Betterave : toute occasion est bonne pour parler de jaunisse
Une vingtaine de députés de la majorité présidentielle se sont absentés du programme officiel de leurs journées parlementaires à Amiens, fin de semaine dernière, pour rencontrer la CGB Somme et évoquer la protection de la betterave contre la jaunisse.
Le débat sur le projet de loi ré-autorisant temporairement l'utilisation des substances néonicotinoïdes (NNI) pour la protection de la betterave contre le puceron vert et la jaunisse promet d'être «tendu» le 5 octobre prochain. D'où vient ce sentiment ? D'une rencontre vendredi dernier entre des députés de la majorité présidentielle et de représentants de la CGB Somme et Hauts-de-France. Une vingtaine d'entre eux ont ainsi répondu à cette discussion en bout de champ, animée par leur collègue samarien Jean-Claude Leclabart. Parmi ces élus, on retrouvait l'ancien ministre de l'Agriculture et député de la Manche Stéphane Travert, Aurore Bergé pressentie un temps pour prendre la tête du groupe des députés marcheurs, des membres des commissions des affaires économiques et développement durable de l'Assemblée nationale dont sa présidente Laurence Maillart ou encore le rapporteur du projet de loi, Grégory Besson-Moreau. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que tous ne partagent pas, ni ne témoignent de la même bienveillance.
Péril d'une filière
En attendant les débats parlementaires, pour la CGB Somme et son président Dominique Fiévez, pas question de baisser la garde, même s'il s'agissait avant tout de faire de la pédagogie : «Le phénomène de la jaunisse qui touche nos parcelles cette année met en péril notre filière, et plus largement notre souveraineté alimentaire.» Cette filière, a-t-il poursuivi, c'est 400 000 hectares, 21 usines de transformation ou encore 45 000 salariés. Comment en est-on arrivé là ? Là encore, la CGB prend le temps de l'explication et remercie au passage les artisans de travaux qui ont conduit à un projet de loi et au plan d'accompagnement de la filière : «Entre 2012 et 2016, on nous a régulièrement répété que la betterave ne serait pas concernée par l'interdiction des néonicotinoïdes puisque des travaux de l'Institut technique de la betterave (ITB) ont montré qu'elle ne fleurit pas et qu'il n'y a donc pas de risque pour les pollinisateurs. Pendant cette période, les efforts de la recherche se sont donc concentrés sur d'autres sujets comme le désherbage, la richesse en sucre. Ce n'est qu'en 2016-2017 et la promulgation de la loi Biodiversité que l'on s'est remis à s'intéresser aux alternatives aux néonicotinoïdes, mais il faut un certain nombre d'années pour trouver des solutions intéressantes.»
Des garanties demandées par le législateur
Parmi les députés présents, certains plus que d'autres insistent pour obtenir un certain nombre de garanties : «Est-ce que dans trois ans, on se revoit au même endroit pour discuter de la même chose, interroge Aurore Bergé. Il n'est pas question de signer un chèque en blanc». Pour sa collègue Laurence Maillart, «le futur de la betterave, ce ne sont pas les pesticides mais la sélection variétale et le changement de pratiques agronomiques. Le législateur doit être assuré que vous explorez bien toutes les situations». Mais ce qui ressemble à un procès en faux-semblant ne passe pas aux yeux de la Chambre d'agriculture de la Somme, Françoise Crété, invitée au débat : «Les agriculteurs ont toujours su répondre à la demande de la société. Quand après-guerre, il a fallu produire en masse, nous avons su le faire. Aujourd'hui, le monde agricole continue d'évoluer et de s'adapter, mais le problème, c'est le temps que cela demande et des budgets nécessaires à la recherche qui se sont restreints. Si les pouvoirs publics veulent nous engager dans une direction, qu'ils nous donnent les moyens d'y arriver.» Député de Loire-Atlantique et ancien agriculteur bio, Yves Daniel soutiendra, quant à lui, le projet de loi : «À une situation exceptionnelle, il faut répondre par des mesures exceptionnelles», a-t-il défendu.
Communiquer avant, pendant, après
Sans s'avancer sur le résultat du vote, le rapporteur du projet de loi Grégory Besson-Moreau l'assure : «Nous avons besoin de communiquer sur le sujet, entre nous, mais aussi avec les autres. Si la dérogation est votée, il faudra que nous expliquions le pourquoi de cette décision face à des positions qui se radicalisent.» La mission de communiquer en amont du 5 octobre - c'est la date à laquelle le projet de loi sera débattu au Palais Bourbon - revient, quant à elle, à la filière betteraves entièrement mobilisée, du syndicalisme aux industriels en passant par les semenciers et la recherche. En attendant, chacun continue aussi de croiser les doigts pour que les écarts de rendements dus à la jaunisse virale ne soient pas trop importants cette année.