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Azote : quelle stratégie d’apport en pomme de terre ?

Face à la flambée des prix et aux difficultés d’approvisionnement en fertilisants, mieux vaut augmenter l’efficience d’utilisation de l’azote et de l’engrais.

Le contexte mondial de hausse de prix de l’énergie et de complexité logistique d’approvisionnement des fertilisants a fait fortement augmenter les prix des engrais de synthèse. Dans certaines situations, on peut même observer des pénuries, avec des livraisons attendues en retard par rapport aux besoins d’apport prévisionnel. Dans ce cadre, chaque unité compte d’un point de vue économique. Ainsi, l’objectif de la stratégie à mettre en place cette année est d’augmenter l’efficience d’utilisation de l’azote de l’engrais, en maximisant la quantité d’azote absorbée par la plante par rapport à la quantité d’azote apportée avec l’engrais. Quatre groupes de leviers sont disponibles pour les agriculteurs : la dose prévisionnelle et le fractionnement, la forme d’azote et le mode d’application.
Par ailleurs, si le raisonnement autrefois était basé uniquement sur des considérations d’ordre technique, désormais il doit prendre en compte plus précisément les aspects économiques ; et des engrais de substitution aux engrais minéraux, comme les nouveaux produits organiques issus du recyclage, peuvent se révéler intéressants également dans le contexte économique actuel. Si la stratégie à adopter (cf. figure ci-dessus) peut varier en fonction des restriction budgétaire ou d’approvisionnement, des recommandations habituelles sont toujours valables.

Bien mesurer les fournitures du sol pour la dose totale prévisionnelle
Deux sources d’azote sont disponibles pour la culture au cours du cycle : l’azote minéral présent dès la plantation et l’azote potentiellement minéralisable au cours du cycle (azote issue des matières organiques du sol, des résidus du précèdent ou des cultures intermédiaires, etc.).
La mesure du stock d’azote minéral à la plantation (appelé reliquats de sortie d’hiver (RSH) ou reliquat avant plantation (RAP)) est fondamentale pour ajuster avec prévision les préconisations permettent des doses totales prévisionnelles avec la méthode du bilan. En effet, la méthode du bilan est paramétrée avec des valeurs moyennées, ne permettant pas de prendre en compte la dynamique de l’azote du précédent et de l’année en cours. Ainsi, il est fondamental dans le contexte de l’année d’estimer au plus juste la dose prévisionnelle à apporter.
L’azote potentiellement minéralisable issu dues matières organiques du sol (le poste nommé Mh, MhCi, Mhr etc. dans la méthode du bilan) est plus difficile à estimer. Il est très important d’avoir des analyses de terre à jour, pour bien prendre en compte les matières organiques du sol et les autres paramètres entrant en compte dans l’estimation (le pH, la teneur en argile, les carbonates, le rapport C/N notamment). Ensuite, il est également important de renseigner avec précision les pratiques sur les cultures intermédiaires et les précédents.
Une deuxième difficulté vient de l’adaptation aux contextes de l’année et la prévision des conditions de pluviométrie et température. Certains outils d’aide à la décision peuvent fournir une meilleure adaptation aux conditions prévisionnelles de l’année.
D’autant plus dans le contexte tendu de l’année, il est donc fortement conseillé de s’appuyer sur des logiciels d’estimation de la dose totale prévisionnelle pour profiter du meilleur de la R&D de dernières décennies. Une liste d’outils labellisé par le label «Prev’N» (Comifer et RMT Bouclage) est disponible sur le site https://comifer.asso.fr/fr/bilan-azote/labellisation-des-outils-de-calc…
Ces outils sont reconnus comme conforme à la méthode du Comifer et donc à la Directive nitrates, dans le Plan d’actions national.

Est-il possible de fractionner (et piloter) l’azote ?
L’efficacité maximale de chaque apport a encore des marges de progression possibles, avec le fractionnement et le pilotage. Les besoins de la pomme de terre sont importants entre la phase d’initiation de la tubérisation et le début de la phase de sénescence. L’absorption de l’azote en effet dépend de la vitesse de croissance. Les outils de pilotage permettent de positionner l’engrais au plus près du maximum des besoins de la plante et de sa capacité d’absorption, et donc de maximiser la quantité d’azote absorbée par la plante par rapport à la quantité d’azote apportée avec l’engrais.
Des outils sont disponibles et opérationnel pour les producteurs de pomme de terre, comme le NTester et Jubil. Ces outils nécessitent un étalon surfertilisé et ils sont pertinents en conditions irriguées, pour assurer une valorisation maximale de l’azote apporté. Ces outils de pilotage permettent d’apporter ou non, en fonction du diagnostic, une dose de 40 kgN/ha qui avait été retranchée à la dose initialement calculée. La mesure doit être effectuée entre quanrante et soixante jours après la levée (30-50 en chairs fermes). D’autres outils, basés sur de l’imagerie satellite, sont en cours de développement.

