Comment développer de la compétitivité de la Ferme Somme
L’année 2015 a connu d’excellents rendements, avec des prix en baisse et une légère diminution des intrants, ce qui explique un excédent brut d’exploitation moyen.
Comme l’ont rappelé les conseillers experts du CER, lors de l’assemblée générale du 26 janvier dernier, la récolte 2015 est synonyme de bons rendements dans la plupart des productions, associé à une bonne qualité, mais la chute des prix, notamment en lait, n’arrange pas les choses. Les charges proportionnelles sont moins élevées et les charges fixes ont stagné, le tout dans un contexte économique globalement difficile. Une année moyenne en sorte.
Les experts ont axé leurs analyses sur quatre productions : blé, lait, betteraves et fécule.
Le blé, c’est 200 € de plus de marge brute que l’an dernier, mais 90 € de moins sur la dernière période quinquennale. Ce sont les bons rendements qui ont amélioré cette marge.
Le lait, lui, a connu une chute brutale, c’est 50 € de moins les 1 000 litres. Pourtant, la consommation augmente de 2 %, mais cela n’a pas suffi. Cette forte baisse provient du ralentissement des pays asiatiques et de l’embargo russe. Par contre, le coût alimentaire a baissé de 10 %, ce qui représente une baisse de 8 € de moins pour passer de 155 à 147 €. La marge brute ainsi dégagée, arrive à 172 € contre 163 € en 2009, tout en sachant que la moyenne quinquennale est à 200 €.
La betterave a connu au cours de cette campagne, une baisse de l’utilisation des produits phytosanitaires suite à une moins forte pression des maladies. On constate que le prix de 25 € est légèrement en baisse. Si on se réfère à la moyenne quinquennale, la moyenne est de 1 870 € de marge brute, alors que cette année elle arrive tout juste à 1 400 €.
En fécule, le rendement décroche cette année, il est de 49 tonnes, avec des variantes allant de 25 à 30 tonnes à plus de 60 tonnes. Habituellement, le rendement moyen est de 52/53 tonnes à l’hectare. Bonne nouvelle, le prix augmente, il passe de 56 à 59 € tonne grâce au stockage et au transport. La fécule bénéficie encore d’une aide couplée de 89 €, beaucoup moins importante qu’en 2014.
En termes de résultat, pour 2015, l’excédent brut d’exploitation de la Ferme Somme a augmenté de 30 000 €, par rapport à l’an dernier, pour un montant moyen d’EBE de 667 €. Si on se réfère à la moyenne quinquennale, il est de 820 € à l’hectare. Autre fait marquant, les prélèvements privés ont été moins importants qu’à l’habitude et les annuités liées aux investissements ont stagnées. C’est vrai, au cours des cinq dernières années, quatre ont été plutôt bonnes : 2010, 2011, 2012 et 2013 et les revenus dégagés ont incité la plupart des exploitants à investir afin de limiter les impacts fiscaux et sociaux. D’autre part, le fonds de roulement s’est dégradé à grande vitesse, chose qui n’avait pas été vu depuis plusieurs années. Cette baisse de fonds de roulement se chiffre à plus de 12 000 € en moyenne, alors qu’en 2014, elle était de 51 000 €.
Les indicateurs financiers sont mauvais
Les experts constatent un niveau d’annuités trop élevé. Cette hausse de 18 % qui s’est opérée entre 2010 et 2015, engendre des ratios financiers hors du commun. En termes d’annuités, le ratio pour la Ferme Somme est de 67 % en moyenne contre un objectif à maintenir de 40 à 45 %, quasiment plus de 50 %. En ce qui concerne, le taux d’endettement, il est de 65 %, alors que l’objectif à atteindre est de 50 %. Et pour finir, le ratio de fonds de roulement sur charges est de 43 % cette année, alors que l’objectif normal devrait se situer autour de 60 %. Ce qui est le plus inquiétant, dans ces ratios financiers, c’est le montant des annuités. Déjà, au cours de l’année 2015, on a pu constater que les investissements ont augmenté de 9 %. A cela, Christian Boddaert, expert à Cerfrance Somme, souligne «que 2016 devrait être une année blanche en termes d’investissement.» Les exploitants ont perdu leurs repères depuis plusieurs années, notamment en raison de ces bonnes années qu’ils viennent de vivre. Comme l’a encore souligné Christian Boddaert, «il y a un certain nombre d’agriculteurs qui bouclent 2015 très positivement.»
Quelques perspectives pour 2016
2016 sera aux dires des experts, dans un contexte baissier du prix du lait, avec une légère hausse du prix des céréales et des oléo-protéagineux. Les cours du pétrole, la baisse du prix des aliments, de l’engrais et la diminution des charges sociales viendront limiter l’augmentation des charges.
Phase de mutation
Comme le dit Xavier Descamps, expert au Cerfrance Somme, le profil des installations a bouger auprès des jeunes agriculteurs «souvent, ces jeunes sans formation agricole choisissent de revenir sur l’exploitation. Ils ont de vrais projets et sont beaucoup plus impliqués dans l’élaboration de leur prévisionnel. Ils bâtissent des choses et savent défendent leurs projets auprès des banques».
En 2012, l’appel à projets avec l’appui du conseil régional a permis d’accompagner 50 jeunes dans leur projet aussi divers que variés, que ce soit du maraîchage, des circuits courts, de la production de viande,… une agriculture plus plurielle.
Les enjeux de l’évolution
Cette baisse de rentabilité, la situation financière qui se dégrade, comme l’a rappelé Sébastien Daguenet, expert au Cerfrance Somme, «les agriculteurs ont une perte de plaisir dans leur métier» et «malgré une concurrence permanente, ils ont beaucoup d’atouts, ils doivent nécessairement retrouver de la compétitivité, c’est-à-dire avoir une capacité à conquérir des parts de marché et à savoir les conserver». Deux axes se dégagent : être compétitif, savoir diminuer ses coûts pour dégager de la rentabilité et se différencier pour apporter un avantage pour le client, par exemple en faisant du blé à fort taux de protéine.
Faire un pilotage au quotidien
Quand on vient de passer une année comme celle-ci, et celle de l’an dernier, c’est qu’on s’aperçoit que le budget prévisionnel, est très important, voir indispensable. Bien entendu, comme le rappelle Christian Boddaert, expert à Cerfrance Somme, «piloter son exploitation avec un budget prévisionnel est personnel, le faire c’est primordial, le suivre c’est aussi important, il faut savoir le corriger et l’ajuster» et «il faut augmenter en précision et en rigueur, notamment connaître et anticiper ses coûts et ses prix de revient.» Pour le lait, il est nécessaire de calculer sa marge brute tous les mois. Ce budget permet d’assurer une bonne crédibilité vis-à-vis de son banquier et on doit se donner l’objectif d’atteindre l’équilibre financier annuel. Dans le cas contraire, il faudra identifier les moyens d’actions dont vous disposez.