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Diversification : producteur de chicorée

SERIE DIVERSIFICATION 3/8 Chaque semaine, nous rencontrons un agriculteur qui fait le pari de la diversification. Pascal et Etienne Gourlint cultivent la chicorée depuis dix ans.

La chicorée de Pascal et Etienne Gourlint, semée il y a environ trois semaines, commençait à peine à lever, lundi. Elle sera arrachée en octobre et fin novembre pour rejoindre l’usine de déshydratation Sonode, à Saint-Pierre-Brouck (59).
La chicorée de Pascal et Etienne Gourlint, semée il y a environ trois semaines, commençait à peine à lever, lundi. Elle sera arrachée en octobre et fin novembre pour rejoindre l’usine de déshydratation Sonode, à Saint-Pierre-Brouck (59).
© © A. P.

Voilà dix ans qu’une culture peu commune dans notre secteur pousse dans les terres de Pascal et Etienne Gourlint, père et fils, à Agenvillers. La racine ressemble à une grosse carotte brune, tandis que le feuillage touffu a l’allure d’une endive. Sa fleur, bleue le matin, pâle le midi, rosée le soir, emblème de la fidélité, est surnommée la «fiancée du soleil». Le tout, une fois transformé, peut être dégusté en boisson chaude au goût caramélisé, en boisson énergisante ou en croquettes pour chien. Trouvé ? Il s’agit de la chicorée.
«En 2008, lorsque la sucrerie d’Abbeville a fermé, j’ai cherché à remplacer mes betteraves. Un voisin cultivateur de chicorée m’a conseillé d’en mettre dans mes champs», raconte Pascal. A l’époque, les sociétés spécialisées dans leur transformation, basées essentiellement dans le Nord, cherchaient des exploitants.
De 4 ha, l’exploitation de polyculture et élevage laitier en compte aujourd’hui 10 ha. C’est que le jeu en vaut la chandelle. La production de 40 t/ha en moyenne est achetée 73 € la tonne. A cela, il faut déduire les charges : achat des semences, engrais, phytos, arrachage par un entrepreneur et transport jusqu’à l’usine Sonode, à Saint-Pierre-Brouck (59), entre Calais et Dunkerque.
En 2016, alors que le blé a rapporté aux Gourlint 13 € de marge brute à l’hectare, et l’escourgeon 16 €/ha, la chicorée, elle, dégageait une marge brute de 230 €/ha. Les débuts ont néanmoins été un peu chaotiques. «Je n’avais pas adapté le semoir à betteraves, alors j’ai semé trop profond. Les chicorées étaient très grosses, mais peu nombreuses.» Il faut dire que les conseils en termes de chicorée n’affluent pas. «Chez Calypso, ma coopérative, nous ne sommes que trois à en produire. Le technicien a dû se renseigner, car il la connaissait mal.»

Bonne préparation et désherbage
Mais, aujourd’hui, les deux associés semblent avoir trouvé la technique. Une bonne terre, dépourvue de cailloux, est nécessaire. Celle-ci doit être bien préparée, travaillée très fine, et les petites graines doivent être semées avec précision : «45 cm d’écartement et pas plus de 2 cm de profondeur», précise Etienne. Semées il y a trois semaines, les chicorées seront arrachées en octobre et fin novembre. Le plus délicat, et la plus grosse charge de travail, reste le désherbage, nécessaire avant semis, post semis, puis tous les dix jours environ. «Cela peut représenter jusqu’à 300 de l’hectare. Et puis les produits sont peu nombreux, car les recherches sont peu avancées du fait de la rareté de la culture.»
Autre contrainte : le moindre petit morceau de racine laissé dans la parcelle repousse l’année suivante. Pour s’en débarrasser, Pascal et Etienne sèment du blé l’année suivante, et procèdent à un passage de glyphosate pour se débarrasser des résidus après la récolte. Comment feront-ils lorsque le produit sera interdit ? «C’est une bonne question», se demandent-ils. Cette année, ils feront le test de semer du maïs après la chicorée. «Les produits du maïs seront peut-être efficaces sur la chicorée…»
Même si la passion des Gourlint penche plutôt vers lers cent-trente Prim’Holstein à la traite, et que, depuis l’installation d’Etienne, il y a dix-huit mois, les betteraves sont de retour dans 10,5 ha de l’exploitation, la chicorée n’est pas près de disparaître.
Elle est une histoire de famille, que Pascal a découvert presque par hasard, losrqu’une cousine lui a révélé que son grand-père cultivait lui aussi cette plante. «Elle était transformée en lamelles, appelées cossettes. Celles-ci étaient ensuite vendues à la cossetterie de Crécy-en-Ponthieu. Le lieu-dit garde d’ailleurs toujours ce nom.»

Un marché de niche

Leader mondial de la chicorée. Un titre qui devrait faire la renommée des Hauts-de-France, seulement voilà, la région est en fait leader mondial d’un marché de niche, dont les principaux acteurs sont belges et hollandais.
La racine de chicorée est utilisée comme économiseur de café, une boisson 100 % naturelle, exempte de caféine et riche en fibres et minéraux. Mais la tradition de la chicorée à café se perd. Peu d’amateurs continuent à mettre quelques grains de chicorée dans leur café.
En région, 2 000 petits hectares seraient cultivés par deux-cent-cinquante planteurs, essentiellement concentrés dans une bande littorale située entre Calais et Dunkerque, et entre Lille et Cambrai, pour 80 000 tonnes de racines récoltées. 300 hectares sont aussi consacrés à la production d’inuline, un sucre naturel réduisant le taux de cholestérol, pour la firme hollandaise Sensus.

Leroux : 95 % de la production régionale
Au début du siècle, les entreprises de torréfaction étaient nombreuses dans la région. Aujourd’hui, la Sonode, société à capitaux belges, où livrent Pascal et Etienne Gourlint, Chicorée du Nord à Oye-Plage, entreprise artisanale et familiale existant depuis 1934 (pour une production de 3 000 tonnes), et Leroux persistent.
Cette dernière entreprise, implantée à Orchies (59) depuis 1858, domine le marché : elle traite près de 95 % de la production régionale (environ 80 000 tonnes traitées chaque année). Leader européen et deuxième acteur mondial dans le domaine de la chicorée pure, Leroux emploie 200 salariés et réalise 35 % de son chiffre d’affaires à l’exportation. La marque est présente dans cinquante pays. Il y a encore peu, il y avait 60 % de chicorée Leroux dans le Ricoré de Nestlé. Leroux a fait de gros efforts marketing et d’innovation, comme le lancement en janvier dernier d’infusions bio, mais le marché est encombré. Pour la récolte 2015, elle a même demandé de réduire les surfaces d’emblavement de 35 à 40 %.

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