Sécheresse : impact sur les cultures et l'élevage
Lutte contre les insectes, manque d’efficacité des herbicides, consommation des stocks de fourrage… Quelles sont les conséquences de la sécheresse qui sévit dans la Somme pour les exploitations ?
Dans le secteur du nord d’Amiens, près de Poulainville, un champ de colza a une triste mine. Les tiges assez développées côtoient d’autres tiges plus petites. Et cette parcelle n’est pas une exception. En cause : la sécheresse qui sévit dans la Somme, comme dans les autres départements de la région.
«Selon la pluviométrie, plus ou moins élevée en fonction des secteurs, les levées sont irrégulières. Mais on voit aussi de très beaux colzas», précise Jean-Pierre Pardoux, responsable du pôle expérimentation et référence à la Chambre d’agriculture de la Somme. Les semis de début septembre seraient en fait les plus impactés. Le problème principal : la lutte contre les insectes. Car «le premier moyen de lutte est d’avoir des plantes vigoureuses». S’il y a de fortes chances d’impact sur le rendement, le spécialiste veut rassurer : «le colza est une culture surprenante».
Les céréales, en revanche, peuvent tirer quelques bénéfices de ce déficit en eau. «Les semis se réalisent dans de bonnes conditions, puisque le sol a été restructuré par la sécheresse. Mais il faudra de l’eau pour assurer la pousse…» Le sol, parfois trop sec, peut cependant entraîner une usure de matériel et une consommation de carburant élevée.
Le souci pourrait aussi être l’efficacité des herbicides de post-semis. Car ces derniers ont besoin d’eau pour être efficaces. S’il fallait compléter, cela représenterait une charge supplémentaire. «Pour ces herbicides, on ne peut que conseiller de les appliquer rapidement après le semis, et sur un sol bien rappuyé. Si les produits peuvent être décalés à une feuille, il est préférable d’attendre pour intervenir.» Mais plus que la sécheresse, les températures moyennes atypiques, dépassant les 20°C, ont des conséquences inhabituelles. «L’observation des pucerons, particulièrement, doit être une priorité.»
Du côté des pommes de terre, l’humeur est à la désolation. Particulièrement pour les fécules, très rarement irriguées. La sécheresse, avec des températures particulièrement élevées entre le 20 juillet et le 5 août, a mis un coup d’arrêt au développement des tubercules. De nombreux cas de rejumelage sont apparus, pénalisant les rendements et entraînant une diminution de la richesse d’amidon. Les rendements devraient être autour de 40 t/ha, alors que d’ordinaire, ils atteignent largement les 50 t/ha. «Cela faisait au moins dix ans que l’on n’avait pas eu des résultats aussi catastrophiques», nous confiait le mois dernier Arnaud Dupont, directeur de l’usine Roquette de Vecquemont.
Les betteraves, elles, semblent tirer leur épingle du jeu. Chez Cristal Union, particulièrement le secteur de Sainte-Emilie, les rendements sont très hétérogènes : de 60 à plus de 100 t/ha selon la pluviométrie de l’été. Mais la richesse est excellente, la tare terre très faible, et les chantiers se déroulent dans de bonnes conditions.
Elevage bovin : gare à 2019 !
En élevage bovins, les effets du manque d’eau se feront sûrement sentir l’année prochaine. «Des stocks importants, en maïs fourrage notamment, avaient été faits l’année dernière, explique Daniel Platel, conseiller en viande bovine à la chambre. Cette année, la récolte précoce était assez variable. Les problèmes pourraient apparaître la saison prochaine si la récolte s’avérait encore moyenne.»
En élevage laitier, cette récolte précoce a des impacts : «Le maïs a souvent besoin de fermenter dans le silo pour une meilleure disponibilité de l’amidon. Dans certaines exploitations, cela à pour effet une diminution de la production de lait, jusqu’à 4 l/vache dans les pires cas», commente Simon Traullé, de la chambre.
Les stocks de foin et d’enrubannée ont aussi été entamés cet été pour nourrir les bêtes en prairie. «Les éleveurs qui ne calculent pas auront la mauvaise surprise d’un manque de stock au printemps», ajoute Daniel Platel. Car les coupes de regain, cet automne, présentent des rendements plutôt faibles. «Pour les dérobés également, le manque d’eau va pénaliser la production, ajoute l’ingénieur-conseil. C’est un moyen de faire du stock, mais il va coûter cher en récolte par rapport au tonnage récolté.» Comptez
100 €/t pour 3 t/ha habituellement, et 150 €/t pour 2 t/ha cette fois. Ce prix comprend les coûts des semences, des semis, de l’engrais, de la fauche, de l’endainage, du pressage…
Côté prix de la viande ? Pas de quoi sauter au plafond là non plus. «Les cours restent dépressifs», confie Daniel Platel. Comptez 0,10 € de moins pour les taurillons par rapport à l’année dernière, et les vaches ne vendent pas mieux. Seul le marché du broutard reste tendu, «donc correct». Il faut dire que les effectifs des cheptels sont plutôt à la baisse, en laitières comme en allaitantes. Certains se sont débarrassés des réformes pour palier le manque d’herbe. D’autres n’ont pas encore soldé l’année 2016 difficile et ont recours à la décapitalisation. Les éleveurs sont aussi confrontés à une augmentation des coûts des aliments. «Les pulpes sèches sont plus chères, ainsi que les produits issus de l’amidon (Corex, fibre de blé). Ces derniers font d’ailleurs l’objet d’une rareté soudaine.»