Agriculture biologique : quelle économie bio souhaitable en Hauts-de-France ?
L’assemblée générale de Bio en Hauts-de-France s’est tenue à Arras, le 16 avril. Au menu : comment s’organiser pour faire face au développement du bio dans la région ?
Après avoir loupé le coche durant des années, les Hauts-de-France se réveillent en matière d’agriculture bio. De 2015 à 2017, le nombre de producteurs est passé de 613 à 860, et les surfaces certifiées et en conversion de 21 121 ha à 30 000 ha. «Si la bio enregistre une croissance à deux chiffres en termes de consommation, celle-ci progresse plus vite que le nombre de fermes», précise Nadou Masson, présidente de l’association Bio en Hauts-de-France. Avant de rappeler qu’il faut deux à trois ans avant de décrocher une certification bio et dix à quinze ans avant d’atteindre un équilibre économique dans les exploitations.
Si la prudence doit être de mise, tous les voyants sont cependant au vert. Entre le Plan Bio régional, le Plan Ambition Bio de l’Etat et la volonté des collectivités territoriales d’appuyer le développement de la bio au travers de la restauration collective, l’objectif de tous est le même : accélérer les conversions pour répondre aux attentes sociétales. Une accélération déjà visible puisque, en 2017, les conversions ont connu une croissance de 20 % dans notre région. «Nous ne sommes plus sur les soubresauts de l’altermondialisme de 2004 ou ceux consécutifs à la crise de la vache folle. Le changement d’échelle est une réalité, et la progression que nous enregistrons est loin d’être finie», commente Benoît Canis, maraîcher bio et administrateur de Bio en Hauts-de-France.
Un changement d’échelle qui n’a pas échappé aux transformateurs, qui entrent progressivement dans la danse pour développer les partenariats avec les producteurs bio. Au nombre de 633 à ce jour engagés dans la filière bio, leurs secteurs d’activité couvrent les céréales, le vin, les légumes, le lait, etc. Et leurs besoins vont croissants. Ainsi, en céréales et protéagineux, «les besoins sont passés, en moyenne, depuis sept ans, de + 4 000 tonnes par an pour atteindre aujourd’hui les 30 000 tonnes», indique Jean-Loup Stérin, représentant de Novial et administrateur de Bio en Hauts-de-France. Traduction en hectares : un besoin de plus de 1 000 ha de céréales tous les ans pour la production animale. Si l’on ajoute les besoins de la meunerie et les légumes, le nombre d’hectares grimpe à 4 000 ha par an. La bio changeant donc d’échelle, quelle économie bio est souhaitable en Hauts-de-France ?
Structurer les filières
L’un des enjeux principaux est la structuration des filières par la mise en place de partenariats entre les producteurs et les transformateurs. Des initiatives sont d’ores et déjà en place telles que Viande Bio Pas-de-Calais-Picardie depuis trois ans. Autour de la table : producteurs, transformateurs, abattoirs, etc. Autre partenariat dans le lait avec des prix stables et légèrement à la hausse pour les producteurs de lait bio. Idem dans la filière œufs avec des contrats tripartites réunissant producteurs, conditionneurs et fabricants d’aliments. «Il faut oser, se faire confiance et partager», relève Jean-Loup Stérin.
Les écueils à éviter
De solution miracle, il n’y a point, mais les initiatives dans le territoire national peuvent être source d’inspiration pour définir quelle économie bio est souhaitable dans les Hauts-de-France. Mais les questions à résoudre sont multiples. Ainsi, celle des prix : comment organiser des outils collectifs permettant de garantir les prix tant en phase de croissance que de décroissance ? Sur le plan agronomique, comment rendre concomitant des productions végétales et animales pour atteindre une cohérence ? Comment assurer la diversité de la commercialisation ? Quel partenariat instaurer avec la grande distribution ? Une question cruciale pour les producteurs bio puisque plus de la moitié des ventes des produits bio dans les Hauts-de-France est assurée par la grande distribution.
S’organiser entre producteurs : un incontournable
Ensemble, c’est aussi la clé d’entrée pour les producteurs. Les marchés de la bio sont aussi multiples que les modes de consommation de produits bio achetés dans la grande distribution, les magasins spécialisés, les artisans et commerçants, les Amap ou encore en vente directe (cf. encadré). Les opportunités de vente, qui vont crescendo, permettent donc d’absorber le nombre croissant des volumes de production des agriculteurs bio. A chacun de trouver sa formule.
Isabelle et Patrick Ruhot, maraîchers bio depuis six ans, ont opté pour deux circuits de vente : un point collectif de vente de produits fermiers dans la métropole lilloise, «Talents de fermes», réunissant douze cultivateurs et un artisan boulanger, et une Amap. Ouvert en 2014, le magasin reçoit 8 500 clients par mois. Vingt postes ont été créés depuis au sein du magasin et dix-neuf dans les fermes. De quoi retrouver du sens dans son métier par la coopération territoriale, en finir avec l’isolement que beaucoup peuvent ressentir dans leurs fermes, et devenir acteur de sa production.
Autre coopération territoriale, cette fois-ci en Bretagne, avec la création, en 2007, de la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), «Douar Den», qui produit et vend des plants et des pommes de terre bio dans son territoire. Ses objectifs ? S’organiser pour garantir un prix rémunérateur et piloter la filière par une gestion de l’offre. Comment ? En développant la notion de coopération entre les différents acteurs de la filière, soit ici les producteurs et les expéditeurs. «Sur un état d’esprit et un mode de comportement où les individus conduisent leurs relations et leurs échanges d’une manière non conflictuelle ou non concurrentielle, on analyse ensemble, et de façon partagée, les situations, et on collabore pour parvenir à des fins acceptables par tous», explique Fabris Threhorel, gérant de la SCIC «Douar Den». Comprenez que la négociation des prix d’achat entre les différents intervenants est basée sur le calcul du prix de revient. Un calcul qui n’a pas été simple, reconnaît le gérant, mais qui a permis de développer la vente des volumes, qui sont passés de 600 tonnes au démarrage de la SCIC à 10 000 tonnes en 2017, et également d’ouvrir la structure à tous types de personnes morales et physiques, ainsi qu’aux collectivités territoriales. Le choix de cette structure juridique a fait des petits depuis dans la production de carottes, de chips, de blé noir ou encore d’oignons en Bretagne.
Autre structuration de producteurs, celle de Volailles bio de l’Ouest, coopérative vendéenne, qui a retrouvé de l’autonomie en élevage par la coopération avec l’aval, soit avec Biocoop. Première coopérative 100 % en volaille bio, avec trente-cinq éleveurs, un million de volailles par an et six millions de chiffre d’affaires, «notre structuration a permis de redonner du sens à la coopération. On a besoin des uns et des autres. Il faut que cela se passe bien. De toute façon, on n’a pas le choix», précise Marc Pousin, producteur de volailles de chair, président de la coopérative vendéenne et membre de la section agricole de Biocoop. L’union fait la force. Un adage qui ne se démode pas.
Ventes et consommation
8 Mds d’euros : le chiffre d’affaires des ventes de produits alimentaires bio en France
82 % des Français font confiance aux produits bio
85 % des Français sont intéressés par du bio local
13 % : c’est le pourcentage du panier des petits mangeurs qui achètent des produits bio dans les supermarchés, chez les artisans et sur les marchés
50 % : c’est le pourcentage du panier des petits mangeurs bio qui achètent des produits bio dans les supermarchés et les magasins bio
78 % : c’est le pourcentage du panier des mangeurs bio écolo qui achètent des produits bio dans les magasins bio, les Amap et sur les marchés de producteurs