Des initiatives pour valoriser le gibier français
La Fédération nationale des chasseurs et plusieurs acteurs du monde rural ont entrepris ces derniers mois de soutenir
des projets de transformation et de commercialisation de la viande de gibier, très mal valorisée en France. La Baie de Somme fait partie des territoires où une initiative pourrait être soutenue.
de l’irrégularité des approvisionnements par les chasseurs ou encore d’une tradition de partage des captures.
Des projets de valorisation du gibier ont été initiés ou consolidés ces derniers mois dans les principales régions françaises de chasse, indique la Fédération nationale de la chasse (FNC). C’est l’aboutissement d’un projet retenu en 2018 par le programme de Mobilisation collective pour le développement rural (MDCR), cofinancé notamment par des fonds européens Feader et le ministère de l’Agriculture.
Porté par la FNC et soutenu par la fédération des parcs naturels régionaux, le centre national de la propriété forestière, l’ONF, le conservatoire du littoral ou encore les chambres de métier et d’artisanat (APCMA), le projet «venaison», qui doit s’achever en août 2021, vise à coordonner les actions de ces différents acteurs pour que la viande de gibier soit valorisée dans les territoires. «La venaison en France est dans une situation paradoxale», constate Jean-Matthieu Gonnet, chargé de mission de la FNC en charge de ce dossier. «L’offre de grand gibier a été multipliée par dix en quarante ans et jamais les tableaux n’ont été aussi abondants avec environ 750 000 sangliers, 600 000 chevreuils et 60 000 cerfs élaphes lors de la dernière campagne. Dans le même temps pourtant, la France importe plus de 70 % de sa viande de gibier de l’Union européenne et même d’Australie ou des États-Unis.»
Un manque d’outils de transformation
La transformation et la commercialisation au grand public de la venaison souffre en France du manque d’outils de découpe agréés dans les territoires ruraux, de l’irrégularité des approvisionnements par les chasseurs ou encore d’une tradition de partage des captures. «Mais l’autoconsommation a atteint ses limites et va excéder largement les capacités des foyers des chasseurs dans les années qui viennent avec la diminution de leur nombre et l’augmentation des tableaux de chasse», argumente Jean-Matthieu Gonnet. «Si l’on divise le nombre de carcasses de gibier tuées annuellement par le nombre de chasseurs, on arrive à 40 kg de venaison par chasseur et par an !» La mise sur le marché de produits adaptés aux consommateurs d’aujourd’hui, apparait indispensable pour pouvoir poursuivre le prélèvement des grands animaux dans les zones rurales.
Circuits courts et circuits longs
Les participants au projet «venaison» souhaitent favoriser la mise sur le marché des carcasses en circuit court auprès des bouchers et restaurateurs locaux (plus souple en matière réglementaire) ou longs, via des centres de traitement. Une politique de valorisation qui a porté ses fruits dans de grands pays de chasse voisins de la France, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne. En Allemagne par exemple, 1 200 établissements ont été créés ces dernières années, contre une trentaine au total en France.
Depuis trois ans, les animateurs du projet travaillent prioritairement à consolider des filières déjà existantes. C’est le cas dans les Pyrénées où plusieurs acteurs alimentaires locaux se sont fédérés derrière une déclinaison régionale de la marque «Gibier de chasse-Chasseurs de France». La création d’un atelier communal de traitement pour limiter les transports est à l’étude ainsi que le lancement d’une gamme été pour désaisonnaliser la consommation. En Haute-Savoie, la fédération départementale des chasseurs devrait ouvrir elle-même à la rentrée prochaine à Annecy un petit atelier destiné à valoriser le gibier local auprès des restaurateurs. Des projets comparables sont à l’étude en Centre-Val de Loire, Aveyron-Lozère, dans les Vosges ou encore en Baie de Somme. Les chasseurs et leurs partenaires entendent aussi lever les interrogations soulevées par ces initiatives dans le monde rural. «Des acteurs agricoles s’inquiètent que ces filières de transformation ne viennent concurrencer le monde de l’élevage. Ce n’est pas le cas dans les projets que nous avons étudiés», tente de rassurer Jean-Matthieu Gonnet. «Le traitement du gibier permet au contraire d’apporter un peu d’activité additionnelle à des abattoirs locaux. La viande de gibier est en outre complémentaire de la viande d’élevage, porcine en particulier, dans la plupart des produits de venaison fabriqués par les artisans ou les industriels.»