Enseignement supérieur
AgroParisTech tempère après l’appel de quelques étudiants appelant à « bifurquer »
La direction de l’école explique ne pas être « surprise » par la diversité des points de vue exprimés au cours d’une cérémonie de remise de diplômes qui a duré trois heures.
La direction de l’école explique ne pas être « surprise » par la diversité des points de vue exprimés au cours d’une cérémonie de remise de diplômes qui a duré trois heures.
À l’occasion de la remise des diplômes 2022 d’AgroParisTech, huit étudiants sont intervenus en tribune pour critiquer une formation « qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours » et appeler leurs camarades de promotion « à bifurquer » une fois diplômés. « À vous de trouver vos manières de bifurquer », a plaidé l’un des ex-étudiants, pointant du doigt les métiers auxquels préparerait le cursus : « Trafiquer des plantes en laboratoire pour des multinationales qui renforcent l’asservissement des agricultrices et agriculteurs » ou « inventer des labels bonne conscience pour permettre aux cadres de se croire héroïques en mangeant mieux que les autres ».
Parmi les bifurcations évoquées : « Commencer une formation de paysan boulanger, partir pour quelques mois de woofing, participer à un chantier sur une Zad ou ailleurs, vous engager auprès de celles et ceux qui en ont besoin, vous investir dans un atelier vélo autogéré ou rejoindre un week-end de lutte avec les Soulèvements de la terre. »
Des carrières diverses
Cette intervention d’étudiants a suscité un communiqué de la direction de l’école, le 12 mai. « Nous ne sommes pas surpris par la diversité des points de vue exprimés au cours d'une cérémonie qui a duré trois heures, car ils traduisent l’ampleur des controverses engendrées par les thématiques qu’enseigne AgroParisTech », a indiqué la direction, en réaction à la vidéo qui a rassemblé sur Youtube plus de 750 000 vues. L'intervention de ces néo-diplômés, « comme celles, plus nombreuses, de leurs camarades qui ont choisi d’autres voies, confirme que l’enseignement d’AgroParisTech s’inscrit au cœur des enjeux et débats qui traversent notre société. Parmi nos diplômés, certains vont travailler dans la recherche, dans des coopératives agricoles, d’autres vont s’installer comme exploitants agricoles ou rejoindre des entreprises agroalimentaires de toutes tailles, d’autres encore créer des start-up, protéger la biodiversité ou travailler dans le recyclage des déchets », poursuit le communiqué. Et alors que le collectif d'étudiants a pointé du doigt le fait de « trafiquer des plantes en laboratoire pour des multinationales qui renforcent l’asservissement des agricultrices et agriculteurs », la direction de l’école affirme que « les solutions se trouvent dans le progrès de la science et des technologies, tout autant que dans les usages qui en sont et seront faits ».
« Écho disproportionné »
Président du conseil d’administration d’AgroParisTech, Pascal Viné a réagi personnellement en apportant « tout son soutien à AgroParisTech, à son personnel, à ses étudiants et à ses milliers d’anciens élèves. » « Dans un monde en évolution, il est essentiel de garder son esprit critique, tout en évitant la caricature. C’est toute l’ambition d’AgroParistech que de former des ingénieurs en capacité d’appréhender la complexité du vivant, mais également des réponses à apporter », a-t-il écrit sur sa page LinkedIn. Dans les commentaires suivants sa publication, Pascal Viné évoque un « écho disproportionné » qui a été donné à cet incident.
Président de Chambres d'Agriculture France, Sébastien Windsor, a diffusé quant à lui le 16 mai une longue « lettre ouverte » adressée au collectif d'étudiants d'AgroParisTech appelant leurs camarades à « déserter » : « Je les invite plutôt à rejoindre les forces vives des structures qui œuvrent au quotidien à faire bouger les lignes. Tout comme j’encourage les jeunes à rejoindre nos écoles d’agronomie pour contribuer demain à accompagner ces indispensables évolutions », a rétorqué l'agriculteur normand. Par cette réponse, Sébastien Windsor « veut porter la voix de ceux (agriculteurs, salariés d’entreprises, enseignants) qui se mobilisent au quotidien pour faire évoluer les pratiques agricoles et qui ont pu ressentir comme une injustice le procès que vous leur intentez, sans même reconnaitre le travail qu’ils ont accompli ». Pour ce dernier, « vivre dans une ZAD ou une montagne isolée, c’est juste refuser d’accompagner la société dans sa transformation.»