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Contrat Saint Louis Sucre : «c’est du grand n’importe quoi !»

Le 15 avril, l’ASBS a invité les betteraviers de Saint Louis Sucre à une réunion d’information sur la contractualisation proposée par l’industriel pour 2017.

Les 120 planteurs de Saint Louis Sucre, présents à la réunion d’information organisée par l’ASBS, ce 15 avril, à Hangest-
en-Santerre, ont voté à l’unanimité la proposition du syndicat de ne pas, entre autres, souscrire des volumes additionnels.
Les 120 planteurs de Saint Louis Sucre, présents à la réunion d’information organisée par l’ASBS, ce 15 avril, à Hangest-
en-Santerre, ont voté à l’unanimité la proposition du syndicat de ne pas, entre autres, souscrire des volumes additionnels.
© AAP


Maladresse due à la précipitation de Saint Louis Sucre (qui appartient à Südzucker) dans sa course aux hectares ou volonté de l’industriel de faire toujours plus de marges ? Quoi qu’il en soit, il y a le feu au lac depuis. En cause : l’enquête envoyée par Saint Louis Sucre aux planteurs dans le cadre de la contractualisation de leurs betteraves pour 2017.
Rappel des faits. Dans cette en­quête, le groupe sucrier propose une grille de prix des betteraves en fonction du prix du sucre, incluant une garantie de valorisation des pulpes de 2 €/t de betterave à 16°. Une grille établie à partir d’une prévision du prix du sucre sur le marché mondial à 450 € alors qu’au cours de la campagne 2014-2015, les prix du sucre sont descendus à 400 €/t. Inutile d’être un génie des mathématiques pour comprendre qu’avec la fin des quotas, la concurrence redoublant sur les marchés mondiaux et une production qui risque d’être surabondante, un prix de départ de 450 € /t paraît bien peu réaliste. «Démarrer leur grille à 450 €/t, ce n’est pas crédible», tacle Roland Cuni, directeur adjoint de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).
Selon la grille établie (cf. notre édition du 15 avril 2016), à 450 €/t, le prix des betteraves contractées sera de 25,57 €/t à 16°, pulpes comprises. Sans la pulpe, le prix est à 23,57 €/t à 16°. Conséquence : la clé de répartition qui jusqu’à maintenant attribuait 44 % aux planteurs et 56 % à l’industriel passe à 35 ou 36 % pour les premiers et à 65 ou 66 % pour le second. Mais ce dernier de dire qu’un complément de prix sera pratiqué, sans définir la formule qui sera appliquée. «C’est comme signer un chèque en blanc», note Roland Cuni.
Quant aux betteraves additionnelles, Saint Louis Sucre propose un prix augmenté de 4 €/t. Sauf que les 4 € gagnés retourneront dans la poche du groupe puisque le planteur devra participer aux frais de transport sur une partie des betteraves, soit entre 3,5 à 4 €/t pour un trajet de 35 km. «C’est introduire ni vu, ni connu, la participation au transport. Ceux qui sont loin de l’usine apprécieront le risque devant eux. On leur a pourtant dit que c’était une connerie», commente le directeur adjoint de la CGB.
«Pour le dire clairement, Saint Louis Sucre tond les moutons désormais», ajoute-t-il. Comment en est-on arrivé là ? Selon lui, une seule explication plausible : Südzucker cherche à remonter ses marges. «C’est une proposition totalement déphasée par rapport à l’environnement dans lequel ils sont. Ici, nous avons trois groupes, eux, mais aussi Tereos et Cristal Union. Déphasée, elle l’est aussi par rapport au prix de revient du planteur et par rapport à la question de la compétitivité», relève de son côté Dominique Fiévez, président de l’Association syndicale betteravière de la Somme (ASBS).
Que faire donc pour remettre l’ouvrage sur le métier et obtenir des revenus décents pour les planteurs ?

Reprendre les négociations
Une seule option possible : re­prendre les négociations. Reste que «la négociation va être compliquée, car, pour eux, leur proposition est ferme et définitive. En d’autres termes, c’est circulez, y a rien à voir», rappelle le président de l’ASBS. Aussi pour les faire revenir autour de la table et reprendre les discussions il n’y a qu’une solution, selon lui : «qu’ils n’aient pas toutes les betteraves».
Premier acte. Pour le faire savoir, l’ASBS propose aux planteurs de répondre à l’enquête envoyée par Saint Louis Sucre d’une certaine manière. Le syndicat propose de répondre à la question des betteraves additionnelles par zéro tonne et de rajouter la phrase suivante : «Si la proposition du prix reste en l’état, je me réserve le droit de diminuer ce volume de betteraves de base.»
Si tous les planteurs présents ont voté à l’unanimité la proposition du syndicat, s’engageant à remplir l’enquête avec ces recommandations et à la renvoyer avant le 30 avril, combien seront-ils à le faire sur les 4 000 planteurs du groupe ? «Certains planteurs sont influençables, je le sais bien, répondait Dominique Fiévez à un des planteurs qui l’interrogeait à ce sujet. On est dans le dur, mais je suis persuadé que l’on peut instaurer un rapport de force si l’on est engagés tous ensemble dans la même démarche. Il faut que tout le monde soit en phase pour aller au charbon.» Le bon niveau de prix, selon Roland Cuni, serait 1,50 € de plus sur le prix de base, et sur le complément de prix, la même règle que celle dont bénéficient les Allemands. Message passé au groupe.


