Audits-conseils : six mois après leur lancement, qu’a-t-il été fait ?
Lancés par la Région des Hauts-de-France le 11 mars dernier, huit cents demandes ont été déposées par les éleveurs. Et ce n’est pas fini.
La Région s’attendait-elle à un tel succès ? Oui et non. En mars dernier, lors de la présentation du dispositif, le président de la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie, Christophe Buisset, considérait que sur 14 000 à 15 000 éleveurs dans la région, 6 700 étaient vraiment en difficulté. Aussi, la Région s’attendait-elle à une forte demande. Reste que l’enveloppe programmée pour cette mesure du Plan d’urgence en faveur de l’élevage, soit un million d’euros (500 000 € versés par la Région et 500 000 € par le Groupement d’intérêt économique Lait-Viande Nord-Picardie), couvrait en fait le traitement de 800 demandes. Le cap est aujourd’hui atteint. Si la Région n’a pas encore défini une nouvelle enveloppe pour poursuivre l’opération, elle se dit prête à continuer.
Sur les 800 demandes d’audits-conseils, traitées par 84 auditeurs (Chambres d’agriculture, contrôle laitier et centres de gestion), 415 audits ont été réalisés, dont 125 ont fait l’objet d’une restitution auprès des éleveurs. «Cet écart de chiffre s’explique par le fait que les éleveurs n’étaient pas disponibles avec la moisson, mais aussi par le fait que caler un rendez-vous avec les quatre acteurs de la table ronde, soit l’éleveur, l’auditeur, le centre de gestion et la banque, n’est pas facile», explique Jocelyne Machefer, en charge du pilotage des audits-conseils avec Jean-Michel Bigotte.
Les situations rencontrées
«Il y a vraiment de tout», ajoute-t-elle. Ainsi, dans la filière bovins lait, en termes d’unité de travail (UMO), cela varie de 1 à 8 suivant les exploitations. Quant aux surfaces agricoles utiles (SAU), les écarts vont de 11 à 38 ha. Enfin, une importante variante se retrouve sur la production laitière, qui oscille de 38 000 litres de lait à 1,4 million. Des profils tout aussi différents se retrouvent dans la filière bovins viande avec des SAU de 30 à 180 ha, et une valeur ajoutée de 6 à 145. En revanche, en termes d’UMO, l’écart se réduit entre les exploitations puisqu’il va de 1 à 2,5. Enfin, les profils en filière porcs sont, eux, plus homogènes avec une UMO de 2 à 2,5, et une production de truies allant de 95 à 140. En revanche, en termes de SAU, les superficies varient du simple au double, soit de 70 à 140 ha.
Dans toutes les exploitations auditées, les situations rencontrées révèlent donc une grande hétérogénéité. De fait, il y a des exploitations qui travaillent bien, mais qui arrivent au bout des solutions mises en place. D’autres où la décision d’arrêter l’élevage est quasiment prise. D’autres encore où il y a peu ou plus de marges de manœuvre structurelles. Ou certaines qui se retrouvent avec des problèmes d’organisation de travail. Autre cas de figure : des exploitants qui ont fait une demande d’audit suite à la demande de leur banque. Sans oublier ceux qui veulent se rassurer. En d’autres termes, tous les cas de figure sont représentés, ce qui rend les audits encore plus complexes à réaliser. Mais si les situations sont très contrastées d’une exploitation à l’autre, et même d’une filière à l’autre, des points communs se dégagent tant sur les productions végétales qu’animales. Sont pointés des conduites culturales insuffisantes, des charges semences, engrais et phytos trop lourdes, des coûts alimentaires trop élevés, des qualités de lait trop différentes, des problèmes sanitaires et de mortalité, d’autres en lien avec un renouvellement insuffisant du cheptel, des coûts de mécanisation exorbitants…
Quelles marges de progrès ?
Sur le plan technique, en productions végétales, le poste semences, engrais et phytos doit être bien plus raisonné. Cela concerne toutes les exploitations. Sur les cultures, un assolement diversifié et plus d’agronomie doivent être pratiqués. De même, les agriculteurs ne doivent pas hésiter à déléguer des travaux des champs ou à réaliser des travaux en commun au travers, par exemple, des Cuma. «Pour certains, des économies importantes et rapides, soit entre 3 000 et 16 000 € peuvent être réalisées», insiste Jocelyne Machefer. En productions animales, la recherche d’un coût alimentaire raisonné «peut permettre d’obtenir un gain de 5 à 50 € par 1 000 litres de lait ou 10 000 € au global troupeau», ajoute-t-elle. Une optimisation de la gestion des prairies est à rechercher, ainsi qu’un assolement et une autonomie alimentaire. Compte tenu des différences de prix suivant la qualité du lait (de 3 à 10 € par 1 000 litres de lait, ndlr), un travail technique est indispensable.
Sur les plans économique et financier, force est de constater que, très souvent, l’EBE couvre juste les annuités, que les problèmes de trésorerie sont répandus, que le poste «charges mécanisation» est souvent surdimensionné… «On se rend compte que les dettes aux fournisseurs sont importantes, que les trésoreries sont souvent négatives et que certains exploitants ont des prêts avec un taux d’intérêt élevé», indique Jocelyne Machefer. Face à cela, est proposée une restructuration bancaire par un réaménagement de la dette et une révision des taux pour ceux qui peuvent être négociés. «Il faut aussi accompagner l’éleveur à se faire un budget de trésorerie et, pour certains, une ouverture de crédit, notamment dans le cadre d’un projet de diversification», dit-elle.
Reste que face à une demande qui ira crescendo, la Région n’aurait-elle pas intérêt à définir des critères de sélection pour l’accès à ces audits-conseils ? En effet, si, au départ, le dispositif s’adressait aux éleveurs de bovins viande et de bovins lait, il a été ensuite élargi aux filières ovines, porcs et volailles. «Qui embrasse trop, mal étreint», dit le dicton. A méditer…
Demandes d’audits-conseils
- Par département : 100 dans l’Aisne, 137 dans l’Oise, 174 dans la Somme, 152 dans le Nord et 237 dans le Pas-de-Calais.
- Par filière : 67 % en production laitière, 15 % en production viande, 15 % avec plusieurs ateliers (lait + viande, lait + ovin, lait + volaille, lait + porcs, bovin viande + porcs, bovin viande + ovin), 3 % en autres élevages (porcs, ovin, volaille).