Carbone : chacun veut vendre sa part
La dernière session de la Chambre d’agriculture régionale des Hauts-de-France s’est tenue en présence de plusieurs experts
du carbone afin d’aider l’organisation consulaire à bâtir un plan d’action sur le sujet.
La dernière session de la Chambre d’agriculture régionale des Hauts-de-France s’est tenue en présence de plusieurs experts
du carbone afin d’aider l’organisation consulaire à bâtir un plan d’action sur le sujet.
Avec le carbone capté par l’agriculture et les crédits qui vont avec, c’est un peu «chacun veut vendre sa part», y compris la Chambre régionale d’agriculture des Hauts-de-France. Son président, Olivier Dauger, le reconnaissant volontiers à l’issue de la session qui s’est tenue le 18 juin dernier : celle-ci avait d’abord une vertu pédagogique. Quant au thème retenu, il ne pouvait pas plus «coller» à l’actualité puisqu’il s’agissait du carbone au sens large, de l’intérêt de la capter à sa conservation en passant par son financement. Pour expliquer aux élus de la chambre d’agriculture la complexité du carbone, qu’il s’agisse d’émission ou de captation dans les sols, la manière de profiter de crédits carbone ou ses impacts sur l’environnement, plusieurs experts se sont succédés : Paul Luu, secrétaire exécutif du programme «4 pour 1000», Michel-Pierre Faucon, directeur de recherche d’UniLaSalle Beauvais et Bastien Sachet, représentant d’Earthworm Foundation.
Des efforts pour des résultats progressifs
Pour le premier d’entre eux, Paul Luu, «c’est en captant un maximum de carbone dans le sol que l’on pourra atténuer le changement climatique». Et celui-ci de citer d’autres avantages : «Quand on séquestre du carbone, on améliore le taux de matière organique du sol et on le rend aussi moins sensible à l’érosion». A ce titre, l’agroécologie peut-elle y contribuer ? «C’est l’un des outils à disposition», répond M. Luu. Michel-Pierre Faucon souligne, pour sa part, que l’élevage joue aussi un rôle en matière de carbone, autant comme source d’émissions que comme moyen de le capter, grâce notamment aux prairies et surfaces fourragères. Bastien Sachet rappelle enfin que «c’est au fur à mesure que les pratiques vont évoluer que l’effet positif sur les émissions de carbone va se voir».
Pour avancer sur le sujet, il est toutefois évident qu’une expertise sera à développer, comme l’a souligné Pierre Hannebique : «Il y a une transition à faire, mais celle-ci ne doit pas remettre en cause notre productivité. Les agriculteurs ne s’engageront dans la transition que s’ils ne perdent pas leur capacité à nourrir le monde.» Vice-présidente du Conseil régional des Hauts-de-France en charge de l’agriculture, Marie-Sophie Lesne s’est dit prête «à financer des diagnostics agroécologiques dans chaque exploitation pour savoir où sont les efforts à faire».
«Le carbone ne doit pas être un miroir aux alouettes, a toutefois défendu de son côté Bruno Haas. La première chose à faire, c’est d’engager les agriculteurs dans des processus de captation. La prochaine étape, ce sera de s’associer à des partenaires qui le valoriseront et en feront profiter les agriculteurs.» La certification HVE et son niveau d’exigence élevé sans qu’elle ne soit forcément synonyme de valeur ajoutée supplémentaire a du mal à être acceptée.
Un marché bien présent
En ce qui concerne le carbone, l’opportunité est d’autant plus grande qu’à l’échelle de la région Hauts-de-France, un certain nombre d’entreprises seraient d’ores et déjà en quête de crédits carbone à acheter. Du secteur agroalimentaire, mais pas seulement, à en croire Olivier Dauger qui entretient des échanges réguliers sur le sujet avec le président de la mission Rev3, Philippe Vasseur et le président de la CCI Hauts-de-France, Philippe Hourdain. «Ces entreprises, dit-il, ont envie d’acheter du carbone, mais elles ne veulent pas avoir à le faire au Sri Lanka.» Convaincu que le marché du croissant connaîtra une positive dans les années à venir, Olivier Dauger veut que la Chambre d’agriculture régionale soit en capacité d’en être un acteur. Mais déjà, dans l’assemblée, certains élus pointent l’urgence, à l’image de Luc Smessaert : «Plusieurs filières se sont déjà accaparé le sujet, souligne-t-il. Les entreprises qui font déjà des bilans carbone capitalisent sur le sujet sans aucun retour pour les agriculteurs et ce n’est pas normal.» Pour Jean-Yves Bricout, il faut néanmoins ne pas confondre vitesse et précipitation :
«On ne peut pas se contenter que du carbone. On doit pouvoir valoriser la contribution positive globale de l’agriculture à l’environnement mais, pour cela, il ne faut pas aller trop en brabant du carbone au premier venu.» Françoise Crété craint, quant à elle, que sans structuration d’une démarche collective propre aux agriculteurs, «la valeur ajoutée ne nous profitera pas. Nous avons besoin d’une organisation régionale qui permette d’identifier le plus que nous apportons». «Ce que nous proposerons devra être complémentaire à ce qui existe déjà, sans opposition, a ainsi déclaré Olivier Dauger. Ce sera un outil parmi d’autres.»