Crise du bio et coûts de l’énergie, la double peine
Depuis des mois, les acteurs de l’agriculture bio alertent sur la crise qu’ils subissent, avec une demande réduite et donc des prix de moins en moins rémunérateurs. La flambée des coûts de l’énergie enfonce le clou. La pérennité de la coopérative Biocer, implantée dans le nord-ouest de la France, est même sérieusement menacée.
Depuis des mois, les acteurs de l’agriculture bio alertent sur la crise qu’ils subissent, avec une demande réduite et donc des prix de moins en moins rémunérateurs. La flambée des coûts de l’énergie enfonce le clou. La pérennité de la coopérative Biocer, implantée dans le nord-ouest de la France, est même sérieusement menacée.
Au 31 octobre, deux des trois silos de la coopérative Biocer pourraient cesser leur activité. La faute aux coûts de l’énergie qui ont flambé, que les prix des céréales jugés trop bas ne pourront pas couvrir. «Notre fournisseur d’énergie, Enercoop, a dénoncé notre contrat d’électricité. Les propositions que nous recevons, qui changent toutes les semaines, sont insupportables pour une jeune structure comme la notre», s’inquiète Vincent Devyldere, vice-président de la coopérative, installé à Équennes-Éramecourt (80).
Biocer, qui collecte et commercialise les céréales et les légumineuses de 280 agriculteurs bio du quart Nord-Ouest devrait voir sa facture d'énergie multipliée par quatre, voire sept. «On était sur une base d’environ 250 000 € par an. Une des propositions s’élevait à 2 M€. Même si la coop survit à ça, il ne restera rien pour les fermes. Toutes sont en danger», regrette-t-il. Le site de Fouilloy (60), plus petit, pourrait continuer de fonctionner. Mais ceux de Beaumont-le-Roger et de Marcilly-la-Campagne, dans l’Eure, seraient contraints de cesser de fonctionner. «Sans électricité, et donc sans ventilation, les petites bêtes vont s’amuser dans le tas de grain. C’est notre seul moyen de conservation.» Le plan B est le stockage chez des adhérents équipés pour cela. Mais les 25 000 t livrées chaque année y seront à l’étroit.
Un crève-cœur, alors que le site de Marcilly-la-Campagne, flambant neuf, qui vit sa deuxième campagne, est né d’un investissement de 12 millions d’euros. Géré par la filiale de Biocer Normandie Grains Bio, il est un outil à valeur ajoutée pour les producteurs bio : une capacité de stockage de 5 000 t, une chaîne de triage fin, qui permet de trier les lentilles, graines de chia, de lin, etc., une meunerie, et une chaîne de conditionnement pour mettre ces produits en sacs de 250 g au big bag.
«Contrairement aux coopératives dont la filière bio n’est qu’une niche, nous sommes 100 % bio. Nous ne bénéficions pas de la flambée des cours des céréales conventionnelles pour compenser celle de l’énergie. Notre blé est payé à peine 50 €/t de plus, alors que nos rendements sont divisés par deux ou trois», regrette Vincent Devyldere. Les élus devaient se réunir ce 20 octobre pour prendre une décision. «Quelle que soit la proposition d’énergie, elle mettra Biocer en péril.»
Les producteurs cogitent
De leur côté, les producteurs bio tentent de trouver des solutions pour faire perdurer leurs fermes. À Dargnies, les cours des produits bio, notamment du lait, ont poussé Nicolas Freville à mettre un terme à son élevage laitier le 28 février dernier. «On transformait à la ferme une partie les 300 000 l qu’on livrait à Biolait pour créer de la valeur ajoutée. Mais le prix du lait bio en chute depuis deux ans n’était plus supportable. Ça ne suffisait plus à payer un salarié. Alors lorsque mon épouse, associée, a déclaré des problèmes de santé, on a choisi d’arrêter.» Aujourd’hui, il ne regrette pas son choix. «Avec la sécheresse, je me dis que j’aurais fait un trou dans la trésorerie.» Il trouve un peu de revenu dans les betteraves bio, payées 80 €/t. «Mais qu’en sera-t-il l’année prochaine ?», questionne-t-il.
À la Vicogne, Fortuné Rougegrez avait, lui, renoncé aux cultures de carottes et d’oignons bio de plein champs pour les semis 2022. Après un hiver à cogiter à son assolement, il s’engageait dans des contrats de pommes de terre, des betteraves à sucre, de la chicorée, des endives et du maïs, en plus des céréales. Des solutions qui offrent une valeur ajoutée moindre, alors que l’exploitant avait monté l’irrigation sur ses 167 ha bio, mais ils sont plus simples à produire et moins gourmands en charges. «Pour conserver les carottes, il aurait fallu que j’investisse dans des réfrigérateurs. Aux prix de l’électricité, heureusement que je ne l’ai pas fait !» Il faudra attendre la fin du mois de novembre et la fin de la campagne pour faire les comptes.
Un plan Ambition bio attendu pour la filière