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Continuer à travailler durablement dans les campagnes

Dans l’application de la loi EGAlim, et pour contrer les initiatives d’interdictions de certaines collectivités, la profession se mobilise pour établir un consensus d’usages entre riverains, collectivités et agriculteurs. La démarche se veut volontaire, ouverte, et réciproque.

À partir du 1er janvier 2020, dans l’application de la loi Egalim, chaque département devra être doté d’une charte locale fixant des mesures de protection à l’égard des riverains en matière d’usage de produits phytosanitaires. À défaut, l’autorité administrative pourra contraindre l’utilisation de produits phytosanitaires à proximité des zones habitées. À l’heure actuelle, de nombreux départements ont commencé à travailler sur ce dispositif, mais peu de chartes sont signées à l’heure actuelle. Dans la Somme, le conseil d’administration de la FDSEA s’est engagé dans cette démarche début juin, et a entrepris de rédiger des propositions simples, concrètes et applicables en partenariat avec la chambre d’agriculture.

Un projet de décret controversé
Faute d’accords locaux suffisants, le ministère de l’Agriculture a commencé à émettre l’hypothèse d’un décret type très contraignant et même, par certains aspects, inapplicable : ainsi, dans les premières lignes ayant fuité, les agriculteurs voisins de zones habitées pourraient avoir l’obligation de prévenir les voisins douze heures avant leur intervention, une limitation des jours et heures d’épandage, mais encore une interdiction de traiter à une certaine distance des habitations. Des règles incompatibles avec l’activité agricole, qui reviendraient un sacrifice supplémentaire de terres agricoles et une perte conséquente pour les agriculteurs concernés. La profession agricole refuse d’un bloc ces hypothèses, mais, consciente de la demande sociétale, souhaite apporter une réponse transparente et applicable sur ses pratiques.

La charte doit être concertée
C’est ainsi que la Fdsea a entrepris de rédiger avec la chambre d’agriculture un projet de «charte de bon voisinage dans l’espace rural», avec plusieurs objectifs en ligne de mire : rappeler les cadres légaux auxquels sont d’ores et déjà soumis les agriculteurs, proposer des solutions efficaces dans la protection et l’agrément des riverains sans pour autant sacrifier inutilement l’activité agricole, proposer un donnant-donnant de bonnes pratiques, et prévenir les conflits d’usage dans le futur. Cette charte a pour vocation de mettre tout le monde autour de la table pour gérer des problématiques locales dans un esprit de conciliation des activités économiques, de loisirs et tout simplement de bien vivre ensemble. Elle a d’ores et déjà été travaillée avec les parties prenantes : l’Etat, au travers de la DDTM représentant la préfète, le conseil départemental et l’Association des maires de la Somme, avec la prise en compte de leurs attentes respectives. «Cette charte se veut universelle. Elle concerne tous les agriculteurs du département. À mes yeux, elle permet de remettre les choses au clair sur notre métier, souvent décrié par la société, et ce simplement par méconnaissance. Et nous savons bien où l’ignorance peut parfois mener. L’agriculture est une activité économique et chacun ne doit pas l’oublier dans ses engagements et ses actes. Elle permet de faire vivre nos villages, nos territoires à travers son ancrage social», précise Denis Bully, président de la FDSEA de la Somme. Pour Françoise Crété, présidente de la chambre d’agriculture : «La charte de bon voisinage est une bonne initiative et nous devons tous, acteurs du monde rural, y adhérer. Elle permet de mettre en avant nos pratiques respectueuses de la réglementation et de nos territoires. Notre métier est bien trop souvent méconnu, alors qu’il est une pierre angulaire de l’économie de nos campagnes. Il nous faut donc l’expliquer tout en étant fiers de ce que nous faisons».

Les grandes lignes
Dans sa rédaction, elle comporte en premier lieu un rappel de la réglementation régissant l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (certiphyto, contrôle pulvérisateur, protection des lieux sensibles, prises en compte des données météorologiques…), puis dans un second temps les engagements réciproques des agriculteurs, des élus locaux et des riverains. Pour les agriculteurs, elle met en avant les choix techniques et agronomiques pour l’application de produits phytosanitaires à proximité des zones habitées, par les préférences de créneaux d’intervention, par l’utilisation de buses anti-dérive ou d’adjuvants. Outre les phytosanitaires, qui sont un sujet parmi d’autres, elle met également en avant les bonnes pratiques en matière d’élevage ou d’épandage, notamment pour prendre en compte les impacts olfactifs pour les riverains liés aux dépôts ou aux épandages. Concernant les élus et les collectivités locales, la charte les engage, par exemple, à éviter dans le cadre de leurs documents d’urbanisme un étalement excessif des habitations, à instaurer, pour les nouvelles constructions en limite de parcelles agricoles, un aménagement de protection comme une haie et, d’une manière générale, à prendre en compte dans les aménagements fonciers une zone de rupture entre la partie habitée et la partie cultivée, tels que les tours de ville d’antan. Elle vise aussi à préférer des limitations de vitesse sur les chemins plutôt que des interdictions, notamment pour le transport de betteraves ou de pommes de terre. On y trouve enfin des engagements concernant les riverains, par exemple respecter le droit de propriété (autrement dit, pas d’intrusion sans autorisation, que ce soit dans les parcelles ou les corps de ferme). Une attention est aussi portée sur les animaux domestiques en divagation qui peuvent effrayer les animaux d’élevage. Enfin, pour informer les riverains des applications phytosanitaires à venir, la profession a proposé d’accroître la diffusion des bulletins de santé du végétal à l’ensemble des concitoyens via les mairies pour, d’un côté, alerter de la situation sanitaire des parcelles et expliquer les interventions possibles ou probables, mais, de l’autre, apporter aussi cette information pour les espaces verts, les arbres et les potagers.

Pour une signature rapide à présent
Maintenant que le travail de rédaction, de présentation, de partage et d’amélioration a été conduit avec l’ensemble des parties prenantes, la FDSEA, les JA et la chambre d’agriculture ont proposé à leurs interlocuteurs de procéder au plus vite à la signature, et ce dès la rentrée. En effet, la démarche d’appropriation prendra du temps, des explications locales et, à l’heure actuelle, le discours ambiant, sont davantage à laisser croire que la profession et l’administration locale ne font rien et qu’il faut légiférer durement. Les initiatives de certaines collectivités pour poser des interdictions d’utilisation de phytosanitaires commencent à voir le jour, et ces démarches pourraient se multiplier sans un cadre apaisé et constructif. La charte pourra alors également être ratifiée par l’ensemble des associations ou organisations professionnelles qui souhaiteront en être les soutiens et les promoteurs.

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