Crise : une lueur d’espoir pour certaines filières
Dans la Somme, l’agneau, le lait et la viande porcine vivent une période similaire : après des semaines tendues pendant le confinement, ces filières aperçoivent le bout du tunnel, grâce, entre autres, à la réouverture des restaurants.
Des reports d’abattages à cause du manque de personnel dans les abattoirs, une hausse du coût du fret maritime pour les exportations… Les éleveurs de porcs de la Somme n’ont pas échappé aux difficultés qu’a rencontré la filière au niveau national pendant le confinement. Mais ces derniers jours présagent de meilleurs augures.
«Les semaines précédentes ont été très compliquées, annonce François Thibaut, éleveur de porcs à Ailly-sur-Somme et vice-président de Cobevial. Cette semaine, nous avons encore mille reports, car les abattoirs en manque de personnel ont du mal à suivre la cadence. Mais la situation s’est améliorée, puisque nous avons connu des semaines à trois-mille reports.» Mai, riche en jours fériés, est de toute façon un mois compliqué pour la viande porcine, «avec quatre jours de tuerie au lieu de cinq jours.» En juin, plusieurs signaux semblent passer au vert : «La restauration hors foyer reprend et, avec les beaux jours, les gens devraient sortir et faire des grillades. L’export redémarre avec des ventes en Belgique et en Allemagne… Il nous manque néanmoins la restauration scolaire», précise François Thibaut.
En lait, la catastrophe évitée
La situation est similaire en lait. Chez Sodiaal, la situation est encore tendue mais l’actualité pourrait améliorer la situation. «Nous subissons toujours une perte de 2,5 à 3 % en avril et en mai par rapport à la même période l’année dernière, prévient Olivier Gaffet, président du réseau Nord de la coopérative et éleveur laitier à Canaples. Mais le problème est surtout les marchés, toujours peu porteurs.» Les consommateurs ont eu beau acheter plus de lait en supermarchés, les produits élaborés, comme les fromages AOP, sont restés sur la sellette. «Et l’un ne compense pas l’autre en termes de volumes et de prix.» Chez Sodiaal, comme dans beaucoup d’autres laiteries, on a donc produit plus de lait de consommation et on a fait de la poudre. «Le prix de la poudre et du beurre ont donc dégringolé. Il remonte tout doucement ces derniers jours…»
La catastrophe a cependant été évitée. «Même si c’était du sport industriel et de l’organisation de transport et de logistique, nous sommes parvenus à passer le pic de production de lait (dû à la mise à l’herbe des vaches, ndlr) sans en jeter.» La filière espère elle aussi beaucoup de la réouverture des restaurants ce mois-ci. Quant à quantifier l’impact de la crise, «on navigue à vue». «Nous avons du mal à estimer les répercutions sur l’année», avoue Olivier Gaffet.
Les agneaux ont su séduire
Les éleveurs d’agneaux, eux, ont vécu une grosse période de stress quelques semaines avant Pâques. Cet événement représente «jusqu’à 50 % de la consommation d’agneaux de l’année», estime Paul Rouche, directeur délégué de Culture viande. Or, difficile de partager un gros gigot d’agneaux alors que les réunions de famille étaient interdites. «Personne n’avait de commandes. Nous devions gérer les approvisionnements au jour le jour et beaucoup d’agneaux restaient dans les bergeries», résume Thierry Vroman, directeur de la coopérative Les bergers du Nord Est.
Mais le gros coup de communication qu’a réalisé l’interprofession a fait mouche. «Tout le monde s’est réveillé à la dernière minute. C’était un sacré boulot ! Les consommateurs ont finalement mangé de l’agneau français, qu’ils ont plutôt acheté dans leurs commerces de proximité. La GMS a aussi joué le jeu et a mis nos produits en avant.» Aujourd’hui, la filière peut annoncer qu’elle a retrouvé une dynamique positive.
Le circuit court, grand gagnant de la crise
Si une filière a su tirer son épingle du jeu, c’est bien celle de la vente en circuit court. Olivier Parcy, qui vend sa viande bovine et porcine en direct, est témoin du changement de comportement des consommateurs. «Le circuit court était de plus en plus en vogue. Mais pendant le confinement, le souci du manger local a réellement explosé», annonce l’éleveur de Fontaine-sur-Somme.
L’augmentation des commandes des particuliers lui a d’ailleurs permis de compenser les annulations des commandes des intercommunalités (celles-ci concernaient huit animaux). «Ce n’est pas le même travail, car il s’agit de faire des caissettes de viande en morceaux, alors que les intercommunalités achètent les carcasses entières. Mais financièrement, on s’y retrouve.» Chaque année, Olivier Parcy vend environ vingt-cinq bovins et une vingtaine de porcs en direct. Depuis le confinement, il en est déjà à treize bovins et neuf porcs, soit plus que d’habitude. La bonne nouvelle, c’est que la tendance semble se poursuivre. «Même déconfinés, les gens continuent à me passer commande.»