Brexit : les filières et les régions face à l’incertitude
Le 20 juin dernier, l’APCA avait organisé une conférence consacrée à l’impact du Brexit sur les régions et les filières. Les intervenants, qui tentent de se préparer aux différents scénarios, se sont accordés sur l’incertitude qui planait sur leurs secteurs respectifs.
«Sur le Brexit, on sait qu’on ne sait rien.» C’est en ces termes que Catherine Lalumière, présidente de la Maison de l’Europe de Paris, a résumé les débats qui se sont déroulés à l’occasion d’une conférence, organisée par l’APCA, dédiés aux conséquences du Brexit sur les régions et les filières. En effet, l’ensemble des intervenants, issus de différentes filières et de différentes régions, semblent s’accorder sur le fait que l’avenir de leurs relations commerciales avec le Royaume-Uni est encore flou, en raison de la multitude de scénarios de sortie.
Béranger Guyonnet, de la direction des affaires publiques et des relations extérieures chez Sodiaal, n’a ainsi pas masqué son appréhension sur les impacts indirects que pourrait avoir le Brexit sur la filière laitière française. Il concède cependant que la groupe n’est pas prêt. «On ne sait pas où on va», se désole-t-il. En effet, les opérateurs sont dans le «wait and see», car ils n’ont que très peu de visibilité sur les futures législations qui régiront les échanges avec le pays. Ils se préparent cependant au pire : un Brexit sans accord. «Notre sujet actuellement, c’est de savoir comment opérer avec un nouveau pays tiers, et quelles seront les règles qui vont s’appliquer ?», précise Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des exportations de vins et de spiritueux.
Anticiper les échanges avec un nouveau pays tiers
L’administration se prépare aussi à un Brexit dur. Dans ce cas, Christine Dubois, chef du bureau restriction et sécurisation des échanges à la Direction générale des douanes et droits indirects, précise que tout changera puisque l’Angleterre sortira de l’union douanière, et des règles précises et exigeantes devront s’appliquer. Pour anticiper l’augmentation du flux de travail, des recrutements ont été réalisés. Fabien Santin, de la Direction générale de l’agriculture, assure qu’ils seront suffisants.
«En matière douanière, nous sommes déjà dans un monde dématérialisé, et nous nous attachons à étendre ce principe au traitement de l’ensemble des règles applicables au franchissement des frontières», ajoute Christine Dubois. Une dématérialisation grandissante qui pourrait être en mesure de fluidifier les entrées et les sorties.
Elle enjoint également les PME et les TPE, qui exportent vers le Royaume-Uni, à se préparer administrativement à exporter vers un pays tiers en étudiant les processus et en se tournant vers les services de l’Etat. La variabilité de la livre sterling, importante depuis le vote, pénalise aussi les importateurs, ainsi que les exportateurs.
Pour la filière porcine française, par exemple, qui exporte environ 1,2 million d’euros vers le Royaume-Uni, qui est un gros importateur de produits porcins, elle pourrait avoir une incidence plus marquée que les taxes d’importations. Didier Delzescaux, directeur d’Inaporc, estime que le rétablissement des barrières douanières coûterait quatre millions d’euros à la filière porcine européenne. «Nous nous demandons encore quelle sera la meilleure stratégie face au Brexit», synthétise Maximin Charpentier, président de la Chambre régionale Grand Est et élu référent Affaires européennes et internationales.
500 M de pertes en cas de Brexit sans accord
Malgré ce flou, Thierry Pouch a tout de même présenté une simulation de ce que pourraient être les pertes par région et par filière en cas de sortie sans accord. Pour cela, il a analysé l’impact d’une augmentation des droits de douane, mais aussi le comportement des exportateurs et des acheteurs dans les deux pays. Dans ce cas, s’il précise que toutes les régions françaises seront touchées, les trois grandes perdantes seraient les Hauts-de-France, la région Grand Est et, enfin, la Nouvelle-Aquitaine, avec respectivement des pertes évaluées à 82,53 Md€, 67,07 Md€ et 64,9 Md€. Il s’agit en effet de trois régions qui exportent le plus vers l’Angleterre, respectivement, elles envoient pour 933 Md€, 715 Md€ et 692 Md€.
La filière boissons et alcools devrait, de son côté, être la plus touchée, puisqu’elle serait responsable de 40 % des pertes pour l’ensemble des produits alimentaires (des pertes estimées à 500 millions d’euros). Pourtant, Nicolas Ozanam, représentant de la filière vins et spiritueux, ne semble pas inquiet pour l’avenir de ces exportations. «Les Britanniques continueront à consommer du vin. Les opérateurs n’appréhendent pas l’avenir», insiste-t-il. Pour faire face à ce flou et à ces pertes potentielles, Claude Cochonneau, président de l’APCA, a conclu en rappelant qu’il était nécessaire d’accompagner les filières et de maintenir le budget de la Pac.