Il est où le PIB, il est où ?
L’Insee a présenté sa dernière note de conjoncture de l’année 2016. Tour d’horizon et projections sur 2017.
On peut allègrement paraphraser ce titre de Christophe Maé pour parler de cette fin d’année 2016 et avant d’entamer 2017. Car les choses vont ainsi dans l’Hexagone : de nombreux indicateurs économiques ont tendance à s’améliorer, mais ceci ne se reflète pas, ou très peu, dans la croissance économique du pays. Et ce qui est vrai pour la deuxième partie de 2016, et sans doute pour l’ensemble de l’année, sera encore vrai pour le premier semestre 2017.
«La demande interne tirerait la croissance du PIB, qui s’élèverait un peu fin 2016 à + 0,4 %, puis resterait quasiment à ce niveau au premier semestre 2017 : + 0,3 % au premier et + 0,4 % au deuxième trimestre», écrivent les spécialistes de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Il convient de remarquer, à ce stade, que ce chiffre est proche de celui prévu pour la zone euro, ce qui montre bien une amélioration.
Après deux années de croissance modérée donc (+ 1,2 % en 2015 et en 2016), l’acquis de croissance annuelle pour 2017 (la croissance atteinte si l’économie française se mettait à faire du surplace, ndlr) s’élèverait à + 1 % à la fin du premier semestre 2017, un chiffre similaire à la même période un an plus tôt.
Côté consommation des ménages, elle accélérerait en cette fin d’année (+ 0,5 %), puis progresserait «modérément» de + 0,3 % par trimestre ensuite. Attention, en revanche, le pouvoir d’achat pourrait «s’éroder», car l’inflation, tant souhaitée par la BCE, est de retour, même si cela reste à un niveau très faible (pas plus d’1 % sur un an). Les prix des produits alimentaires pourraient enregistrer une légère hausse au premier semestre 2017 : + 0,5 % fin juin sur un an. D’autres bons indicateurs se profilent : les investissements en logements augmenteraient «encore solidement» et celui des entreprises «retrouverait un peu de tonus».
2016 devrait voir la création nette de 190 000 emplois (ce qui signifie que la France a enfin fini de détruire des emplois) alors que 2017 serait également positive dans ce domaine, pour 70 000 emplois (fin de l’influence des actuelles mesures incitatives). Du coup, le chômage reculerait à 9,8 % mi- 2017, en dessous de la barre «symbolique» des 10 % (c’était le cas à l’été 2016 après avoir culminé à 10,5 % fin 2015).
La vraie bonne nouvelle vient du commerce extérieur. La branche malade de l’économie française (malgré les apports positifs de certaines filières comme l’agriculture et les industries agro-alimentaires) en 2016 verrait ses exportations accélérer «début 2017, à la fois pour répondre à la demande des partenaires de la zone euro, et du fait de livraisons aéronautiques à nouveau dynamiques. Ainsi, le commerce extérieur cesserait de peser sur la croissance française au premier semestre 2017, après avoir ôté 0,7 point en 2016».
Malgré cela, la croissance économique tarde à redémarrer, ce que Damien Roucher, chef de la division synthèse conjoncturelle à l’Insee, appelle «la croissance française à l’épreuve des incertitudes».
Europe et monde
Voici quelques éléments d’appréciations relevés par l’Insee, et qui concernent l’environnement économique de la France. Si les économies de pays avancés ont accéléré au troisième trimestre 2016, le commerce mondial ne s’est que modérément redressé. Il pourrait retrouver un peu de tonus d’ici mi-2017. L’inflation a progressé et continuera de le faire en raison des prix de l’énergie. A titre d’exemple, l’Insee prévoit aujourd’hui une croissance économique de 0,5 % pour chacun des deux premiers trimestres de 2017 outre-Atlantique (légèrement supérieure à la même époque de 2016) alors que le PIB britannique devrait assez nettement reculer avec une demande intérieure en net ralentissement. En zone euro, l’Allemagne continuerait de progresser sur un bon rythme (0,5 % par trimestre au premier semestre 2017) alors que l’Italie aurait un peu plus de mal. L’Espagne resterait à un niveau relativement élevé, mais en nette décélération continue depuis mi-2015.
Bien évidemment, un certain nombre de risques et d’incertitudes existent. Les élections et consultations passées (aux Etats-Unis et en Italie) n’ont pas encore révélé toutes leurs conséquences. Il en va de même pour le Brexit pour lequel nombre d’observateurs s’accordent à dire que si l’on est aujourd’hui dans une période de calme plat, ce dernier précède néanmoins la tempête lorsque le fameux article
50 de sortie effective sera déclenché. Les élections présidentielles, et peut-être surtout législatives en France, auront aussi des conséquences non négligeables. Il conviendra aussi de voir ce que les ménages décideront de faire avec une partie de l’épargne qu’ils ont accumulé en surplus ces derniers mois (consommation ou conservation). Ceci vaut pour l’ensemble de la zone euro.
Autres éléments à prendre en compte dans les mois à venir : les politiques de taux d’intérêt et le pétrole. Pour les premiers, l’action de la Réserve fédérale américaine a évolué, pas celle de la Banque centrale européenne, ce qui peut engendrer des différentiels de taux gênants à terme ; pour le second, les prévisions économiques qui sont faites aujourd’hui tablent sur un baril de pétrole à 50 dollars. A suivre en fonction des différents accords sur les volumes de production des pays de l’Opep, de la Russie et d’autres acteurs de retour sur le marché international.
Rendez-vous le 16 mars 2017, quelques semaines avant les élections présidentielles, pour faire un point sur un bilan global pour 2016 et affiner les prévisions sur 2017.
Agriculture et croissance
Dans son dernier numéro d’Insee Conjoncture intitulé «La croissance à l’épreuve des incertitudes» de décembre 2016, l’Insee consacre un éclairage particulier à l’agriculture française version 2016. «Les mauvaises récoltes coûteraient 0,2 point de croissance annuelle en 2016» est-il titré dans ce point conjoncturel.
«En 2016, la production de la branche agricole reculerait nettement de 6,3 % en moyenne sur l’année, après déjà 2,2 % en 2015. Le recul provient principalement de la production végétale, qui représente environ 60 % de la production agricole, et qui diminuerait de 10 % en moyenne sur l’année (après - 4 % en 2015).» Pour l’Insee, les récoltes céréalières chuteraient de près de 25 % avec un impact particulier en blé tendre et, dans une moindre mesure, en orge.
La production de vin reculerait en volume de 9 % (après - 1 % en 2015). Les régions Champagne, Bourgogne, Val de Loire, Charente, Beaujolais et Languedoc Roussillon ont été particulièrement impactées.
Les autres types de production végétale (plantes industrielles, fourragères, pommes de terre, produits maraîchers, fruits) «baisseraient aussi en 2016, mais avec une ampleur nettement moindre (- 2 %)». La production animale, qui représente environ un tiers de la branche agricole, «fléchirait de façon beaucoup plus modérée».
Selon l’Insee, «la production agricole baisserait un peu moins fortement qu’en 2003» (- 6,3 % donc contre - 8 % à l’époque), mais constituerait un recul comparable à cette année-là. Après deux années de baisse, il apparaît donc normal que la branche agricole présente un potentiel de rebond pour 2017... en supposant un retour à la normale des conditions climatiques, précise toutefois l’Insee. Le rebond, en volume, est estimé à + 5,7 % et à + 11 % en valeur ajoutée.