Calipso : un changement, de la continuité
Entretien avec Hubert Bray, ex-président de Calipso et son
successeur, Olivier Faict.
Un mois plus tôt, l’annonce de sa décision de passer la main à la présidence avait surpris toute l’assemblée de Calipso, et au travers de ses propos et de son intonation, on sentait toute l’émotion qu’il fallait canaliser sur le coup. Mais en ce début janvier, c’est un Hubert Bray détendu et serein qui se présentait aux côtés de son successeur Olivier Faict pour évoquer la passation de pouvoir à la présidence de la coopérative, et se projeter dans un nouveau cycle. Ils se sont prêtés, en compagnie du directeur Jean-Charles Denis, à un exercice de questions-réponses sans faux semblant ni appréhension.
Hubert Bray, votre annonce avait surpris quasiment toute l’assemblée. La décision était récente pour vous ?
H. B. : Pour moi, non. Ma décision était prise au printemps. J’ai veillé ensuite à ce que les conditions d’une succession soient bien réunies, à savoir qu’il y aurait dans le bureau des personnes en capacité d’assurer la suite. Et dans les deux semaines qui ont précédé l’assemblée, je l’ai annoncé aux vice-présidents, puis aux administrateurs, aux salariés, et aux partenaires. J’étais serein. Je savais alors que quelle que soit l’issue du vote, le conseil resterait inchangé, et qu’un président de valeur serait en place.
Quel regard portez-vous sur votre mandat ?
J’ai dit à l’assemblée qu’on avait réussi un projet ambitieux. à vrai dire, il était même un peu fou. On a réuni, il y a dix ans, quatre coopératives qui étaient voisines, partenaires, mais dont aucune n’avait de difficulté à l’époque. On a réussi à construire dans l’envie, et pas dans le besoin, et aujourd’hui, en agriculture, c’est plutôt exceptionnel. Alors, oui, on peut être modeste, mais quand j’y pense, je me dis «quand même ! on l’a fait !». Et avec le recul, il faut saluer la vision des hommes qui ont porté ce projet, car sans cette vision à l’époque, qui sait ce que serait notre paysage aujourd’hui…
Olivier Faict, quelle a été la motivation de votre candidature ?
J’ai toujours abordé notre métier d’agriculteur dans une dimension collective. J’ai eu et j’ai des mandats syndicaux, consulaires, je suis administrateur de coopérative depuis 1993, et je l’ai accompagnée dans son évolution jusqu’au sein de Calispo. [Il en est même un membre fondateur, et vice-président depuis la création, coupe Hubert Bray]. J’ai toujours exprimé mon souhait et ma disponibilité pour être artisan au plus haut point de cette aventure, pour poursuivre une construction territoriale forte pour Calipso. Le Conseil m’a accordé ma confiance, et je l’en remercie tant pour moi que pour les vice-présidents que sont Frédéric Duval et Jean-Charles Martel.
Précisément, comment allez-vous gérer ces mandats ?
D’abord, j’entends parfois qu’ils seraient incompatibles… Heureusement que non. Que ce soit le syndicalisme ou la coopération, il y a de l’ADN commun à tout ça, à savoir, une approche collective d’un but commun. De surcroît, c’est aussi bien de se confronter aussi à d’autres acteurs du monde rural, et d’être ouvert à ce qui se passe hors de nos murs. Et en pratique, jusqu’à présent, on ne peut pas dire que mon engagement dans une structure a souffert en disponibilité physique ou intellectuelle des autres. Cependant, la fonction de président modifie les questions de priorités et de disponibilité et en candidatant, j’ai fait le choix de passer la main aussi dans plusieurs autres fonctions, notamment pour les dossiers que je suivais spécifiquement à la FDSEA. Au niveau de la chambre d’agriculture, je vais peut-être garder un lien actif sur les questions environnementales. Hubert nous a un peu pris de court il y a quelques semaines et il m’en faut autant pour passer le témoin, mais ce sera fait sous peu.
Le changement de président implique-t-il un changement de cap ?
O. F. : Un changement de cap, non ! Nous avons eu deux séminaires importants dans la vie de Calipso : un au départ, et un autre il y a deux ans pour préparer la succession du tandem président-directeur dont on savait qu’elle allait se faire sur un pas de temps rapproché. Nous avions fait des choix clairs d’autonomie, de projet, de territoire. Nous garderons ce cap, tout en intégrant les évolutions de notre secteur d’activité, de nos métiers ou de notre environnement. Calipso ne doit pas fermer les yeux sur les mutations de nos métiers, et se doit d’être toujours vecteur de solutions pour ses adhérents.
H. B. : Il y a eu un temps où réussir Calipso était le projet, et maintenant, on se doit de réussir les projets de Calipso. Un changement de président, c’est forcément une patte et une sensibilité différentes, mais pas un projet différent. C’est une autre empreinte sur un même chemin.
Vous parlez des mutations, et le modèle coopératif est souvent sous le feu des projecteurs, parfois adulé, parfois décrié. Comment envisagez-vous l’avenir ?
O. F. : Nous nous devons d’être à l’écoute et à l’affût. Notre taille nous interdit de porter seul ou en leader des projets de massification, mais pas d’y prendre part si cela a du sens et de la valeur ajoutée pour nos adhérents. à l’inverse, grâce à notre proximité, nous devons être à l’écoute et force de construction ou de soutien pour des projets émergents des adhérents sur les territoires, au sein de Calipso ou en partenariat sur le territoire.
Comment allez-vous organiser cette réflexion ?
O. F. : Au cours des prochains mois, avec le directeur Jean-Charles Denis, ses équipes et les administrateurs, nous allons organiser des rencontres de proximité avec les équipes de Calipso et les adhérents. Ce sera l’occasion de mieux se connaître et de discuter autour des axes de progrès possibles, des innovations dans les outils d’aide à la décision ou les pratiques culturales, dans les évolutions des filières sur le territoire et de l’appui possible que Calipso peut apporter à chacune d’entre elles. C’est aussi un axe à travailler avec les adhérents qui fourmillent d’idée pour l’avenir. Nous devons catalyser ces réflexions qui dicteront les évolutions futures de Calipso. Ce faisant, nous devons aussi solidifier une génération «purement Calipso», qui fera de Calipso l’outil qu’elle le souhaite et dont elle aura besoin et envie.