Coronavirus : le monde agricole samarien mobilisé
Le secteur agricole est l’un des rares à pouvoir poursuivre son activité. Dans les coopératives, on met tout en œuvre pour sécuriser l’activité.
Coronavirus ou non, confinement ou non, les activités agricoles ne peuvent pas être stoppées du jour au lendemain, puisqu’il s’agit de «travailler avec du vivant», végétal et animal. Les acteurs du monde agricole, notamment les coopératives de la Somme, s’organisent donc pour assurer le meilleur service possible aux agriculteurs.
«Nous prenons des mesures pour assurer une activité dans le temps», annonce Olivier Faict, président de Calipso. La coopérative souhaite «se comporter comme une entreprise responsable, qui applique les obligations de l’État, en prenant au maximum soin de ses adhérents et de ses salariés, avec civisme.» Plusieurs mesures sont prises : le fonctionnement des sites par rendez-vous pour limiter les temps d’attente sur place, la mise en place de «sas de sécurité» pour signatures des bons de livraison et pour enlever chaque commande, le regroupement des ressources humaines sur quelques sites, pour préserver le plus possible de salariés… Concrètement, la distribution des produits phytosanitaires s’effectuera uniquement à partir des plateformes de Crécy-en-Ponthieu et de Franleu. Pour l’engrais vrac, tous les sites de distribution sont ouverts jusqu’à épuisement des stocks, puis seuls les sites de Translay, Oisemont, Saint-Riquier, Crécy-en-Ponthieu et Franleu seront réapprovisionnés. «Hier (lundi, ndlr), nous avons connu une journée de folie, avec l’équivalent de dix jours de travail en un seul jour pour la vente d’engrais, confie Olivier Faict. Il faut dire que nous avons cumulé la crainte des agriculteurs de ne pas être fourni avec le retour du beau temps qui permet le travail en plaine…»
Chez Sana Terra, les règles sont similaires. Les relations avec les technico-commerciaux se font par téléphone ou par mail et un tour de plaine sera effectué uniquement en cas d’urgence. Pour le retrait de produits phytosanitaires et de semences , les magasins de Rosières, Flesselles et Hénencourt sont ouverts, mais les livraisons sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Les responsables des points d’approvisionnement reçoivent à l’extérieur des locaux, et il est demandé d’appeler avant de venir. Les silos habituels de retrait d’engrais sont ouverts, mais, afin de limiter les allers-retours, la commande est à retirer en benne.
Appel au bon sens
Chez Novial, fabricants d’aliments du groupe Noriap, un plan de continuité est en œuvre. «Tous les salariés pouvant faire du télétravail sont restés chez eux. Seuls ceux de l’usine, de l’approvisionnement et du service client se rendent sur place, mais sont confinés dans des bureaux et respectent les règles d’hygiène», note Mathilde Dubocage. Aucun problème d’approvisionnement pour le moment. Mais les éleveurs sont appelés à faire preuve de bon sens : «Nous constatons une quantité inhabituelle de commandes. Nous avons de quoi livrer tout le monde à condition que le planning soit normal !» Comme dans l’alimentaire, c’est bien les de stocks à outrance qui engendrent la pénurie. «De même, nous demandons aux agriculteurs de faciliter le travail des chauffeurs. Ils doivent avoir le moins de manutention possible lors de la livraison.»
À la coopérative laitière Sodiaal, un plan de crise a également été mis en place. «Les chauffeurs ont des consignes strictes. Ils doivent notamment être seuls près du tank à lait lorsqu’ils collectent, et n’entrer en contact physique avec personne», précise Olivier Gaffet, président du réseau Nord de la coopérative. Sur le site, des mesures ont été prises pour limiter le contact des salariés entre eux. Toutes les personnes titulaires du permis poids lourd ont aussi été recensées, chauffeur ou non, et pourront être réquisitionnés à la collecte si besoin. Car trois priorités sont bien distinctes chez Sodiaal : «La santé des salariés, la collecte du lait, et le travail du lait.» Il s’agit de répondre à la demande du consommateur, «très forte en ce moment puisque les gens font des réserves. Elle est de + 40 % sur certaines références».
Si la période de confinement devait se prolonger, ou si les salariés étaient moins nombreux, un plan de rationalisation pourrait être imposé. «Nous nous concentrerons alors sur certaines références uniquement, comme le lait demi-écrémé en litre, le produit qui se vend le plus», ajoute Olivier Gaffet. Les producteurs, eux, seront informés régulièrement du planning de ramassage. Mais jusqu’ici, en Hauts-de-France, «nous parvenons à nous débrouiller.» Des interrogations demeurent néanmoins : quel sera l’ampleur de la crise ? L’indispensable logistique sera-t-elle efficiente ? Les cours, notamment de la poudre de lait, très liés aux cours du pétrole qui chutent, s’effondreront-ils ?