Politique
Après les législatives, l’agriculture dans l’incertitude
Au lendemain des résultats qui n’ont dégagé aucune majorité absolue, l’agriculture ne sait pas encore – à l’instar de la France – quelle direction lui fera prendre le futur gouvernement. La gauche promet un nom pour Matignon dans la semaine, Attal reste pour l’instant en poste.
Au lendemain des résultats qui n’ont dégagé aucune majorité absolue, l’agriculture ne sait pas encore – à l’instar de la France – quelle direction lui fera prendre le futur gouvernement. La gauche promet un nom pour Matignon dans la semaine, Attal reste pour l’instant en poste.
Le barrage contre l'extrême-droite a fonctionné à plein. Ce 7 juillet, la nouvelle Assemblée nationale n'a pas connu la vague Rassemblement national attendue. En revanche, aucune des coalitions ou des partis n’a décroché de majorité absolue à l'issue des élections législatives, ce qui laisse augurer une période d’instabilité ou de recomposition politiques dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, pour la France, comme pour l'agriculture.
De Fournas et Girardin sortent
Qu'ils soient ministres de l'Agriculture, députés sortants du Nouveau front populaire (NFP), des Républicains, du camp présidentiel (Ensemble, Modem) ou du Rassemblement national, tous les candidats spécialistes d'agriculture qui s'étaient qualifiés pour le second tour des législatives ont été élus ce 7 juillet, à deux exceptions. D’abord celle du viticulteur de Gironde, Grégoire de Fournas. Il faut ajouter Éric Girardin, député LR de la Marne, auteur en 2022 d’un rapport sur la transmission des exploitations viticoles. Cela s'est aussi joué de justesse - à 500 voix - pour le député LR de l'Aisne Julien Dive ; l'auteur d'une proposition de loi sur le calcul des retraites agricoles s'est imposé in extremis. Le score a également été serré en Charente-Maritime, où Anne-Laure Babault (Modem) s'était désistée en faveur de l'ex-eurodéputé Benoit Biteau ; l'agriculteur du NFP s'est imposé de justesse (53 %).
Les ministres passent grâce au barrage
Les deux ministres de l'Agriculture, Marc Fesneau (Modem) et Agnès Pannier-Runacher (Ensemble), sont passés avec respectivement 60 % et 55 % des voix, grâce aux désistements de leur concurrent NFP. Dans le Sud, le député Ensemble Jean Terlier, auteur d'une PPL sur les baux ruraux, passe de justesse avec 51 %.
Trois profils pour une Rue de Varenne NFP
Au lendemain des résultats du second tour, l’incertitude est à son comble. Arrivée en tête des législatives, mais loin de la majorité absolue, la gauche assure le 8 juillet qu'elle proposera «dans la semaine» un nom pour Matignon, où Gabriel Attal, qui a présenté sa démission, a été maintenu pour «assurer la stabilité du pays».
La gauche met déjà la pression sur Matignon. La cheffe des écologistes, Marine Tondelier, a estimé qu'Emmanuel Macron «devrait appeler aujourd'hui» la gauche «à lui transmettre un nom de Premier ministre». Le socialiste Olivier Faure a, pour sa part, souhaité que le NFP «puisse être en mesure de présenter une candidature» pour Matignon «dans la semaine». Dans l'hypothèse d'un gouvernement NFP, plusieurs profils s'imposent comme candidats naturels au poste de ministre de l'Agriculture : Aurélie Trouvé, Dominique Potier, ou Benoît Biteau.
Élue en 2022, la maître de conférence en économie à AgroParisTech Aurélie Trouvé s'est rapidement imposée comme la référente agricole du groupe LFI à l'Assemblée, rôle occupé par Loïc Prudhomme durant la précédente mandature. Interrogée par Agra Presse, elle répond : «Je ne m'exclue pas, je ne m'impose pas», tout en précisant que «c'est une discussion et une décision collective du NFP.»
Le deuxième en lice serait le député socialiste Dominique Potier, spécialiste des questions agricoles - il n'a ni infirmé, ni confirmé d'intérêt pour le poste. Cet ancien agriculteur a participé à plusieurs projets de textes d'encadrement du foncier et, plus récemment, à des travaux sur Ecophyto et la séparation de la vente et du conseil sur les pesticides.
Enfin, le troisième nom est celui de l'agriculteur EELV Benoît Biteau ; il avait pâti du faible score des écologistes aux élections européennes, ne parvenant pas à se reconduire à son poste d'eurodéputé qu'il occupait depuis 2019. On peut encore citer le député communiste André Chassaigne, connu pour ses lois sur les retraites agricoles - mais il n'est pas intéressé, indique-t-il. De même, le député socialiste Guillaume Garot, ancien ministre délégué l'Agroalimentaire, très actif sur la question du gaspillage, «n'est pas candidat».
