Cristal Union : comment la coopérative justifie sa restructuration ?
Le groupe sucrier pâtit d’un «décrochage» en termes de taille d’usines par rapport à la concurrence. Sa vision du marché mondial à moyen terme semble peu optimiste.
«Tout le monde fera de la restructuration», explique le directeur général de la coopérative Cristal Union, Alain Commissaire, lors de la présentation des résultats 2018-2019, qui sont déficitaires de 99 millions d’euros. «Personne ne peut rester dans la situation de pertes qui est annoncée par les compétiteurs aujourd’hui, en disant “je ne fais rien, j’attends que le marché remonte”. Parce que le marché ne va pas remonter si vite que ça.»
Cristal Union souligne un «décrochage» de son groupe en termes de taille d’usines. «On amortit nos frais fixes avec des unités moyennes de 250 000 tonnes, là où le gros des producteurs européens sont entre 300 000 et 400 000 tonnes de sucre» produites chaque année par site, souligne Xavier Astolfi, le directeur général adjoint. «Si on veut rester compétitif dans l’Union européenne, il faut améliorer cette situation, pas par un abandon de production, mais par une concentration de la production sur des outils performants», d’après lui.
Renforcement des sucreries
Raison de plus pour proposer à l’ensemble des planteurs qui approvisionnent la sucrerie de Toury (Eure-et-Loir), menacée de fermeture, de fournir les autres usines du groupe à Corbeilles-en-Gâtinais et Pithiviers-le-Vieil, dans le Loiret. Afin d’optimiser l’exploitation de ses sites, le groupe a aussi confirmé vouloir reprendre une partie des betteraviers de Saint Louis Sucre, filiale de l’allemand Südzucker qui prévoit de fermer deux sucreries en France. «Nous avons la capacité de récupérer un tiers, peut-être 50 % des planteurs d’Eppeville (Somme) sur Sainte-Emilie», déclare Alain Commissaire.
En revanche, les velléités d’acquisitions ou de rapprochements évoquées l’an dernier sont actuellement au point mort, selon lui : «Nous avons eu un certain nombre d’initiatives, certaines bloquées par la Direction générale de la concurrence, à Bruxelles.» Il évoque également des «travaux menés avec American Sugar, mais l’évolution du Brexit a fait qu’il était quasi-impossible de se projeter», s’agissant de ce groupe principalement installé sur le marché anglais.
Rémunération des betteraves
Le président Olivier de Bohan souligne le besoin de «se projeter dans un monde plus volatil». Cristal Union se mettrait en «position de faiblesse» si des «décisions majeures» n’étaient pas prises. La restructuration du groupe doit permettre, selon lui, d’«aller chercher deux, trois, quatre euros par tonne de betterave» afin de mieux rémunérer les planteurs. C’est aussi l’enjeu de premières mesures stratégiques, qui visent à économiser 50 millions d’euros en année pleine.
Dans l’activité sucre, il s’agit en particulier de réduire les dépenses. Concernant l’alcool et le bioéthanol, d’aller vers des marchés à plus forte valeur ajoutée. Le groupe veut réduire ses frais fixes dans la partie raffinage. Il concentre son activité pour ce qui concerne la déshydratation et mise sur la méthanisation pour mieux valoriser les pulpes.
Stabilisation du pétrole
Le plan stratégique de Cristal Union repose sur une vision peu optimiste de l’évolution du marché mondial à moyen terme. Xavier Astolfi se montre sceptique quant à un relèvement rapide et significatif des cours du sucre. Le groupe table sur une lente sortie de la période d’excédents à l’échelle internationale : vingt millions de tonnes de surplus en 2017-2018, un million de tonnes en 2018-2019 et sept millions de tonnes de déficit en 2019-2020.
Il note, par ailleurs, que la corrélation entre les prix du pétrole et du sucre s’est accrue depuis 2017. Le scénario retenu, celui de Citibank, est une stabilisation des cours du Brent à l’horizon 2020-21, entre 45 et 60 $ le baril (le 5 juin, ils marquaient un point bas à 60,58 $) soit un prix du sucre à New-York ente 13-14 cents/livre (250-270 €/t) et 14-15 cents/livre (270-290 €/t). «A 14 et 15 cents, le prix de vente départ France devrait osciller entre 314 €/t et 352 €/t la plupart du temps», soutient Xavier Astolfi, retenant une parité euro/dollar à 1,20.