Contre le RIP, son appel à laisser les ruraux en paix
Un habitant de La Chaussée-Tirancourt (80) pourfend le projet de référendum d’initiative populaire (RIP) sur les animaux dans un courrier qu’il adresse chaque jour aux parlementaires français. Il y dénonce notamment le risque d’opposition entre ruraux et urbains.
Qu’est ce que ce référendum d’initiative populaire (RIP) sur les animaux qui fait de plus en plus parler de lui ? Une initiative citoyenne, comme le permet la loi, dans le but d’amener à une proposition de loi pour un référendum et mettre un terme à un certain nombre de pratiques en France. S’articulant autour du bien-être animal, ce projet de référendum demande la remise en question de plusieurs pratiques qui concernent l’agriculture ou la chasse : interdiction des élevages à fourrure, sortie de l’élevage intensif, interdiction des spectacles avec animaux sauvages ; fin de l’expérimentation animale ; disparition de l’élevage en cages ; interdiction de la chasse à courre, du déterrage et des chasses traditionnelles.
Bataille de chiffres
Lancée par le journaliste Hugo Clément, des chefs d’entreprises dont les patrons de Free (Xavier Niel) et de Meetic (Marc Simoncini), la proposition de RIP pour les animaux est aussi soutenue par des associations animalistes et écologistes (L214, Fondation Brigitte Bardot, Welfarm, CIWF...). Pour que cette initiative voit le jour, il faudrait réunir le soutien de 185 parlementaires - ils sont 122 à s’être engagés aujourd’hui -, et 10 % des personnes inscrites sur les listes électorales, soit 4,7 millions de citoyens. En ce qui concerne ce dernier critère, si on en reste aujourd’hui éloigné - 422 000 au 31 juillet -, les promoteurs du RIP rivalisent d’imagination et de messages «choc» pour réunir un plus grand nombre de sympathisants à leur mouvement. En face, on a encore le sentiment que la riposte a du mal à s’organiser, même si quelques initiatives ont été lancées au cours des derniers jours après la lettre ouverte du président de la Fédération nationale des chasseurs aux parlementaires. Sur le réseau social Facebook, un groupe privé s’est, par exemple, constitué sous le titre «Tous unis contre le RIP et pour la préservation de la ruralité». Depuis le 2 août, un peu plus de 25 000 membres l’ont rejoint, mais cela suffira-t-il à contrer associations animalistes, antispécistes et écologistes rompus à la communication et à la provocation ? L’avenir (proche) le dira.
Hypocrisie et partialité
Habitant la commune de La Chaussée-Tirancourt (entre Abbeville et Amiens), ancien journaliste dans le domaine cynégétique et chasseur passionné, Christian Gricourt figure parmi ceux qui entendent vendre chèrement la peau de ce qu’il pratique et défend depuis de (très) nombreuses années. Depuis environ trois semaines, le samarien s’est en effet lancé un défi : adresser lui aussi à chacun des parlementaires français une lettre-type dans laquelle il explique pourquoi et comment cette proposition de référendum vient amplifier la fracture entre ruraux et urbains.
Avec son smartphone ou devant son ordinateur, il collecte les adresses électroniques des députés et sénateurs, avant de leur faire parvenir son courrier. Il y explique ainsi être «très attaché aux qualités de la vie en milieu rural», «conteste la présentation des différents sujets» qu’il juge «partiale» et dénonce «l’hypocrisie» de leurs auteurs. Chaque jour, il envoie entre dix et quinze courriers, suivant l’ordre alphabétique de la liste des parlementaires. Le projet de RIP sur les animaux y est décrit comme «une grande menace pour ce que nous aimons à la campagne». La mesure qui demande l’interdiction de la chasse à courre, du déterrage et des chasses traditionnelles (glu, tenderie, tendelle) lui est particulièrement inacceptable : «D’abord, ils s’en prennent à la chasse à courre et aux chasses traditionnelles, et après ? Celle du gibier d’eau ou aux chiens courants ?
Leur objectif est de toutes les interdire, pièce par pièce.» Pourtant, assure Christian Gricourt, «n’en déplaise à certains», la pratique de la chasse «s’effectue dans un cadre précis, encadré par la loi».
«Laissez-nous vivre»
Au fil de sa lettre, l’ancien journaliste défend aussi des valeurs dont il espère qu’elles animent encore les élus auxquels il s’adresse : «Une société ne peut vivre que dans le respect et la tolérance (…) L’intolérance n’est pas acceptable», défend-il. À ces parlementaires, il demande donc «de repousser cette initiative qui entraînerait une fracture de la société française et aurait évidemment un impact économique très important». Et de conclure, en plein dans le mille, par un élégant «Laissez-nous vivre».
Une plume qui continue de servir la chasse
Si Christian Gricourt se présente aujourd’hui comme «un simple citoyen français» au moment de prendre la plume pour écrire aux parlementaires, c’est aussi grâce à cette «plume» qu’il s’est fait un nom dans le monde cynégétique. De sa passion pour la chasse, il a réussi à en faire son métier, après un début de carrière professionnelle dans l’industrie, au sein de l’entreprise Honeywell. Avant de profiter d’une retraite bien méritée, mais toujours active, Christian Gricourt a en effet passé dix-huit ans à la fédération des chasseurs de la Somme en charge de l’informatique, puis de la communication. «Je fabriquais le journal, j’organisais des événements et j’étais aussi la plume du président», se souvient-il. Parmi les événements qui l’ont le plus marqué, il cite différentes fêtes de la chasse - «un boulot de dingue en termes d’organisation»-, mais aussi (et surtout) la grande manifestation du 14 février 1998 à Paris. Si celle-ci continue de faire date dans les esprits, c’est au moins pour les enjeux qu’elle entendait défendre que pour son organisation. «Je m’en souviens comme si c’était hier, sourit-il. J’avais en charge d’organiser le défilé des délégations.»
En 2000, il décroche le poste de rédacteur en chef de la revue La Sauvagine. L’expérience, qu’il mène en parallèle de sa mission à la fédération des chasseurs de la Somme, durera cinq ans et demi : «Je sortais 48 pages chaque mois, avec des correspondants qui écrivaient pour la revue d’un peu partout en France. Le poste était basé à Paris, ce qui me demandait des déplacements fréquents. J’adorais le travail, mais pas la vie parisienne...» Auteur du livre «Mon bail avec la chasse» dans lequel il raconte sa vie de chasseur et les événements auxquels il a participé, Christian Gricourt continue d’écrire quelques articles pour des revues cynégétiques. Encore une passion qui n’est pas prête de le quitter.
Le secrétaire d’État à la Ruralité parmi les soutiens
Par un tweet du 31 juillet, les organisateurs du Référendum pour les animaux ont remercié le nouveau secrétaire d’État à la Ruralité, Joël Giraud, pour «son soutien» à leur initiative. Nommé au gouvernement le 27 juillet, M. Giraud apparaît dans la liste des signataires de ce référendum d’initiative partagée (RIP), mais en qualité de député des Hautes-Alpes. Cette liste ne précise en revanche pas la date de son soutien.
Le 30 juillet, sur son site web, le Mouvement de la ruralité (anciennement Chasse, pêche nature et traditions) qualifiait, quant à lui, sa nomination d’«erreur de casting». Le parti présidé par le girondin Eddie Puyjalon «attend du nouveau secrétaire d’État qu’il retire sa signature», tout en précisant avoir demandé une entrevue avec le Premier ministre, pour «aborder l’ensemble des problèmes de la ruralité».