Créer une société pour l’exploitation : pourquoi pas !
La mise en société permet de valoriser les compétences et la disponibilité des uns et des autres, tout en rationalisant les tâches de l’exploitation. Mais s’associer, c’est comme
un mariage, il faut bien y réfléchir avant de s’engager.
Le choix sociétaire instaure aussi une possibilité d’accroître la rentabilité des facteurs de production, d’optimiser les résultats, de faire des économies d’échelle, de rationaliser l’utilisation du matériel et des bâtiments.
Les associés ne sont, en principe, responsables du passif social qu’à concurrence de leur capital, c’est le cas des EARL. En Gaec, il s’agit du double du montant de leur capital. En revanche, dans une SCEA, la responsabilité des associés n’est pas limitée. Les associés sont solidairement responsables des dettes de la société vis-à-vis des tiers sans aucune limite et proportionnellement à leur participation dans le capital social. Cependant, les créanciers sociaux, notamment les établissements bancaires, ne manquent pas d’exiger des garanties, comme le cautionnement personnel des dirigeants ou encore l’hypothèque sur des biens immobiliers (terres, …), notamment quand les jeunes s’installent.
La société est un bon moyen de transmettre progressivement son entreprise. Elle permet de préparer et faciliter la transmission d’une exploitation familiale afin de transmettre du pouvoir et du savoir faire. Dans le cadre d’une cession de parts sociales, on ne vend ni du matériel, ni du cheptel, ni des stocks, on cède des droits représentatifs de matériel ou de cheptel, qu’on appelle les parts sociales.
Il s’agit de contre valeur d’un ensemble d’actifs, avec les devoirs et les obligations qui s’y attachent. La division du capital en parts sociales est un bon moyen de transmettre le capital de la société et de faire une transmission par étapes. Autre avantage, et on peut qualifier comme le plus important lors d’une mise en société, celui du décès de l’un des associés. Dans ce cas, la société n’entraîne pas la dissolution de celle-ci, ce qui lui permet d’échapper à une taxation brutale des plus-values et de la réintégration des encours de prêts, par exemples.
Dissocier le patrimoine professionnel et privé
La société instaure une meilleure organisation du patrimoine. Elle permet la protection du patrimoine privé, c’est pourquoi le patrimoine professionnel est bien séparé et permet à l’exploitant, par exemple, de garder ses terres et ses bâtiments en propriété dans son patrimoine privé et de les mettre à disposition de la société. Cela lui permet d’être rémunéré de ses terres en propriété, tout en les gardant dans son patrimoine privé. Et cette charge de «fermage» réduit le résultat de la société et procure une baisse des cotisations sociales des exploitants associés. Mais cette rémunération des terres en propriété par les associés est précaire et ne rentre pas dans le statut du fermage.
Aspect social et fiscal
Les sociétés offrent une large palette de statuts sociaux aux conjoints, comme celui de conjoint collaborateur à titre principal ou à titre secondaire, ou encore celui de salarié. Dans le cas où ces conjoints ne veulent pas participer aux travaux (sauf Gaec), ont leur attribue la qualité d’apporteurs de capitaux. Toutefois, avec une limitation à 50 % pour les Earl. S’ils s’impliquent professionnellement, cette participation peut se faire sans lien de subordination, là on devient exploitant agricole à part entière ou avec un lien, c’est celui de salarié agricole. Les conjoints bénéficient alors des droits qui découlent de leur statut, notamment au niveau des avantages sociaux : indemnités journalières, retraite, etc.
Les intérêts fiscaux de la société sont liés essentiellement à la séparation du patrimoine. La société supporte les charges qui vont réduire le résultat agricole, et donc l’assiette des cotisations sociales, comme un loyer de terres payé par la société aux associés et la rémunération des fonds propres (comptes courants associés). Les EARL et les SCEA permettent l’association de personnes y exerçant une activité agricole et de simples apporteurs de capitaux. Or, les seuls revenus perçus dans le cadre de l’exercice d’une profession sont soumis aux cotisations sociales.
