2014 - 2017, changement de donne pour la filière betteraves
La perspective de la fin des quotas en toile de fond des débats à l'assemblée générale du syndicat betteravier de la Somme.
La donne a changé, et va encore changer. C’est ce que retiendront les participants à l’assemblée générale de l’ASBS, ce mercredi 21 mai concernant la filière betteraves. Une réalité qui affecte tant la production que le process industriel ou les marchés.
Des évolutions majeures dans les process
Côté production et process industriel, Dominique Fievez a évoqué les quatre points d’évolutions majeures : la forfaitisation de la réception, les discussions sur la redéfinition de la tare terre, les pertes en lavage et la saccharimétrie.
Concernant les deux premiers points, et notamment la forfaitisation, le président de l'Asbs s’est félicité de sa généralisation. «C’est une avancée majeure et profitable à toute la filière», a-t-il commenté. Même satisfaction sur le travail engagé pour redéfinir les accords tare-terre. Cependant, il s’est montré beaucoup plus critique sur les pertes au lavage et le non recours à la saccharimétrie automatique.
«Les pertes au lavage peuvent atteindre plusieurs pour cent. C’est une double perte pour les planteurs, car c’est de la matière perdue, mais c’est une tare-terre d’autant plus élevée», a-t-il expliqué pour justifier l’implication de l’Asbs et de la CGB. Et de proposer de réduire l’écart entre les plateaux de lavage pour passer de 8 - 10 mm à 1 - 3 mm, et ce afin de mieux respecter l’intégrité physique de la betterave. Une discussion que semblent refuser les fabricants de sucre à l’heure actuelle, position qui rend l’Asbs et la Cgb d’autant plus fermes.
Concernant la mise en place de la saccharimétrie, Alain Jeanroy, directeur de la CGB, fustige aussi la position des fabricants : «Je ne vois pas comment ce qui convient à Südzucker en Belgique ne pourrait pas convenir en France», a-t-il lancé.
Au final, après 50 ans de décolletage, le process industriel change et si le syndicalisme betteravier a toujours accompagné ces évolutions, il n’en est pas moins vigilant à l’heure actuelle. «Avant, sur la table de tri, on vérifiait la qualité du travail de l’industriel ; aujourd’hui, on mesure celle du planteur et de l’arracheur. C’est totalement différent et nous devons plus que jamais être exigeants», a poursuivi Alain Jeanroy.
2017 : le grand saut
Dans sa prospective économique, Alain Jeanroy est revenu sur la rentabilité de la filière betterave depuis 2009. «Entre 2009 et 2013, la recette betteravière a progressé de plus de 35%», commente-t-il. Pour l’illustrer, il a détaillé les trois composantes de la recette : le sucre dont le cours intérieur européen a plus que doublé entre 2006 et 2013. Il a même oscillé entre 700 et 750 €/tonne entre septembre 2012 et janvier 2014, avant de chuter depuis un trimestre pour être proche aujourd’hui de 600 €/tonne. Avec un article 31 qui prévoit une rémunération aux producteurs au-delà du prix garanti dès lors que le cours de l’Union européenne dépasse 454 €/tonne, le supplément de prix aura été en moyenne de 0,5 € versé en 2011 (récolte 2009), puis 2,5 €/t, 11 €/t et enfin 14 €/t sur les betteraves sous quota.
Concernant les autres débouchés, l’éthanol avait lui aussi fortement progressé à 60 €/t, avant de s’effriter à 45 €/t récemment, tiré vers le bas par le cours de l’éthanol américain. Enfin, la recette pulpes, très faible avant 2006, a progressé depuis cette date sous l’effet des cours du blé, pour être proche de 2,5 €/t en 2013.
Au final, tous les facteurs ont été au vert sur les dernières années ; mais l’avenir est moins sûr. Jusqu’en 2017, sous le régime des quotas, l’enjeu sera de maintenir un équilibre offre/demande au niveau européen.
La consommation mondiale progresse, la production augmente également au même niveau, et les stocks devraient stagner à leur niveau actuel. Cependant, l’instabilité vient alors de la production intérieure. A titre d’exemple, le stock de report français pourrait évoluer entre 2,7 millions de tonnes sur la base du rendement moyen des cinq ans, et 5,8 millions de tonnes sur la base du rendement (historique) de 2011… Rien n’est acquis, donc, et la CGB préconise avant tout une maîtrise absolue des surfaces côté planteurs. Sur ce point, il faut noter qu’après avoir connu un plus bas à 350 000 hectares, en 2008, la sole française a repassé la barre des 400 000 hectares.
Le débat sera à ce niveau, car côté mise en marché, la maîtrise des surfaces est nécessaire alors que côté industriel, l’écrasement des coûts par le volume est une volonté affichée.
Et après 2017 ?
Le grand saut se fera en 2017. Avec la fin des quotas, la filière betteraves vivra au gré de la volatilité. Des cours mondiaux qui peuvent aller du simple au double, une libéralisation du marché : le cocktail est explosif et les autres producteurs le savent. «Nous avons déjà gagné près de 15 ans sur l’abandon des quotas. Cela nous a permis de rattraper la compétitivité du Brésil, mais il faut encore aller au-delà», commente Alain Jeanroy. «Etre plus compétitif dans la génétique, c’est le programme Aker ; être plus compétitif dans l’agronomie, c’est le travail de l’ITB ; être plus compétitif dans le process industriel, c’est le rôle des fabricants ; le tout dans le cadre des accords interprofessionnels qui garantissent les planteurs de betteraves en volume et en prix», a-t-il conclu.