Après l’interdiction confirmée des NNI, un plan B recherché
Suite à la décision de la Cour européenne de justice confirmant l’interdiction des néonicotinoïdes au sein de l’UE pour plusieurs cultures, dont la betterave, le ministère de l’Agriculture français abandonne la possibilité d’une dérogation pour les utiliser.
Suite à la décision de la Cour européenne de justice confirmant l’interdiction des néonicotinoïdes au sein de l’UE pour plusieurs cultures, dont la betterave, le ministère de l’Agriculture français abandonne la possibilité d’une dérogation pour les utiliser.
«Il n’y aura pas de troisième dérogation pour les néonicotinoïdes», a déclaré le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, le 23 janvier, à l’issue d’une réunion avec les professionnels de la filière betteravière. Depuis l’arrêt rendu le 19 janvier par la Cour européenne de justice confirmant l’interdiction de l’utilisation de molécules «expressément interdites» – les néonicotinoïdes en font partie –, au sein de l’Union européenne, la filière betteravière française était dans l’expectative. Alors qu’une réunion du conseil de surveillance des néonicotinoïdes devait se prononcer le 20 janvier sur un projet de dérogation qui aurait permis leur utilisation en 2023 – et uniquement cette année après les dérogations obtenues en 2021 et 2022 –, celle-ci a été reportée au 26 janvier. Entre ces deux dates et sans attendre la réunion du conseil de surveillance, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a convoqué les représentants de la filière lundi 23 janvier pour leur annoncer que le gouvernement renonce finalement à prendre un arrêté dérogatoire.
Coup difficile
Pour la CGB, le coup est dur : «La catastrophe sanitaire de 2020 est toujours dans les esprits, avec une perte moyenne de rendement de 30 % au niveau national, les exploitations les plus touchées ayant perdu jusqu’à 70 % de leur récolte, dans certaines régions», a commenté le syndicat betteravier, sitôt l’annonce de la Rue de Varenne connue. À quelques semaines des semis de betteraves, il s’agit «d’un coup difficile», a lui aussi souligné le ministre de l’Agriculture lors d’un point presse. «Je n'ai aucune intention de balader les agriculteurs et en particulier ceux qui sont inquiets», a-t-il déclaré. La conséquence, c’est que le gouvernement ne proposera donc pas une «troisième année de dérogation sur l'enrobage des semences de betteraves. C'est terminé pour cet élément-là, la décision de la Cour de justice est suffisamment puissante pour ne pas instabiliser encore plus le système.»
Dispositif d’indemnisation à l’étude
Dans la présentation de ce qui ressemble à un «plan B», Marc Fesneau a affirmé la nécessité de trouver des alternatives, explorées notamment dans le cadre du PNRI, dans lequel 20 M€ ont été investi. Dans un communiqué, le ministère précise que «dès la campagne 2023, et en liaison avec les professionnels, de nouveaux itinéraires techniques visant à protéger les betteraves, plantées cette année, seront élaborés», et qu’«en parallèle, toutes les solutions immédiatement disponibles issues des projets du plan national de recherche et d’innovation, notamment les plantes compagnes, seront déployées et accélérées à l’horizon des semis 2023, sur le plus de surface possible. Le choix sera laissé aux agriculteurs de déployer ces outils. Le programme de recherche sera également accéléré et les ressources nécessaires à la gestion des projets seront augmentées». En dernier lieu, Marc Fesneau a convenu de la mise en place «d’un dispositif qui permettrait de couvrir les pertes liées à la jaunisse et ce, le temps de trouver les alternatives dont la filière a besoin». Interpellé à l'Assemblée par trois députés de départements betteraviers le 24 janvier lors des questions au gouvernement, le ministre de l’Agriculteur a déclaré «garantir aux planteurs qu’ils puissent être couverts intégralement des pertes du fait de l’apparition de la jaunisse». Début de semaine, le président de la CGB, Franck Sander, avait insisté pour que «les pertes soient totalement prises en charge» et «n’avoir ni franchise, ni plafonnement des aides», de manière à «rassurer les planteurs.»
Crainte de distorsions de concurrence
Le ministre a également déclaré vouloir «activer au niveau européen les clauses de sauvegarde pour qu’il n’y ait pas de distorsion de concurrence. (…) Si l’on aboutit à avoir du sucre et de l’éthanol de pays qui ne respectent pas nos normes, nous aurons tout perdu.»
Le 20 janvier, la FNSEA s’était dit «atterrée» par les conséquences «potentielles» de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne interdisant toute dérogation sur l’utilisation des semences traitées avec les néonicotinoïdes. Le syndicat majoritaire y voit «une décision supplémentaire de l'Europe consistant à remettre en question sa propre capacité productive. Une nouvelle fois, c'est une porte ouverte aux importations qui ne respectent pas les mêmes normes que les nôtres, mais qui deviendraient, de ce fait, la seule option d'approvisionnement (de sucre, ndlr)», s’insurge-t-il. Pour la FNSEA, ce verdict met «en danger la pérennité des exploitations à quelques semaines des semis» et remet «en question (…) la production betteravière française et (le) fonctionnement des sucreries», avec, pour conséquence, des «effets désastreux sur l'activité et l'emploi dans les territoires ruraux».