Parcours semé d'embûches pour la LOA
Quid des dossiers agricoles en cours ? Dans l'hypothèse à court terme d'un gouvernement penchant vers la gauche, le futur de la loi d'orientation agricole (LOA) semble plus que jamais obscurci. En effet, en première lecture, le texte avait été adopté par le camp présidentiel grâce aux voix des députés Les Républicains, mais désormais l'ensemble de ces deux groupes ne constitue plus de majorité absolue. Certes, en théorie, l'examen du projet de loi est toujours en cours, car à l'inverse du projet de loi Fin de vie, la LOA a été adoptée par une des deux chambres ; la première lecture achevée à l'Assemblée, le Sénat peut donc décider de l'examiner à son tour, indiquent les services parlementaires. Mais la chambre haute y daignera-t-elle ?
Questionné sur le sujet, le sénateur LR Laurent Duplomb, tête de file sur les questions agricoles, affirme ne pas savoir.
Droite et Ensemble y tiennent, la gauche ne l'écarte pas
Parmi les parlementaires fraîchement réélus, les députés du camp présidentiel et de la droite, qui ont permis l'adoption de la LOA à l'Assemblée, espèrent résolument que le Sénat reprendra son examen.
L'ancien ministre de l'Agriculture Stéphane Travert veut, pour ce faire, «trouver une coalition» à l'Assemblée. Selon lui, la LOA en serait la priorité agricole, avec la loi sur les pesticides, et les mesures «de compétitivité» annoncées pour le projet de loi de finances (PLF) ; à l'inverse, le projet de loi Egalim 4 ne lui semble pas prioritaire. Chez les LR, Julien Dive «espère» que le texte n'est pas enterré.
À gauche, la question ne semble pas encore clairement arbitrée. Le socialiste Guillaume Garot estime que le texte «doit reprendre son cheminement», à condition qu'il soit «complété sur les moyens financiers, la formation et la transition agroécologique», explique-t-il à Agra Presse. Pour l'ancien ministre, «il y a une attente».
Moins allante, la députée LFI Aurélie Trouvé estime que la LOA «est quasiment vide, donc la question serait surtout de savoir comment on la complète». Mais, en termes de calendrier, les priorités se situent plutôt du côté de la mise en place du «blocage de prix» des aliments de première nécessité, et des «prix garantis» pour les agriculteurs. Pour le communiste André Chassaigne, «tout dépendra du gouvernement qui sera mis en place - vraisemblablement après l'été -, rien n'est exclu».
La FNSEA «ferme sur ses positions»
Réagissant aux résultats des élections législatives dont elle «prend acte», la FNSEA indique dans un communiqué du 7 juillet, qu’elle restera «ferme sur ses positions» et demande à la «représentation nationale de s’organiser au plus vite pour apporter les réponses législatives tant attendues par le monde agricole». Ainsi, elle n’entend pas laisser en chantier «l’examen du Projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA) et les projets de textes pour le revenu, les moyens de production et la dignité des agriculteurs (…) suspendus par la dissolution». Celui-ci, voté fin mai a été transmis au Sénat qui l’examinera à une date encore indéterminée. Inquiète d’une crise «économique, morale et sociale sans précédent depuis trente ans», elle demande aux députés de se «saisir des 27 propositions formulées et portées auprès des candidats» avant le premier tour. «Il n’est pas question que l’agriculture redevienne la grande oubliée du débat public !», conclut la FNSEA.
Les Jeunes agriculteurs veulent aussi avancer sur les dossiers agricoles
Le syndicat Jeunes agriculteurs a indiqué dans un communiqué du 7 juillet être déterminés «à rappeler les attentes de la jeunesse agricole» qu’il a exprimées dans un document intitulé «Engagez-vous» et distribué aux candidats avant le 1er tour du 30 juin. «Elles seront transmises aux futurs présidents de groupe pour nourri leur réflexion.» Comme la FNSEA, les Jeunes agriculteurs souhaitent que les pouvoirs publics répondent aux attentes formulées lors des manifestations agricoles de l’automne et de l’hiver. Refusant que l’agriculture soit «prise en otage par des considérations politiciennes», Jeunes agriculteurs demande un travail «collectif» «pragmatique» pour assurer le renouvellement des générations et de la souveraineté alimentaire.