La quote-part attribuée pour les associés non exploitants échappe aux cotisations sociales, mais supporte une csg à 17,20 %. En revanche, pour les conjoints ou les enfants associés non exploitants qui ne participant pas aux travaux et qui font partie du même foyer fiscal, l’exploitant devra incorporer dans son assiette sociale les revenus de son conjoint ou de ses enfants. De façon générale, le statut sociétaire, notamment dans les SCEA et les EARL, autorise plus de souplesse et de performance en matière de d’optimisation fiscale et sociale, du fait des nombreuses combinaisons auxquelles il donne accès.
Règlement intérieur
Une des clés de réussite réside dans l’anticipation de la création de la société. Il faut la préparer. Et pour ceux qui sont déjà associés, il est toujours temps de faire le point sur le fonctionnement de la société. Les associés doivent se poser pour réfléchir ensemble sur le devenir de l’exploitation.
Il est primordial de définir les priorités de chacun, de convenir d’un objectif commun, de prévoir, et d’écrire les règles de fonctionnement, au sein d’un document appelé «règlement intérieur». Ce règlement intérieur est un accord entre les associés. Il est important de le revoir régulièrement en fonction des évolutions : un associé se marie par exemple ; un autre veut prendre plus de disponibilités, un associé veut rentrer dans la société, un enfant arrive, etc…
Ce règlement intérieur liste les responsabilités de chaque associé, la répartition du travail, les congés, le travail du week-end, les prises de décision, les prises de temps des engagements extérieurs (coop, banque, …), la fréquence des réunions, les rémunérations de travail de chaque associé, les prélèvements personnels, les remboursements de frais, la répartition des frais mixtes (part de l’électricité, des assurances, du téléphone, des frais de voiture, ...).
Souvent, le règlement intérieur est rédigé au moment de la création de la société sous l’angle réglementaire et juridique. On oublie de ce fait d’aborder les problèmes relationnels, qui sont un élément crucial de la création. Alors qu’il devrait être pris en amont et bien avant de signer les statuts de la société.
L’économique est important
Autre point à ne pas négliger, celui de l’économique, sans véritable revenu pour chaque associé, la société aura du mal à perdurer dans le temps. C’est pourquoi, un prévisionnel est nécessaire avant toute création, afin de définir l’excédent brut d’exploitation potentiel de la société et de savoir si celui-ci pourra faire face aux remboursements de prêts et aux prélèvements personnels de chaque associé. Notamment si c’est l’épouse qui veut s’associer et qui décide d’arrêter son emploi. Le manque de ressources personnelles pourra être un frein à son installation, sauf s’il y a développement d’une activité au sein de la structure. Pour cela, rapprochez-vous de votre conseiller ou de votre comptable pour valider votre choix de créer ou pas une société.
A titre d’exemple
Installation du conjoint
Madame a une activité salariée, dispose d’une capacité professionnelle, mais désire arrêter pour se consacrer à l’activité agricole avec son mari. En même temps, une opportunité se présente. Elle s’installe, devient chef d’exploitation, obtient les aides. Création d’un Gaec ou d’une EARL entre conjoints pour rationaliser les investissements et le travail des deux associés. Elle pourra prétendre à l’abattement fiscal des jeunes agriculteurs, au dégrèvement des taxes foncières, ce qui n’est pas neutre en terme financier.
Optimisation fiscale et sociale
Monsieur, exploitant individuel, et Madame, salariée à l’extérieur. Le bénéfice agricole fluctue entre 40 000 et 50 000 €. Son chiffre d’affaires est inférieur à 250 000 €, ce qui lui permet d’être exonéré de plus-value s’il crée une société. La création d’une EARL unipersonnelle lui permettra de pouvoir amortir le matériel et d’optimiser la séparation du patrimoine privé et professionnel. Le gain annuel fiscal et social pourrait être de l’ordre de 15 et 20 % du revenu agricole. Ou encore, Madame peut devenir associée exploitante si elle participe aux travaux, ou non exploitante à la condition qu’elle ne détienne pas de baux cotitulaires avec son mari.