 

«On va profiter des performances économiques communes à toutes les filiales du groupe Südzucker»

Thomas Nuytten, responsable service betteravier à l’usine de Roye, expose la position du groupe Saint Louis Sucre.

Selon quels critères avez-vous fixé le prix des betteraves contractées ?
Ce prix a été fixé en fonction du prix de vente du sucre et d’une grille de prix d’équivalence reprenant le prix du groupe SZ4, à savoir les filiales du groupe Südzucker en Allemagne, Pologne, Belgique et France. C’est un gros avantage pour les planteurs d’appartenir à SZ4, car il y a du coup une uniformisation des performances commerciales. Pour un prix de référence moyen du sucre, il y a un prix minimum de betterave. Mais, dans tous les cas, il y aura un complément de prix systématique et annuel, élaboré avec les planteurs.
Sur quelle base sera calculé ce complément de prix  ?
Plusieurs éléments entreront en ligne de compte. Il y aura d’abord la durée de campagne d’un minimum de 120 jours. Ensuite, en considérant que l’on est sur une vente du sucre inférieure à 450 €, le complément de prix sera un amortisseur supplémentaire important pour les planteurs. Et quand le cours du sucre sera très bas, on anticipera ses augmentations pour améliorer et favoriser le prix pour le planteur.
Vous parlez de prix du sucre inférieur à 450 €. Cependant, vous avez démarré votre prix de référence sucre SZ4 à ce tarif. Est-ce vraiment réaliste ?
Structurellement, on pressent des prix autour de 450 €. C’est la performance de SZ4. On va profiter des performances économiques communes à toutes les filiales du groupe Südzucker. Et, comme je vous le disais précédemment, en dessous d’un prix de vente du sucre à 450 €, le complément de prix servira d’amortisseur. Grâce à SZ4, avec son déploiement des usines en Europe, nous sommes préparés à l’après-quota. Nous avons des augmentations de surfaces moindres que nos concurrents. Notre marché, c’est le marché européen. Et sur ce marché, nous sommes prêts grâce à notre présence sur le territoire. Or, le marché européen est celui qui représente la plus forte valeur ajoutée. Et l’optimisation logistique que l’on va réaliser va nous permettre d’en profiter largement.
Evoquons la question des betteraves additionnelles avec la mutualisation des coûts de transport. Quel est le but ?
Dans les coopératives, le coût du transport fait partie des charges. Chez nous, pour les betteraves additionnelles, nous avons élaboré un nouveau mécanisme. Nous allons ajouter une prime de transport de 4 €/t pour permettre de payer le transport de ces betteraves additionnelles. Le coût effectif du transport va être mutualisé entre les planteurs, qu’ils soient près ou loin. Si les betteraves sont dans un rayon réduit, le coût de transport sera de 3 €/t. En faisant cela, les betteraves additionnelles vont profiter d’une valorisation supérieure aux betteraves de référence. Ce système a été mis en place pour consolider les 120 jours de campagne.
Quel est l’objectif à long terme que vous poursuivez en faisant participer les planteurs au coût du transport ?
Si votre question est de savoir si, à terme, on va faire payer le transport des betteraves de référence et les additionnelles, c’est non. De toute façon, les planteurs ne l’accepteraient pas. Ce système a pour vocation de permettre aux planteurs qui sont loin et performants de pouvoir produire des betteraves additionnelles. Les gains logistiques ainsi obtenus seront répercutés sur la valorisation des betteraves additionnelles et l’ensemble des planteurs.
Vous savez que le document que vous avez envoyé aux planteurs soulève nombre de questions.
Comptez-vous intégrer des modifications dans ce que vous proposez ?
Nous apporterons des éléments de clarification d’ici l’envoi des contrats, une fois signés les accords interprofessionnels, autour de la fin du printemps. On y travaille.
Ne craignez-vous pas que des planteurs partent vers d’autres groupes sucriers ?
Il y aura certainement des rééquilibrages qui vont se produire. Un planteur mixte peut en effet choisir de donner plus à l’un ou à l’autre. On verra bien au moment des contrats. Ce qui sera déterminant autour de cela, c’est le pragmatisme des planteurs. Mais nous n’avons pas d’inquiétudes particulières sur le sujet, car nous faisons confiance au bon sens des planteurs.
Vous dites ne pas avoir d’inquiétudes. Pourtant, vous multipliez les réunions d’information. Pourquoi ?
Pas mal de questions émanaient des plaines. Les planteurs étaient en demande d’’informations. Nous leur avons répondu en organisant ces réunions afin de clarifier l’après-quota.
Beaucoup s’interrogent sur le devenir d’Eppeville. Clairement, l’usine va-t-elle fermer ?
Pour la direction de Saint Louis Sucre, comme pour la direction allemande, le devenir du groupe est bien avec les quatre usines. Dans la Somme, Roye sera spécialisée sur une production à forte valeur ajoutée à destination de la pharmacie, l’agroalimentaire et la grande distribution. Quant à Eppeville, elle sera spécialisée sur des marchés à plus gros volumes. Pour ce faire, nous avons investi dans l’achat de trains et de wagons. Les investissements se maintiennent. Donc, non, l’usine d’Eppeville n’est pas destinée à être fermée.
Propos recueillis par Florence Guilhem 

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