«Avril va réduire ses émissions de 30 % en dix ans»
Une raison d’être, «Servir la Terre», anime désormais Avril. Il s’agit, pour le spécialiste des huiles et protéines végétales, de répondre à l’urgence climatique et la croissance démographique. Six engagements sont pris, avec plusieurs objectifs chiffrés. Explications du DG Jean-Philippe Puig.
Une raison d’être, «Servir la Terre», anime désormais Avril. Il s’agit, pour le spécialiste des huiles et protéines végétales, de répondre à l’urgence climatique et la croissance démographique. Six engagements sont pris, avec plusieurs objectifs chiffrés. Explications du DG Jean-Philippe Puig.
D’où vient cette volonté du groupe d’avoir une raison d’être ?
Il y a plus de trois ans, un sondage a été réalisé auprès du personnel. On s’est rendu compte que nos salariés ne savaient pas bien expliquer le sens de l’action du groupe et son rôle dans la société. Pourtant, notre mission n’a pas changé depuis 1983. C’est de développer la filière oléoprotéagineuse pour nourrir les hommes et les animaux, et protéger la planète. Avril a donc décidé de formaliser son modèle qui guide l’action du groupe. Quatre piliers le composent. Le premier est de connecter en confiance : c’est le travail collectif qui relie l’amont à l’aval, de l’agriculteur à l’assiette. Ensuite, redistribuer la valeur : nous ne versons pas de dividendes et réinvestissons nos profits au bénéfice de la filière, un modèle unique au monde. Autre point, inventer demain : Avril a toujours été en pointe dans la recherche, d’abord, pionnier dans le biodiesel, aujourd’hui, acteur majeur dans l’oléochimie, la chimie verte, et demain, la protéine. Enfin, dernier pilier, prendre soin du vivant. Mais décrire le modèle ne suffit pas. Reste à donner du sens au travail dans l’entreprise. La «raison d’être» permet cela. Trois années de travail collaboratif ont été nécessaires pour la définir, en interne (avec les collaborateurs, le comex des jeunes, le comité exécutif, le top management, le conseil d’administration), aussi, en écoutant les clients, les consommateurs, le comité des parties prenantes, et nos partenaires de l’amont agricole. Le résultat se résume en trois mots : «Servir la Terre».
Vous aviez déjà une RSE (responsabilité sociétale des entreprises). La raison d’être va-t-elle plus loin ?
Avril est un groupe engagé qui agit déjà, grâce une démarche de responsabilité sociétale Spring, lancée en 2019. La «raison d’être» affirme une ambition à plus long terme que cette RSE, établie sur cinq ans. Spring reste en place. On mesure nos progrès chaque année : par exemple, sur l’approvisionnement local. Aujourd’hui, 80 % (en volume) des matières premières transformées dans nos usines de nutrition animale en France sont issues de cultures nationales.
Comment Avril va-t-il accélérer le développement des filières d’approvisionnement locales, et dès 2025 pour 100 % de ses huiles alimentaires quand les matières premières existent localement ?
Un investissement a été réalisé avec Euralis en 2017 dans Sojalim, une unité de trituration de soja origine France dont il est question d’augmenter la capacité. Plus récemment, l’usine Oleosyn bio a vu le jour avec Terrena et a permis de créer une filière nationale de graines oléagineuses biologiques. On accompagne aussi Extrusel dans la trituration de colza et soja français. Au total, beaucoup de projets sont en cours et d’autres arrivent. Notre approvisionnement est déjà 100 % local dans certains secteurs. Les huiles Lesieur Fleur de colza, Cœur de Tournesol et Frial sont entièrement françaises, reste à faire évoluer la recette Isio4 (pour la partie huile de lin) et Isio4 bio (pour les huiles de colza et lin) vers du 100 % origine France.
En quoi consiste votre engagement à réduire de 30 %, d’ici 2030, toutes vos émissions de gaz à effet de serre (GES), directes et indirectes ?
Sous l’impulsion de la «raison d’être», le groupe ira plus loin dans sa contribution aux transitions agricole, alimentaire et environnementale. Mais nous n’avons pas attendu pour nous mettre en ordre de marche et décliner cet engagement côté industriel. Nos usines, de plus en plus, s’inscrivent dans une logique d’économie circulaire et recyclent différentes matières issues de leurs activités. L’an dernier, la décision a été prise de faire de la cogénération chez Expur, filiale roumaine de transformation des graines oléagineuses, pour devenir autonome à 66 % en énergie. La tâche est plus compliquée sur les émissions indirectes de GES.
Je citerais Oleo100, le carburant 100 % colza français destiné aux poids lourds qui réduit de 60 % leurs émissions de CO2. Oleoze, lancé dans l’Hexagone en 2020, est un service d’achat des graines oléagineuses durables : le prix valorise, grâce à un «bonus GES», les efforts des producteurs pour réduire les émissions de GES et développer le stockage de carbone sur leur exploitation. Est-ce qu’on arrivera à réduire de 30 % toutes nos émissions directes et indirectes d’ici à 2030 ? Du chemin reste à faire, en particulier sur nos achats de graines des États-Unis, d’Australie, d’Ukraine. Sur la partie achetée hors de France, il va falloir compenser le transport. Les solutions restent à inventer. Chaque année, Avril communiquera sur les progrès réalisés par rapport à ses engagements.
Avril promet aussi d’agir en faveur de la protection des ressources naturelles et la biodiversité, avec 100 % d’approvisionnements en palme et en soja issus de cultures durables d’ici à 2030. De quelle façon ?
En 2020, les approvisionnements du groupe étaient déjà, pour l’huile de palme, couverts à 100 % par des dispositifs de durabilité ; et concernant le soja pour la nutrition animale, issus à 36 % de filières non-OGM ou certifiés via des crédits de l’association RTRS. Nous poursuivons le travail sur nos approvisionnements en soja. Notamment, en favorisant le développement de la production française, qui est non-OGM. Et côté importations : en accompagnant des pays dans l’amélioration de leurs pratiques culturales, avec une traçabilité du soja zéro-déforestation. La France et l’Europe ne produisant pas suffisamment de protéines végétales, on est dans l’obligation d’acheter des matières premières hors du Vieux Continent pour compléter nos approvisionnements locaux. L’objectif du groupe est d’arriver en 2030 à 100 % de soja durable pour nos importations : dans un premier temps, il s’agit de s’assurer d’avoir des certificats sur les achats issus de zones à risque de déforestation, puis, de vérifier leur validité et, enfin, d’accompagner l’intégration de l’amont, d’aller voir sur place, de travailler avec le monde agricole.