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Emploi
Les indispensables petites mains des champs se raréfient

Chaque printemps, le casse-tête de la main-d’œuvre est de plus en plus sévère pour les producteurs de légumes. Le Groupement d’employeurs s’active pour former des équipes de saisonniers. Reportage chez Picvert.

Première étape pour les candidats, sous l’œil attentif du responsable de production de Picvert, Christophe Ringard (à g.) : différencier un chénopode d’une pousse de mâche.
Première étape pour les candidats, sous l’œil attentif du responsable de production de Picvert, Christophe Ringard (à g.) : différencier un chénopode d’une pousse de mâche.
© A. P.

Il y a quelques années, dès le mois d’avril, les habitués du désherbage de salades passaient directement un coup de fil à Christophe Ringard. «Tout se faisait par le bouche à oreille. Mais nos anciens ont désormais l’âge de la retraite, et on a de plus en plus de mal à recruter», regrette le responsable de production de la SARL Picvert, à Estrées-Mons. 

L’exploitation de 500 ha, spécialisée dans la production de salades (230 ha de salades, puis betteraves, pommes de terre, maïs et céréales) ne peut pas fonctionner sans les petites mains qui traquent les adventices, puis s’affairent à la récolte. En plus de la quarantaine de salariés, dont huit en production, cinquante saisonniers sont nécessaires pendant six mois, de mai à octobre. Cet effectif est poussé à soixante-dix pendant la saison des pommes de terre. Cette année, elle a donc décidé de se faire épauler dans son recrutement par le Service de replacement et Groupement d’employeurs agricoles de la Somme (SRGEA80). 

Ce 28 avril, une quinzaine de personnes du secteur participaient à une demi-journée de découverte inédite. «Le but est de vous mettre en situation, pour que vous sachiez à quoi vous attendre. Nous vous préparons au poste pour les sécuriser au maximum. Notre objectif est que vous vous sentiez bien dans votre travail, et que l’employeur soit satisfait lui aussi», résume Émile Foirest, président du SRGEA80. Les conditions sont claires. «Il s’agit d’un travail rémunéré au Smic, sur une base de 35h, avec heures supplémentaires et horaires décalés. Il s’agit de semaines de six jours, du lundi au samedi. Nous fournissons des gants, des chaussures et une casquette», annonce Christophe Ringard. La mission de début de saison concerne surtout le désherbage, à la main.  «La posture est contraignante. Ça tire dans le dos. On travaille sous le soleil ou sous la pluie, dans un sol gras car irrigué. Souvent, les premiers jours sont déterminants.» 

Les 70 ha de salade frisée sont les plus gourmands en main-d’œuvre. Vingt personnes constituent l’équipe frisée. «Contrairement aux autres variétés (des jeunes pousses de roquette, de mâche, d’épinards…), ce sont des plants qu’il faut planter à la main. Puis, il faut poser des élastiques un à un pour fermer les salades et les faire blanchir. Ceux-ci sont retirés à la récolte.» Les saisonniers s’activent aussi à la mise en place du réseau d’irrigation, puis à la récolte, avec beaucoup de manutention de palettes. Un peu de conditionnement est également réalisé sur place. «80 % de ce que nous produisons est à destination de l’industrie, pour de la salade prête à consommer de 4e gamme (en sachet, lavée, épluchée et coupée). Ici, nous réalisons un peu de conditionnement de salade 1re gamme élaborée (en sachet).»

 

Du précaire à la stabilité

Rien de tel que de mettre la main à la patte pour comprendre ce qui nous attend. Les candidats étaient donc conviés à une activité désherbage sous serre et au champ. Première étape : différencier les chénopodes de la mâche. Pas de grosse surprise, la plupart étant des habitués du travail agricole saisonnier. «J’aime le travail au grand air», assure Laëtitia, dont la famille s’est toujours activée dans les champs en saison. Elle a touché un peu à tout : betteraves, tri de pommes de terre, désherbage de légumes bio… «Les premiers jours, on a des courbatures, mais ensuite on s’y fait.» Même discours pour Guillaume, qui avait travaillé chez Picvert il y a six ans. «Ma boîte d’intérim m’a orienté vers d’autres employeurs ensuite. Mais avec le Groupement d’employeur, je peux espérer un contrat de plusieurs mois consécutifs

Faire preuve de sérieux toute une saison peut être gage d’un emploi stable. «Certains de nos employés sont arrivés ici il y a trente ans pour désherber. Puis ils sont passés conducteur d’engin, puis chef d’équipe…» Stabiliser les emplois – et le besoin de main-d’œuvre – est d’ailleurs tout l’objet de l’action Agr’innov emploi que mène le Groupement d’employeurs. «Cette saison, nous avons orienté 82 personnes pour du travail saisonnier», précise Eugénie Casari, la directrice. Nombre de ces personnes faisaient partie des équipes en 2021. Les plus motivées ont même intégré un Pass Vert l’emploi, une formation de six semaines qui débouche sur une alternance chez un exploitant. Picvert a ainsi embauché récemment deux personnes en contrat de professionnalisation.

Exploitants en recherche de main-d'œuvre ? Candidat au travail dans une exploitation ? Contacter le SRGEA80 : 03 22 33 69 41 ; srgea80@gmail.com 

 

Des difficultés de recrutement persistantes

Malgré une «dynamique positive» dans la création d’emplois en agriculture, la FNSEA s’inquiète des «risques de pénuries à venir de main-d’œuvre», dans un communiqué le 21 avril. S’appuyant sur l’enquête annuelle Besoin de main-d’œuvre (BMO) de Pôle emploi et sur le baromètre de son propre Observatoire emploi-formation, la FNSEA souligne que le nombre de projets de recrutement s’élève à «257 400» en 2022. Soit une baisse de 6,7 % en un an. De plus, le secteur «poursuit sa progression dans la création d’emploi permanents avec 6 100 postes de plus qu’il y a un an dans des métiers variés (ouvrier agricole, responsable de cultures, ingénieur agronome, maraîcher...)», se réjouit le syndicat majoritaire. Pour autant, la moitié des projets de recrutements sont jugés «difficiles» par les employeurs. Sans surprise, les filières viticoles et arboricoles – très gourmandes en main-d'œuvre – sont les plus en recherche de candidats avec «120 000 postes à pourvoir». Par ailleurs, le métier «d’agriculteur salarié et ouvrier agricole» est «le cinquième (…) le plus recherché» avec «75 000 projets de recrutement», selon une infographie complémentaire de la FNSEA.
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