Comptes de l’agriculture : le tour des filières
Selon les derniers chiffres de l’Insee, l’année 2018 a été marquée par des récoltes souvent en berne, à l’exception notable du vin.
Côté grandes cultures, la production de céréales augmente en valeur de 3,7 %, malgré des rendements décevants, grâce au raffermissement des cours. Son volume diminue (- 8,4 %) pour l’ensemble des cultures, influencé par une météo exceptionnellement pluvieuse durant l’hiver et le printemps avant des conditions chaudes et surtout très sèches. Le blé s’affiche ainsi à - 7 %, le maïs à - 11,4 %, l’orge à - 7,4 %. Côté prix, une certaine embellie (+ 13,2 %) est constatée. La très bonne qualité de la récolte de blé tendre et un recul de l’offre mondiale influencent favorablement les cotations (+ 13,7 %), également en hausse pour le maïs (+ 11,3 %) et l’orge (+ 18,6 %).
La valeur de la production d’oléagineux chute (- 10,9 %) sous l’effet des volumes (- 10 %), en baisse pour le colza (- 7,3 %), malgré une sole plus élevée (+ 15,3 %), et encore davantage en tournesol (- 20,1 %), à la fois pénalisé en surfaces et en rendements. Les prix baissent pour la troisième année consécutive (- 1 %). La production de betteraves chute en valeur de 24,3 %, tant sous l’effet des volumes (- 11 %) que des prix (- 15 %). Concernant les pommes de terre, la valeur de la production augmente (+ 39,8 %), tirée par un rebond des prix (+ 52,9 %) après la forte baisse de 2017 (- 25,8 %). Elle diminue en volume (- 8,6 %), les rendements étant affectés par la sécheresse.
Vin : une bonne vendange en 2018
Si les productions végétales ont continué d’augmenter en volume, c’est «uniquement par le rebond de la production de vin», note l’Insee. En 2018, la valeur de la production française de vin s’est redressée de 29,7 %. Il faut y voir avant tout l’effet de la bonne vendange de 2018. Celle-ci a progressé de 28,7 %. Cette forte hausse s’explique par une récolte exceptionnelle, supérieure de 6 % à la moyenne des cinq dernières années, après deux années de baisse marquée.
Si les prix du vin à la production ont peu varié (+ 0,8 %), c’est parce que la hausse des volumes produits est venue compenser les faibles disponibilités de fin de campagne 2017.
Fruits : printemps pourri, été salutaire
En fruits, la France a globalement été au diapason de l’Europe. En raison d’intempéries au printemps (gelées, pluies, gels durant la floraison), les récoltes de fruits 2018 ont été, pour la plupart, historiquement basses dans l’hexagone (- 4,9 % en volumes), mais elles ont été le plus souvent compensées par des prix en hausse (+ 6,2 %), notamment grâce aux fortes températures de l’été, qui ont dopé la consommation de fruits d’été. Le chiffre d’affaires est donc stable (+ 1,1 %).
Seuls les raisins et les noix ont fait exception aux récoltes en berne. Et seules les cerises n’ont pas vu leurs volumes, «parmi les plus faibles depuis dix ans», compensés par les prix, notamment parce que les récoltes étaient en hausse en Allemagne et en Turquie. En pommes, abricots, pêches et poires, les baisses de production ont été compensées par des prix élevés. Les prix des fruits de la pêche et de l’abricot ont notamment été boostés par un été caniculaire, le deuxième le plus chaud depuis 1900.
Légumes : double peine pour la tomate
Le scénario a été presque similaire dans les légumes. Mais au printemps pluvieux et peu lumineux se sont ajoutées une sécheresse et une canicule estivales, qui ont grevé les volumes de nombreuses productions (- 4,2 %), comme les laitues, les carottes ou les courgettes. Les prix ont été le plus souvent au rendez-vous, notamment en oignons (+ 52 %), en carottes (+ 47 %) et en concombres (+ 23 %). Si bien que le chiffre d’affaires est globalement en légère hausse (+ 3,7 %).
Le cas de la tomate est à part, car elle a subi la double peine des prix et des volumes : la récolte est en chute, pour la seconde année consécutive (- 11,7 %), à cause des conditions climatiques et de calibres plus petits, moins productifs à l’hectare. Et les prix sont également en chute : - 1 2 % sur 2017 et - 5 % par rapport à la moyenne 2013-2017 ; la tomate a été placée en crise conjoncturelle du 10 au 27 août. Les importations ont été particulièrement soutenues en provenance de l’Espagne.
Le porc en crise, les canards de retour
2018, c’était avant que les marchés internationaux ne ressentent les effets de la peste porcine africaine (PPA) en Chine. Les prix du porc étaient en berne (- 11,9 %), et les volumes stables (+ 1,1 %). Chez les ruminants, les marchés des gros bovins (+ 1,1 % en chiffre d’affaires), des veaux (+ 1,8 %) et des ovins caprins (+ 3,6 % de chiffre d’affaires) sont restés relativement stables. Seuls les volumes de gros bovins étaient orientés à la baisse (- 1,2 %), ce qui suscite l’inquiétude de la Fédération nationale bovine (FNB). La filière bovine a toutefois commencé à exporter vers la Chine depuis octobre.
La production de volaille est en hausse, essentiellement par le fait du retour de la production de palmipèdes après la crise de l’influenza aviaire. De son côté, la production d’œufs est en baisse, en volumes (- 3,2 %) et en prix (- 2,8 %), après la formidable flambée des prix causée par la crise du fipronil en 2017 (+ 26,8 %).
Légère progression en lait tirée par le prix
En lait, la valeur de la production (incluant les transformations à la ferme) augmente légèrement en 2018, de 0,8 %. Elle atteint 9,5 milliards d’euros. La sécheresse a contraint les éleveurs laitiers à réduire leur production, qui recule de 0,3 % sur l’année.
Mais le contexte de rééquilibrage des marchés en fin d’année, avec notamment la résorption des stocks d’intervention de poudre, a permis au prix de progresser de 1,1 % en 2018. Un chiffre réévalué à la hausse alors que les résultats prévisionnels publiés en décembre 2018 anticipaient une hausse des prix de 0,6 % seulement. Et si le lait donne l’exemple des Etats généraux de l’alimentation avec de nombreux accords de revalorisation du prix payé aux éleveurs signés, ils ne pourront porter leurs fruits qu’à partir de 2019.