, à Cappelle-en-Pévèle (59), une entreprise indépendante et familiale de sélection et de production multi-espèces de grandes cultures, avec un leadership marqué en betterave à sucre, céréales, et pomme de terre. Cette entreprise a été créée en 1830. François Desprez est également président de la Sicasov, société qui gère les droits des obtenteurs de nouvelles variétés. Il s'agit de son deuxième mandant en tant que président.