Cristal Union va absorber la Sica Pulpe Haute Picardie
La coopérative a proposé aux adhérents de la Sica de racheter leurs parts sociales afin d’unifier sa politique betteravière pour tous ses coopérateurs.
La proposition a d’abord étonné les planteurs de la Sica Pulpe Haute Picardie (PHP). Plus habitués aux discussions en assemblée qu’à des échanges individuels pour évoquer tel ou tel sujet, ils ont eu la surprise, le 25 novembre dernier, de recevoir un courrier de Cristal Union leur annonçant que les conseils d’administration de la Sica Pulpe Haute Picardie et de la coopérative avaient décidé d’un rapprochement de leurs activités.
Un rapprochement qui devrait se dérouler en deux phases : tout d’abord, l’achat des actions des adhérents de la Sica par Cristal Union à hauteur de 72,25 €, puis l’absorption de la Sica par la coopérative, suivant un calendrier et des modalités qui restent toutefois à définir.
L’annonce en soi n’est pas toutefois une surprise. Dès le rachat en 2011 de la Société vermandoise industries par le groupe Cristal Union, ce dernier avait exprimé son intention de reprendre l’atelier de déshydratation des pulpes à Epenancourt, ainsi que le parc de presses sur le site de Sainte-Emilie, considérant que la pulpe est la continuité de la production betteravière.
Autre volonté : harmoniser la politique betteravière pour tous ses coopérateurs. «Dans certaines usines du groupe, la gestion de la pulpe était déjà intégrée, dans d’autres, telles qu’à Sainte-Emilie, Fontaine-le-Dun et Pithiviers, ce n’était pas le cas. En rachetant les outils et en absorbant les Sica, on harmonise les modes de fonctionnement de toutes les usines de notre groupe. Ce qui permet aussi de simplifier la gestion de la pulpe. Par ailleurs, ces rachats s’imposaient aussi du fait des changements à venir, à savoir la fin des quotas et la refonte de la tare terre, impliquant la fin du droit sur les pulpes», explique Jérôme Fourdinier, président de la coopérative de Sainte-Emilie.
Des négociations âpres
Si cette logique est partagée par la Sica - «une Sica fait sens avec un groupe privé, beaucoup moins avec une coopérative», dixit Gontran Goubet, président de la Sica PHP - reste qu’elle n’avait pas l’intention, au départ, de vendre son outil industriel, racheté en 1997 lors de la fermeture de la sucrerie d’Epenancourt. Les planteurs, eux, émettent des réserves sur la vente. Ils appréhendent la définition du prix et la valorisation de la pulpe par Cristal Union. Autrement dit, que tout soit géré par la coopérative, loin donc des préoccupations de chacun, et surtout à quel prix.
Quand les négociations sont engagées à l’automne dernier, la Sica propose de réaliser avec la coopérative des réunions d’information, voire une assemblée générale extraordinaire pour les adhérents. Fin de non-recevoir. Cristal Union choisit une autre option : faire une offre aux 1 100 adhérents de la Sica. Autre cheval de bataille pour la Sica : la valorisation de l’action, un prix des pulpes arrêté pour 2016, une participation d’un représentant à la commission pulpe de Cristal Union, et des coûts de transport revus à la baisse pour les planteurs éloignés de l’usine. Pour l’heure, la Sica a eu gain de cause sur les coûts de transport, qui seront en baisse de 25 % sur les cinq prochaines années pour les planteurs à distance de l’usine, de même que sur la valorisation.
En effet, après moult échanges, l’outil a été finalement valorisé à 6,5 millions d’euros. C’est sur la base de cet actif net, calculé d’après les comptes sociaux de la Sica, arrêtés au 31 août 2016, que le prix du rachat de l’action a été fixé à 72,25 €. Pour mémoire, la valeur nominale de la part sociale était à 16 € et certains planteurs ont dû rajouter de leur poche 12,20 € de droit d’entrée. Autant dire que la proposition de Cristal Union en a convaincu plus d’un. Du côté de la Sica, on précise cependant qu’il est normal que la part ait été revalorisée, puisque la Sica n’a rien redistribué durant quinze ans en raison des investissements réalisés sur l’outil industriel. Quoi qu’il en soit, au 31 décembre, la part détenue par Cristal Union (initialement à 20 %, les 80 % autres étant aux planteurs) était de 85 %. Premier objectif atteint pour Cristal Union.
La suite ?
Les interrogations des planteurs demeurent cependant sur le prix de la pulpe et sa valorisation. «Notre volonté, rassure Jérôme Fourdinier, est de mettre en place une politique de proximité. La priorité de Cristal Union restera l’élevage. L’agriculteur qui amènera 1 000 tonnes de betteraves pourra repartir au prorata temporis de son volume de pulpes. Les pulpes seront destinées à la fois pour l’élevage et la méthanisation. En revanche, le planteur n’aura pas le droit de les commercialiser à son compte.»
Quant au devenir de l’outil, y aura-t-il des changements ou évolutions ? «Pour l’instant, il tourne bien. Il y a déjà eu des investissements. Donc, nous n’avons aucun grand projet prévu. Autrement dit, pour l’instant, on va le gérer tel qu’il est», précise-t-il. L’outil montera, à l’évidence, en puissance avec l’augmentation des surfaces betteravières de Cristal Union de 20 % dès 2017, avance le groupe. «La performance économique croîtra automatiquement du fait de cette évolution, même si l’on ne sait pas dans quelle proportion exactement, ajoute-t-il. Dans tous les cas, ce qui est sûr, c’est qu’il y aura de la disponibilité pour tous.»
Quant au prix et à la valorisation de la pulpe, la réponse ne se fait pas attendre. «Ce sera fonction du marché», dit Jérôme Fourdinier. Et de préciser qu’il y a deux types de prix pour les pulpes : le prix déterminé au prorata de ce qui sera apporté en betteraves, et le prix de ce qui sera en supplément, déterminé, lui, par le marché local. «Certes, c’est Cristal Union qui prendra les décisions et non plus la Sica, mais nous fonctionnerons sur la même logique», assure-t-il. «De toute façon, ajoute pour sa part Gontran Goubet, il faudra bien que la coopérative fasse quelque chose de ses pulpes. Son intérêt est de garder ses débouchés. Quoi qu’il arrive, avec l’augmentation des volumes en lien avec celle des surfaces, le rééquilibrage entre l’offre et la demande se fera naturellement.»