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Céréales : des charges de structure bien encombrantes

Depuis 2018, le groupe de négoce Carré réalise un suivi des coûts de production chez plusieurs de ses clients agriculteurs pour les comparer à une moyenne régionale et proposer des pistes d’optimisation des itinéraires techniques. 

Pour un échantillon de producteurs suivis par le groupe Carré, les charges de structure se montent à 1 098 €/ha en 2021.
Pour un échantillon de producteurs suivis par le groupe Carré, les charges de structure se montent à 1 098 €/ha en 2021.
© Alix Penichou

Elles sont là et, comme une rage de dents, il est difficile de s’en débarrasser sans traitement, ce qui induit une remise à plat du fonctionnement de l’exploitation et de connaître les différents postes qui les composent. Elles, ce sont les charges de structure qui pèsent pour 2/3 du coût de production d’une tonne de blé dans un système «céréales» selon l’étude conduite par le groupe Carré à partir des résultats d’un groupe d’agriculteurs. Selon cette étude que le négociant présentait le 30 septembre dernier, les charges de structure se montent en effet chez eux à 1 098 €/ha en 2021 quand les charges opérationnelles se montent à 521,30 €/ha. La marge brute atteint 1 154 €/ha tenant compte d’un coût de production de 146 €/t et d’un rendement moyen de 88 qx. À titre de comparaison, en système «polycultures», les charges de structure oscillent entre 1 500 et 2 000 €/ha. 

 

Dates de semis et choix variétal

Pour espérer «écraser» le niveau de ces charges, le meilleur moyen reste, selon le responsable de la Ferme Pilote du groupe Carré, Philippe Touchais, «d’aller chercher le meilleur rendement possible». À quelles conditions et à quel prix ? C’est ce que l’étude des chiffres des agriculteurs du groupe «experts céréales» permet d’aborder, avant d’en rendre compte aux agriculteurs qui participent à ce suivi. Rendement, qualité, marge brute ou encore IFT ont été passés au crible. En ce qui concerne la date de semis, l’année 2021 a ainsi rappelé une fois encore que «rien ne sert de courir, il faut semer à point», relève Philippe Touchais. La période la plus favorable reste en effet le pas de temps compris entre le 15 et le 30 octobre. A contrario, semer précocement va influencer le désherbage, conduit à augmenter la protection fongicide et insecticides et l’utilisation des régulateurs. Autre paramètre à prendre en compte, celui du choix variétal : «Choisir une variété productive est quand même un levier pour faire baisser les coûts de production», rappelle Philippe Touchais.

 

Quid de l’amendement organique ? 

Bien que l’azote soit un élément incontournable d’un itinéraire technique réussi en culture de blé, 2021 a généré chez certains utilisateurs une forme de frustration : «Compte tenu d’un potentiel de rendement élevé, certains agriculteurs ont eu tendance à forcer sur l’azote, constate ainsi le responsable de la Ferme Pilote Carré. Mais c’est la première fois que le résultat n’a pas été au rendez-vous».  Alors que l’on constate un effet «dépréciatif» de l’azote sur les performances en 2021, se pose en même temps la question du rôle de l’amendement organique. Pour Philippe Touchais, «globalement, avec l’amendement organique, on a une triple performance, même s’il coûte cher à utiliser (…) C’est dans les tous cas un levier dont l’intérêt se confirme chaque année en réduisant le coût du poste phytosanitaires». Selon les experts du groupe Carré, l’amendement organique permet, en effet, «à court terme, de limiter le poste engrais minéraux et oligos» et «à long terme, d’augmenter la fertilité du sol». S’il n’existe à ce jour aucun essai pour confirmer (ou pas) ce lien, force est de constater que «les agriculteurs qui utilisent des amendements organiques sont ceux qui maîtrisent le mieux le poste phytos». 

 

Des OAD de plus en plus présents

Enfin, de plus en plus présents, les outils d’aide à la décision (OAD) montrent cette année encore qu’ils ont un rôle déterminant à jouer : «Ils permettent d’améliorer le rendement, le coût de production et l’IFT», résume le responsable de la Ferme-pilote du groupe Carré. Le gain sur marge brute est estimé à 135 € à l’hectare au bénéfice d’un agriculteur qui utilise au moins deux OAD par rapport à un agriculteur qui n’en utilise pas. S’il n’existe pas de corrélation entre l’IFT et le rendement, on constate toutefois que les profils d’exploitation ayant des IFT élevés sont ceux où la marge brute à l’hectare est la moins bonne. Pour Philippe Touchais, l’OAD «est un levier qui ne coûte finalement pas si cher, mais il faut encore qu’il entre dans les mœurs». En matière de gestion de l’azote par exemple, l’utilisation d’un OAD est d’autant plus pertinente que son prix flambe : «L’OAD permet d’y voir plus clair, même s’il ne fait pas tout, assure-t-on au groupe Carré. Ce n’est pas l’OAD qui fait le gain, mais on voit quand même depuis plusieurs années que ce sont les agriculteurs qui les utilisent qui ont les meilleures performances…» Alors simple coïncidence ou effet réel, au groupe Carré, on a sa petite idée sur le sujet, au point de vanter leur utilisation y compris dans le cadre des démarches vers la certification HVE de niveau 3.

 

Un contexte «favorable» à la commercialisation des céréales 

Responsable «céréales» du groupe Carré, Jean Deray estime que le contexte commercial est actuellement «favorable à très favorable» pour les ventes de céréales. Pour l’expert, «on est en train de retrouver les niveaux de prix que l’on a connu en 2007, 2010 et 2012». Pour expliquer cette tendance, il faut s’intéresser à la production mondiale que l’on annonce en baisse, «en dessous de l’an dernier, avec des accidents climatiques qui ont touché l’hémisphère nord», explique M. Deray. Ainsi, seule la zone «Europe» fait mieux que l’an dernier avec une production en hausse de 14,7 millions de tonnes. Dans l’hémisphère sud, en revanche, «les récoltes s’annoncent bonnes en Australie comme en Argentine», ce qui devrait en conséquence «amener de la marchandise sur le marché mondial à partir de décembre ou janvier». D’une manière générale, «l’offre mondiale est quand même moins importante alors que la demande est présente, notamment au Moyen-Orient et sur le continent asiatique». Sur le marché intérieur, la consommation de céréales pour l’alimentation du bétail reste «à un bon niveau». Une fois mis bout à bout ces différents paramètres, on estime du côté du groupe Carré que les niveaux de stocks mondiaux devraient être «très bas».
«Depuis deux-trois ans, on tape dans les stocks et cela profite aux prix», constate Jean Deray. Pour encore combien de temps ? «C’est la question que nous nous posons tous. Le marché devrait être porteur pendant encore un an ou deux. D’ici décembre, il n’y aura pas de baisse», indique le responsable «céréales» du groupe Carré. Et ensuite ? «Après le début de l’année 2022, il y a deux scénarios possibles. Soit le blé reste autour de 270-280 , soit il baisse pour atteindre 220 . Il faudra être attentif et prudent pour la deuxième partie de campagne. Viser 250-260 , c’est déjà bien. Il ne faut pas être trop gourmand…»  
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