Au Brésil, les déboires du soja non OGM
Malgré la demande des éleveurs européens, la production de soja non OGM connaît un frein au Mato Grosso et au Goias. Le bonus versé aux agriculteurs brésiliens par les exportateurs perd de son intérêt avec des semences jugées moins performantes et des cours du protéagineux élevés.
Malgré la demande des éleveurs européens, la production de soja non OGM connaît un frein au Mato Grosso et au Goias. Le bonus versé aux agriculteurs brésiliens par les exportateurs perd de son intérêt avec des semences jugées moins performantes et des cours du protéagineux élevés.
Au Brésil, premier exportateur mondial de soja, environ 4 % des surfaces cultivées le sont avec des semences dites conventionnelles, c’est-à-dire non transgéniques. Cela représente une sole de soja non OGM de presque 2 millions d’hectares (Mha) et une récolte proche de 6 millions de tonnes (Mt). Les stockeurs-triturateurs Amaggi, Caramuru et Imcopa, qui exportent la majeure partie de leurs farines certifiées non OGM vers l’Europe du Nord, dominent la filière au Brésil. Ils fournissent les élevages de saumons de Norvège, ainsi que des élevages de poulets de France, de Suisse et d’Allemagne.
Leur demande est soutenue, selon le directeur de Caramuru, Davi Eduardo Depiné. Mais paradoxalement, la production brésilienne de soja non OGM est en net recul. Une tendance qui pourrait d’ailleurs s’accentuer au cours de la campagne 2021-2022. «Au Mato Grosso, les surfaces semées avec des variétés de soja conventionnelles sont passées de 540 000 hectares (ha) en 2019 à 483 000 ha en 2020. Même constat dans l’État du Goias, dont la sole de soja non OGM s’est rétractée de 62 000 à 54 000 ha», informe Davi E. Depiné.
Manque de semences de qualité
Un frein à sa culture, au Brésil, serait le manque de semences conventionnelles de qualité, pouvant offrir des rendements similaires à ceux obtenus avec des variétés de soja Roundup Ready, c’est-à-dire supérieurs à 40 q/ha. Un autre facteur décisif, dans la décision de produire, ou pas, du soja non transgénique, est le niveau de la prime versée par l’organisme stockeur. «Chez Caramuru, nous payons un bonus pour le soja non OGM de 50 à 66 dollars par tonne ($/t). Mais avec la forte hausse du cours du soja, la valeur de la prime a perdu de son intérêt», renseigne Davi E. Depiné.
La culture de soja non OGM présente un coût de production similaire à celui du soja OGM. Mais les exigences de la traçabilité, qui s’ajoutent au mode de production en système contrôlé, font que la culture des variétés non transgéniques s’avère bien plus contraignante. Or, ces contraintes se justifient de moins en moins, aux yeux des Brésiliens, lorsque l’intérêt de la prime versée pour du soja non OGM se retrouve dilué dans la hausse du cours du protéagineux.
Une prime au rabais en Argentine
La filière argentine du soja non OGM passe pour une naine à côté de sa voisine brésilienne. Car elle a un gros désavantage par rapport à cette dernière : «Le soja du Brésil présente un taux de protéine généralement plus élevé que celui récolté en Argentine. Or, c’est un critère important lorsqu’il s’agit de vendre de petits lots recherchés pour leur richesse nutritionnelle», explique Rodolfo Rossi, ex-président de l’inter-filière argentine du soja (Acsoja). Si les agriculteurs argentins disent «soja Kumagro» quand ils parlent de soja non OGM, ce n’est pas anodin : la société Kumagro, à la fois semencier, stockeur, triturateur et exportateur de soja non OGM est presque la seule sur ce créneau en Argentine. Kumagro est une alliance créée en 2014 entre le semencier Don Mario et l’OS Grobocopatel Hermanos (Hnos), dont le PDG est Daniel Grobocopatel, un cousin du célèbre Gustavo Grobocopatel, alias le «roi du soja».
À peine 1 % de la sole argentine
Kumagro transformerait 300 000 t de soja non OGM par an, selon Rodolfo Rossi. Un volume qui représente des miettes au regard de la récolte argentine de soja de 50 Mt, du soja OGM dans plus de 99 % des cas. Le directeur de Kumagro, Obdulio San Martín, assure exporter du soja non OGM en France, via le port de Brest, et que leur principal client est un Russe avec qui ils ont signé un contrat d’approvisionnement à long terme.
Le désintérêt des Argentins pour la culture du soja non OGM se comprend mieux à l’écoute du témoignage de Juan Carlos Ottaviani, un agriculteur du canton de Carlos Casares, qui en cultivait 90 hectares en 2016 avant de jeter l’éponge. «J’ai obtenu des rendements très corrects, de 45 q/ha, mais la prime de 10 $/t versée par Kumagro était pour moi insuffisante au vu des efforts et des risques liés à cette culture spécifique.»