Agroforesterie : témoignage d’un agriculteur samarien
Voilà dix ans qu’Anthony Hordé pratique l’agroforesterie dans une de ses parcelles. La plantation d’arbres était surtout une volonté de son père, qui était un fervent chasseur.
La chasse a toujours fait partie de la vie de la famille Hordé. C’est d’ailleurs cette passion qui les a poussés à pratiquer l’agroforesterie dans une parcelle de 8 ha, à Domart-sur-la-Luce. «Cet îlot a toujours été un peu sauvage, dédié à la pratique de la chasse, explique Anthony Hordé, installé sur 150 ha. Il y a dix ans, nous avons profité des aides régionales, qui nous ont financé 70 % environ de l’achat et de la plantation des quatre cents arbres.»
La parcelle est originale. Cette année, elle était cultivée en maïs grain et orge de printemps : une bande de maïs de 26 m de large, pour permettre le passage aisé du pulvérisateur de 24 m, une bande d’arbres d’une dizaine de mètres de large, puis une bande d’orge, une bande d’arbres, une bande de maïs… Et ainsi de suite. Meurisiers, noyers, hêtres, charmes et érables. Ces cinq espèces ont été sélectionnées pour leur adaptation au climat local et au sol assez séchant du champ.
L’aspect cynégétique que les agriculteurs-chasseurs voulaient y développer et entièrement rempli : «La biodiversité s’y développe beaucoup plus qu’ailleurs. On parle de disparition de la perdrix grise, et bien les deux seuls nids que j’ai aperçus dans mes terres étaient dans ce champ.» Cultiver deux cultures, l’une à côte de l’autre, prend ici tout son sens : elles ne sont pas moissonnées en même temps, et offrent toujours un refuge aux animaux. Le paradis de la faune, dans cette parcelle qui plus est entourée d’une haie. «Et je ne compte pas les insectes qui s’y développent». Insectes utiles y compris, évidemment.
Passionné avant tout
Mais Anthony Hordé est clair : «Je ne veux pas vendre de rêve avec l’agroforesterie. Je ne la pratiquerais pas partout dans mon exploitation. Il faut avant tout être passionné de nature.» Car l’intérêt économique ne se fait pas vraiment sentir. Les arbres, plantés il y a dix ans, ne sont pas prêts d’être débités pour valoriser leur bois. Ils pourront alors servir de bois de chauffage, ou être vendus entiers. «Ils doivent avoir au moins trente ans avant de pouvoir être coupés.»
Comme ils ne subissent pas de concurrence, comme leurs congénères en forêts, ils ont tendance à s’épanouir en largeur plutôt qu’en hauteur et nécessitent donc de l’entretien. «J’ai appris à les tailler. C’est à faire tous les ans, cinq ou six ans après les avoir plantés. Un sacré travail.» Les intérêts agronomiques ont aussi du mal à se faire sentir. La parcelle, comme toutes les autres de l’exploitation, est conduite en non-labour. Et comme ailleurs, deux reliquats d’azote ont été apportés pour le maïs et l’orge. Les insecticides, en revanche, sont proscrits. «Il n’y a pas d’intérêt à vouloir privilégier la biodiversité pour ensuite la détruire.»
Si les bénéfices ne sont pas flagrants, Anthony Hordé dit ne pas avoir de perte non plus. «Les rendements sont toujours au moins aussi bons que dans des terres similaires sans arbre. Pas d’effet d’ombre néfaste, ni autre inconvénient.» Les bandes d’arbres laissées en jachères semblent avoir trouvé seules leur équilibre. «Il y a des herbes, des ronces et des chardons par-ci, par là, mais ces adventices n’envahissent pas le champ. Chez mon oncle (agriculteur à quelques kilomètres, ndlr), en revanche, où on avait semé du gazon dans la bande avant de planter les arbres, la gestion de l’herbe dans la parcelle a été un problème.» Une question de bon compromis.