Deux-cents propositions pour les territoires ruraux
La mission agenda rurale a remis son rapport à Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires. La FNSEA estime que bon nombre de ses propositions ont été retenues, même si certaines mesures manquent d’ambition.
La mission agenda rurale, composée de cinq élus territoriaux*, installée le 29 mars dernier par Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, a rendu son rapport à Saint-Bonnet-de-Rochefort, un village rural de l’Allier. Cette mission était chargée de formuler des propositions pour élaborer un agenda rural. Lors de la remise du rapport à la ministre, les rapporteurs ont souligné le rôle central joué par les territoires ruraux dans les transitions qui traversent la France, qu’elles soient démographiques, écologiques énergétiques, agricoles, numériques, économiques ou encore sociales.
Ils ont insisté sur la nécessité de redonner toute leur place aux territoires ruraux dans l’organisation territoriale. Parmi les deux-cents propositions émises par la mission, cinquante sont considérées comme clés. Elles ont trait au rôle de l’État à l’égard du milieu rural, aux relations entre les territoires, aux services publics et aux services au public qui contribuent à la cohésion sociale : éducation, santé, mobilité, numérique, services publics, au développement économique et, enfin, à faire des territoires ruraux des espaces d’excellence en matière de transition écologique, agricole et énergétique.
Daniel Prieur, secrétaire général adjoint de la FNSEA en charge des questions ruralité, a porté les demandes de la FNSEA pour le monde rural. Bon nombre de ces propositions se retrouvent dans le rapport, comme l’inscription de la notion d’espace dans la constitution pour une meilleure représentation des territoires ruraux dans les différentes assemblées élues, ou encore le développement d’une offre de santé soutenue par un rendu obligatoire des stages en milieu rural pour les internes, ce qui représenterait trois-mille médecins immédiatement disponibles.
Sur le numérique, la mission appelle également à des mesures plus coercitives, notamment «obliger les opérateurs à mettre en place le partage des données» ou leur faire respecter les conventions de couverture numérique. Sur la mobilité, le rapport relaie la revendication de la plupart des associations d’élus : transférer vers le bloc communal une part de la taxe carbone pour financer la mobilité de proximité en milieu rural. La mission recommande également la création d’un «pack jeunesse» délivré en mairie aux jeunes ruraux à partir de seize ans. De même, le rapport préconise d’ouvrir l’expérimentation de la 5G aux territoires ruraux, d’y développer un tiers des campus connectés ou encore d’étendre à trente nouveaux territoires ruraux l’expérimentation «territoire zéro chômeur de longue durée».
Pas de développement rural sans agriculteurs
Concernant l’agriculture, les rapporteurs partagent la vision de la FNSEA lorsqu’ils écrivent que le développement rural ne se fera pas sans agriculteurs. Ils alertent ainsi sur la baisse envisagée du budget européen pour la Pac et adhèrent à la position de la France de maintenir le soutien européen à destination de l’agriculture. Toutefois, les propositions formulées ne sont pas toujours en phase avec celles portées par la FNSEA, car la mission recommande de durcir la conditionnalité des aides Pac. Sur l’installation en agriculture, la mission propose de réorienter les aides à l’installation agricole, vers une meilleure rémunération des emplois agricoles et de l’agriculture paysanne par rapport au volume de production et à la surface exploitée, et vers une facilitation de l’installation pour les jeunes et les néo-agriculteurs. Enfin, sur le foncier, la mission insiste sur l’urgence de lutter contre l’artificialisation et propose d’accorder un droit de préemption aux collectivités territoriales pour sanctuariser les terres agricoles et de donner aux intercommunalités une compétence agricole.
Pour financer ces mesures, les rapporteurs mettent un accent particulier sur les moyens dédiés aux territoires ruraux, jugeant indispensable la création d’un fonds nouveau et dédié baptisé Fonds national de cohésion des territoires (FNCT) – en écho à la nouvelle agence du même nom. Ce nouveau fonds bénéficierait des crédits du fonds national d’aménagement du territoire (FNADT), doublé d’un fonds de péréquation alimenté par «les territoires riches». Ce FNCT pourrait servir à financer l’ingénierie dans les territoires ruraux.
La mission plaide aussi pour que soit défendu auprès des institutions européennes le maintien d’un engagement politique et financier en faveur du développement rural et invite les régions françaises à afficher la même priorité. Enfin, elle propose de réserver une partie significative des aides à la pierre, de flécher davantage de crédits culturels régionaux aux territoires ruraux. De même, les élus chargés de la mission appellent à la mise en place rapide d’un fonds de solidarité environnementale alimenté par les collectivités territoriales et les entreprises les plus polluantes afin de rémunérer les services environnementaux rendus par les territoires ruraux «vertueux».
Le rapport doit servir de feuille de route au gouvernement pour établir son agenda rural d’ici la fin du quinquennat. Il s’inscrit également dans le prolongement d’une résolution votée par le Parlement européen le 3 octobre 2018 en faveur de l’adoption d’une politique spécifique à destination des territoires ruraux de l’Union européenne : l’agenda rural européen. Les mesures vont être expertisées par le gouvernement d’ici au congrès des maires ruraux qui se tiendra le 21 septembre.
* Les cinq élus territoriaux qui composent la mission : Daniel Labaronne, député d’Indre-et-Loire, Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour, délégué des petites villes de France et vice-président de l’AMF, Cécile Gallien, maire de Vorey (Haute-Loire) et vice-présidente de l’AMF, Patrice Joly, sénateur et président de l’association Nouvelles ruralités, Dominique Dhumeaux, maire de Fercé-sur-Sarthe, vice-président de l’AMRF.