2020, l'année de la moisson «sans contact»
Depuis plusieurs semaines, avant que ne débute la moisson, la coopérative Noriap voit grand pour limiter le risque de contamination par le Covid-19 de ses salariés, comme des agriculteurs adhérents.
150 sites à équiper avant que les premières remorques ne livrent leur chargement de céréales, ce n'est pas une mince affaire. Pour prévenir au mieux tout risque sanitaire lié au Covid-19, la coopérative Noriap a mis en place un protocole spécifique dans chacun de ses sites. «Dans nos silos, comme sur nos plateformes, nous faisons appel chaque année à des centaines de saisonniers en plus de nos salariés permanents. Nous ne voulons pas leur faire prendre de risque. Si l'un d'entre eux venait à être malade du jour au lendemain, nous serions en difficulté pour le remplacer», indiquait la semaine dernière Philippe Florentin, directeur général adjoint en charge de la commercialisation de Noriap.
Application mobile et zéro contact
La réflexion qui a animé l'état-major de la coopérative en amont de l'écriture d'un protocole sanitaire a conduit à la création d'un concept original : «la moisson sans contact». L'idée de ce concept ? Faire prendre conscience à toute personne fréquentant un silo pendant la moisson de l'importance des gestes barrière. «La moisson est à la fois synonyme de fête et de stress, poursuit M. Florentin. En période de crise sanitaire, comme nous le sommes encore aujourd'hui, il ne faudrait pas que la convivialité soit dangereuse.» Dans les silos ou sur les plateformes de réception, les rassemblements sont donc interdits. Chaque agriculteur livrant une benne est prié de rester dans la cabine de son tracteur. Des informations et un marquage au sol ont été installés. Les bons d'apport comme le dépôt des échantillons doivent eux aussi se faire sans contact entre agriculteur et agent de silo ; lesquels sont équipés de masques et de visières. Les résultats des échantillons sont communiqués sur des ardoises. Enfin, pour ce qui est des apports, leurs résultats et caractéristiques sont communiqués via l'extranet Noriap réservé à ses adhérents et l'application E-grains ; laquelle «servira ensuite à d'autres choses», explique Philippe Florentin.
Pour la coopérative Noriap, l'épisode de Covid-19 aura aussi été l'occasion d'équiper en matériel informatique et de numériser plusieurs sites de collecte qui en étaient dépourvus jusqu'à présent. Si l'on imagine bien que tout cela a un coût, la direction «commercialisation» de Noriap relativise : «Cela représente en effet un investissement de quelques milliers d'euros sur chaque site que nous avons équipé, mais il n'y a pas eu d'investissement superflu. La crise du Covid-19 a accéléré les choses, mais tout cela va dans le sens du progrès.»
Coop ou négoces, regards croisés sur le déroulement d'une moisson particulière
Éric Thirouin, président de l'Association générale des producteurs de blé (AGPB), Antoine Hacard, président de la Coopération agricole-Métiers du grain et Antoine Pissier, président de la Fédération du négoce agricole (FNA) ont appelé, il y a quelques jours, à la responsabilité de chacun pour réussir les moissons en toute sécurité. Leurs fédérations se sont organisées pour limiter les risques de contact en adoptant les règles de barrière sanitaire nécessaires tout au long de la chaine de collecte des céréales.
Après deux mois de confinement, ce n'est pas le moment de baisser la garde ?
Éric Thirouin (ET) : la période des moissons est une période d'intenses brassages de personnes et de circulation de matériels dans les fermes et avec les centres de collectes. Aussi, les agriculteurs doivent rester vigilants en respectant les consignes adoptées pendant toute la période de confinement. En pleine moisson, la fermeture d'un silo et la mise en quarantaine d'agriculteurs ou de salariés seraient la pire des choses qui puisse arriver.
Antoine Pissier (AP) : la limitation du nombre de passagers dans les véhicules, la distanciation physique ou encore le nettoyage des mains avec du gel hydroalcoolique font toujours partie des mesures prises depuis le 15 mars dernier. La période des moissons ne modifiera pas nos habitudes.
Antoine Hacard (AH) : dans les points de collecte des coopératives, les céréaliers ne devront pas descendre de leurs tracteurs pour bavarder avec le magasinier. Pas de prêt de stylo non plus. Les bons de livraisons seront transmis sans être signés. Et dans les coopératives déjà équipées, tout sera fait par voie numérique.
Les mesures sanitaires ne vont-elles pas entraver le fonctionnement des collecteurs, négociants ou coopérateurs ?
AP : les agriculteurs ont toutes les raisons d'être rassurés. Nous sommes prêts pour collecter, travailler et commercialiser au mieux leurs grains. Les mesures sanitaires n'entraveront pas la qualité des services que l'on fournit à nos clients.
AH : quelle que soit l'heure à laquelle les agriculteurs livreront des remorques, des magasiniers réceptionneront les céréales en respectant les règles sanitaires imposées.