Attention aux conditions d’apport pour bien valoriser les différentes formes
Les résultats des essais démontrent une performance équivalente de la solution azotée et de l’urée solide par rapport à l’ammonitrate sur la pomme de terre de consommation. Cependant, en conditions d’expérimentation, d’une part, les apports ont été réalisés juste avant buttage, ce qui a limité fortement le risque de volatilisation ammoniacale. D’autre part, l’irrigation a permis d’assurer un bon potentiel d’absorption de la culture. Dans les situations où ces deux facteurs ne seraient pas réunis, il serait possible de constater une moindre efficacité de l’urée solide et de la solution azotée par rapport à l’ammonitrate comme on peut généralement l’observer pour d’autres cultures.
De nouvelles formes d’engrais ont été développées. Leur additif, le plus souvent du NBPT - parfois associé à une autre molécule, le NPPT - possède la propriété de ralentir l’hydrolyse de l’urée en bloquant l’action de l’uréase, l’enzyme responsable de cette transformation de l’urée en ion ammonium (NH4+). Ceci a pour effet, selon les fabricants, de limiter la volatilisation ammoniacale par rapport à l’urée granulée classique tout en permettant d’obtenir des performances agronomiques équivalentes à celles de l’ammonitrate.
Arvalis a testé sur pomme de terre le Nexen, en comparaison à la référence ammonitrate, dans plusieurs essais en sols de limons profonds de Picardie. Les apports ont été réalisés après buttage définitif pour se placer en conditions propices à la volatilisation. Dans ces essais, aucune différence significative de rendement n’apparait entre les deux formes d’azote testées, aussi bien pour le rendement total que pour le rendement en gros calibres.
Peu de différences apparaissent entre les performances des différents engrais azotés testés par Arvalis – Institut du végétal sur pomme de terre. Il est toutefois important de souligner le fait que l’ensemble des essais ont été réalisés dans des conditions favorables à une bonne valorisation des apports et donc peu propices à discriminer les produits entre eux. Le différentiel de coûts de l’unité d’azote entre produits et des considérations pratiques telles que la facilité de stockage et d’épandage en fonction du matériel disponibles devraient être des critères tout aussi déterminants dans le choix des produits que leurs performances, somme toute assez comparables.

Des effets variables de la localisation, en fonction des contextes
Les résultats d’essais montrent des choses assez hétérogènes en fonction des conditions climatiques. Des économies d’environ 20 % de la dose totale prévisionnelle sont possibles, avec un rendement qui ne diminue pas statistiquement, mais avec un nombre de tubercules plus importants, et donc, à défaut, une proportion de gros calibre plus faible. L’engrais doit être localisé 10 cm en dessous et de part et d’autre du plant, pas plus près au risque de bruler les germes. Cependant, actuellement la pratique d’apport de l’azote sur labour (ou après ouverture du labour), suivi par la plantation et ensuite le buttage (voir le planter-butter en un seul passage), permet de positionner l’azote au cœur de l’ensemble de la butte. Il s’agit donc pour ainsi dire d’une «forme de localisation». Au contraire, l’apport d’azote entre la plantation et le buttage positionne l’engrais “seulement” au sommet de la butte et non au sein de celle-ci.

Des produits organiques complémentaires aux sources minérales
Les agriculteurs qui peuvent avoir accès à des produits organiques, tels des lisiers ou des digestats, pourront compenser une partie de l’azote provenant des engrais minéraux faisant défaut, à condition d’utiliser ces produits à bon escient (voir la calculette gratuite « Fertiliser avec des produits organiques»).
Comme pour les engrais minéraux, il est impératif de réaliser les apports dans de bonnes conditions, afin de valoriser au mieux les éléments fertilisants. Les principaux conseils d’apport visent un passage avant plantation pour les produits organiques avec des fortes teneurs en azote minérale (comme les lisiers), à réaliser en conditions de portance satisfaisantes, avec un matériel d’épandage limitant les pertes par volatilisation (système d’enfouissement ou, à défaut, pendillards) tout en évitant d’intervenir lorsque les conditions sont venteuses ou avant une période chaude et sèche.

Raisonner la dose d’azote sur la base d’un optimum technico-économique
La corrélation entre dose d’azote et rendement est positive, avec un maximum de rendement autour de la dose optimale, valeur au-delà de laquelle le rendement n’augmente plus. En effet, en cas de surfertilisation azotée, le cycle de culture s’allonge en favorisant la croissance foliaire au détriment de la production de tubercules. Ainsi, la teneur en azote des organes aériens et des tubercules augmente, mais la biomasse totale est constante. Les parties aériennes continuent leur développement alors que les quantités d’azote et de de sucres remobilisés vers les tubercules n’augmentent pas. Cependant, il existe en pomme de terre une grande variabilité dans la réponse de la pomme de terre à l’azote. En effet, pour des doses totales optimales comprises entre 100 et 250 kg N/ha, l’analyse de la base de données des essais courbe de réponse à l’azote (1990-2021), montre que pour des réductions de dose comprise entre 0 et 40 kg N/ha par rapport à la dose optimale calculée a posteriori, on observe en moyenne a une baisse de rendement d’environ 1.1 t/ha, avec une variabilité de +2.6 à -6 t/ha. Cette variabilité ne dépend pas autant des variétés ou des doses totales, mais plutôt des conditions spécifiques de chaque situation.

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